Bus à hydrogène : Safra compte arriver au prix de l'électrique d'ici 2024

Bus à hydrogène : Safra compte arriver au prix de l'électrique d'ici 2024
Installé en Occitanie à Albi, Safra est un constructeur de bus en pleine expansion. Directeur commercial pour l’entreprise, Jean-Christophe Hoguet était l’invité ce jeudi 11 mars 2021 du Club Hydrogène Bourgogne-Franche-Comté porté par le Pôle Véhicule du Futur. Le très original Businova, seul bus électrique à PAC H2 conçu et fabriqué en France, était au cœur de sa présentation.
 
« Il circule aujourd’hui en Europe environ 150 bus toutes marques à pile hydrogène. La maturité technique est désormais suffisante pour que ces véhicules soient disponibles sur le marché. Des villes françaises pionnières nous accompagnent dans nos développements », a lancé Jean-Christophe Hoguet.

L’histoire du Businova H2 est récente. Sa phase d’homologation s’est étalée entre fin 2018 et début 2019. La même année, un premier territoire se décidait pour accueillir ce bus H2 français. C’est le syndicat mixte des transports Artois-Gohelle, dans le Pas-de-Calais, qui a en quelque sorte essuyé les plâtres. Son réseau d’autobus Tadao affiche judicieusement comme devise : « Une mobilité d’avance ». Il exploite actuellement 6 exemplaires 12 mètres. Avec quel retour d’expérience ? « La situation est normalisée. Le taux de fiabilité des Businova est en forte croissance. La consommation d’hydrogène se révèle sur le terrain moins importante que prévue », répond Jean-Christophe Hoguet.
 

Versailles et Le Mans

Il circule à Versailles (78) 5 bus H2 Safra, confiés à Keolis par le spécialiste de la location de bus à énergies alternatives B.E. Green. La ville du Mans (72) teste actuellement un exemplaire de Businova. « Une ligne complète de la Setram devait utiliser exclusivement des bus hydrogène dans les 12 à 24 mois », a révélé Jean-Christophe Hoguet.

Les 3 territoires disposent de leur propre station d’avitaillement. Celle construite avec GNVert dans le Pas-de-Calais peut produire jusque 140 kg d’hydrogène propre par jour. Ce qui couvre les besoins journaliers des 6 Businova (117 kg/j au total). Alimenté en électricité verte garantie par des certificats d’origine, l’électrolyseur alcalin dispose même d’une capacité maximale de 213 kg/j. Sa puissance est de 700 kW en comptant les auxiliaires. Les conducteurs font le plein des bus après le service, et avant stationnement au dépôt. Ils disposent de 2 distributeurs de technologie Hi-Flow qu’ils mobilisent chacun une douzaine de minutes pour remplir les réservoirs. Sur place, 2 unités de stockage. La première est constituée de 2 cuves (95 m3) sous basse pression 30 bars, capables de conserver 490 kg d’hydrogène, dont 312 kg utiles. Sous 450 bars, la seconde est constituée de 24 modules de 400 litres permettant de stocker 270 kg de gaz H2.




 

Un bus à hydrogène aux technologies innovantes

Les 4 réservoirs Luxfer installés classiquement sur le toit peuvent contenir jusque 30 kg d’hydrogène sous une pression de 350 bars.

« Cette configuration permet de parcourir jusqu’à 350 kilomètres, et même une centaine de km supplémentaires en ajoutant l’autonomie de la batterie lithium-ion. Un bus en service effectue généralement entre 130 et 350 km par jour », a commenté Jean-Christophe Hoguet. Il a précisé que pour un bus, il n’est pas utile de passer à une pression de 700 bars pour l’hydrogène : « Cette évolution aurait en revanche du sens sur un autocar où un espace important pour les soutes est nécessaire afin d’y loger les bagages des voyageurs ».

Une des originalités du Businova est de concentrer sur une plateforme appelée « Pack énergie », et munie de ses propres roues, les éléments spécifiques à l’alimentation du véhicule. Ainsi la batterie tampon lithium-ion 132 kWh à cellules LFP assemblée à Lyon par Eve-System, son chargeur AC/DC, la pile à combustible 30 kW Symbio et son convertisseur DC/DC. Une implantation dangereuse ? « Non pas du tout. La plateforme dispose d’un dispositif anti-encastrement avec barre de protection. En cas de collision, les électrovannes couperaient l’alimentation en quelques millisecondes. Entre l’avant et l’arrière du bus, il n’y a que quelques grammes d’hydrogène dans le tuyau d’alimentation », a expliqué le directeur commercial de Safra. « Cette plateforme forme au-dessus un belvédère très lumineux et agréable pour les passagers », a-t-il souligné.
 

2 modes de fonctionnement

Cette plateforme arrière a également une autre utilité : envisager différentes architectures de groupes motopropulseurs à énergie alternative. Hybride, électrique à batterie, électrique à PAC H2, et même rétrofit : les éléments spécifiques sont concentrés sur le Pack énergie sans avoir à trop retoucher le reste du véhicule. Le Businova H2 peut fonctionner selon 2 modes :
  • En Full H2, privilégié, c’est la pile à combustible qui est utilisée en priorité sur 350 km environ. La batterie peut éventuellement servir de prolongateur d’autonomie pour 90 km de plus. Dans ce mode de fonctionnement, le niveau de charge du pack lithium oscille entre 80 et 95%. Quasiment identique en début et en fin de journée, il ne nécessite donc pas de procéder à une recharge de la batterie.
  • En bus électrique classique. C’est alors la pile hydrogène qui sert de prolongateur d’autonomie. Le rayon d’action global est inchangé, proche des 450 km. Il est cependant nécessaire dans ce mode de recharger la batterie pendant la pause nocturne.

Maturité économique en 2025 ou 2030

« Aujourd’hui, un bus Safra Businova hydrogène sans options est facturé 630.000 euros. C’est 2 à 2,5 fois plus qu’un modèle équivalent diesel. Pour comparaison, un bus électrique avec une batterie dimensionnée pour 250 km coûte 550.000 euros », a comparé Jean-Christophe Hoguet. « En anticipant une baisse des coûts sur différents éléments comme la pile à combustible et les réservoirs d’hydrogène, on arrive à horizon 2023-2024 à descendre le tarif du Businova H2 jusqu’à celui de l’électrique, soit 550.000 euros. Entre 2025 et 2030, il serait compris entre 400.000 et 500.000 euros », a-t-il chiffré.

« La consommation du Businova H2 est comprise entre 6,5 kg d’hydrogène aux 100 km à vide, et 9,5 kg quand il transporte un maximum de personnes [NDLR : 87 places dont 24 assises + 1 emplacement pour un fauteuil roulant dans la configuration livrée à Tadao] avec la climatisation en fonction », a-t-il rapporté. A noter qu’en hiver, le dégagement naturel de chaleur provoqué par le fonctionnement de la pile à combustible est exploité pour chauffer l’intérieur du véhicule. « Pour être équivalent au gazole, le prix du kg d’hydrogène devrait être de 6 euros. En 2021, il évolue entre 7 et 12 euros. Avec une baisse parfois rapide du prix dans le cadre de certains projets », a-t-il annoncé.

Une maintenance plus simple

« La maintenance du Businova H2 est plus simple que celle d’un modèle diesel. Elle se compose principalement de checks visuels et de diagnostics à réaliser. Sur la pile à combustible, il y a un changement de filtre à air à effectuer tous les 2 ou 3 mois. L’air doit être d’une qualité irréprochable pour le bon fonctionnement de la PAC. A une fréquence similaire, il faut remplacer la cartouche désionisante pour l’eau. Le tout ne nécessite qu’une formation rapide d’un technicien », a expliqué Jean-Christophe Hoguet.

« Au bout de 2 ans, puis tous les 5 ans, il y a une maintenance plus importante de niveau 4. Les réservoirs sont inspectés tous les 4 ans. Ils bénéficient d’une durée de vie de 5.000 cycles. Ce qui correspond à 15 ans d’utilisation environ », a-t-il complété.

« Il n’y a pas d’obligations réglementaires pour les ateliers dans lesquels les techniciens n’interviennent pas sur les organes dédiés à l’alimentation en hydrogène », a-t-il assuré « Dans le cas contraire, les locaux doivent répondre à la réglementation Atex. Avec un capteur H2 à l’intérieur, des dispositifs d’extraction et de dilution en toiture. Il doit y avoir aussi des ouvertures en ventelles, ou une libération automatique des portes sur détection d’une fuite d’hydrogène. L’adaptation de l’atelier coûte entre 60.000 et 80.000 euros, auxquels s’ajoutent quelques milliers d’euros pour la certification », a-t-il listé. « Le dépôt des bus doit répondre à cette même norme Atex, comme c’est le cas aussi avec des bus fonctionnant au GNV », a-t-il ajouté.
 

Des capacités de production bientôt augmentées

Avec 8.000 m2 de bâtiments répartis sur une réserve foncière de 8,5 hectares, Safra peut sortir actuellement 30 à 40 bus par an. « Nous devons aller au-delà de 100 bus par exercice. Des agglomérations comme Dijon et Montpellier, par exemple, souhaitent disposer de plus de 20 exemplaires de bus H2 en première tranche. D’ici 2022, nous allons passer à une capacité de production de 150 unités par an. Et ce, en construisant 7.000 m2 de locaux supplémentaires », a détaillé Jean-Christophe Hoguet.

« Avec un chiffre d’affaires de 12 millions d’euros en 2020, nos effectifs sont de 150 salariés. D’ici 2023, 400 emplois supplémentaires devraient être créés », a-t-il anticipé. « Nous ne sommes pas encore présents à l’international. Mais nous pensons nous étendre dans les pays proche de la France. Ainsi au Benelux, en Suisse, en Allemagne, en Italie et en Espagne où nos configurations de bus sont adaptées. Nous pensons ensuite à l’Europe du Nord, où les autobus sont davantage conçus comme des autocars », a-t-il révélé.

Retenus par l’UGAP et la Centrale d’achat spécialisée dans le transport public, le Businova H2 est disponible en 10,5 et 12 mètres de long. « Nous devrions lancer en 2023 une déclinaison articulée 18 mètres. Nous sommes actuellement en phase de conception détaillée. Le prototype homologué devrait être présenté fin 2022 », a-t-il avancé. « Avec la région Occitanie, nous avons un projet de conversion à l’hydrogène d’autocars diesel », a-t-il conclu.
 
 
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