Hydrogène vert : vers une baisse de prix similaire au solaire et à l'éolien ?

Philippe SCHWOERER
11.04.2022 à 08:00

Dans un nouveau rapport publié en mars, l’agence internationale pour les énergies renouvelables (Irena) prévoit une importante chute des prix de l’hydrogène obtenu par électrolyse.

« World Energy Transitions Outlook 2022 : 1.5° C Pathway » (Perspectives des transitions énergétiques mondiales 2022 : Trajectoire 1,5° C) : c’est le titre du nouveau rapport que vient de publier l’Irena. Se référant à l’accord de Paris sur le climat signé en 2015 par 195 territoires, il recense les domaines prioritaires et les actions basées sur les technologies disponibles qui doivent être réalisées d'ici à 2030 pour atteindre la neutralité carbone au milieu du présent siècle. Une place majeure a été attribuée à l’hydrogène. L’agence internationale a rappelé que l’électricité est « la principale composante de coût dans la production, le transport et la conversion de l’hydrogène vert ».

Grosse baisse des prix à venir sur l’hydrogène ?

Cette dépendance à l’électricité constitue-t-elle un handicap pour faire baisser le prix du kilo d’hydrogène vert ? Pas du tout selon l’Irena. L’organisme explique : « Le prix de l’électricité achetée à partir de centrales solaires photovoltaïques et éoliennes terrestres a considérablement diminué au cours des 10 dernières années. Une baisse similaire est attendue pour les électrolyseurs pendant la prochaine décennie ». Dans son précédent rapport sur le sujet, l’agence internationale avait rapporté une chute respective du coût des modules solaires et de l’éolien terrestre de 82 et 39 % sur la période 2010-2019.




A ceux qui doutent encore de la légitimité de l’hydrogène vert dans la transition énergétique et la mobilité durable, l’agence internationale plaide : « L’intérêt pour l’hydrogène vert s’est accru lorsqu'il est devenu clair que le maintien de la température mondiale moyenne en dessous de 1,5° C par rapport aux niveaux préindustriels nécessiterait une action dans l’ensemble du système énergétique, y compris les secteurs difficiles à réduire, pour lesquels l’hydrogène vert est parfois la seule solution de décarbonation ». Elle est l’un des 6 axes retenus pour atteindre la neutralité carbone, pesant 10 % dans les estimations de l’Irena. Un taux de 25 % est envisagé pour les énergies renouvelables classiques, et autant pour l’amélioration de l’efficacité énergétique. Arrivent ensuite l’électrification à hauteur de 20 %, la production bioénergétique avec captage et stockage du carbone (14 %), et le stockage simple (6 %). 



400 millions de tonnes d’hydrogène vert en 2050

Cette place pressentie pour l’hydrogène vert explique pourquoi l’Irena a fixé des objectifs mondiaux en termes de production annuelle : 100 et 400 millions de tonnes pour 2030 et 2050. Et même 614 millions de tonnes à cette dernière échéance en comptant d’autres moyens d’obtenir de l’hydrogène décarboné (hydrogène bleu avec récupération du CO2). En comparaison, la production d'hydrogène vert se limite à 0,8 million de tonnes actuellement. Ces projections nécessiteraient l’ajout de 136 GW d’électrolyseurs par an jusqu’en 2030. L’organisme table cependant à 90 % sur les modèles alcalins moins coûteux et à la technologie mature, mais dont l’hydrogène en sortie manque le plus souvent de pureté pour être utilisé dans les piles à combustible qui équipent les véhicules H2. Pourquoi si peu d’électrolyseurs PEM ? Si l’agence ne prévoit que 10 % d’électrolyseurs à membranes échangeuses de protons plus en adéquation avec les besoins de la mobilité terrestre, c’est pour 2 raisons principales. Tout d’abord le recours à des matériaux critiques qui peut ralentir ou bloquer le développement de ces installations. Selon ses chiffres et projections, il faudrait, pour atteindre l’objectif : 5 500 tonnes de titane + 9 tonnes d’iridium + 5 tonnes de platine. Deuxième raison qui explique la préférence donnée aux électrolyseurs non PEM : L’Irena ne place pas la mobilité à PAC H2 dans les priorités de l’hydrogène vert. Les rédacteurs de l’étude partent par ailleurs du principe que l’électrolyse alcaline serait compatible avec la production intermittente du solaire et de l’éolien. Il est vrai qu’il existe des perspectives encourageantes en ce sens, mais avec des délais encore trop flous et lointains pour des exploitations concrètes.

L’hydrogène vert d’abord pour les avions et navires 

L’organisme réserve prioritairement l’hydrogène vert à l’approvisionnement de l’industrie chimique et des raffineries, puis de la production d’acier. Cette dernière est mise au même niveau que le fret international maritime, en particulier pour propulser les porte-conteneurs. L’aviation long-courrier arrive encore derrière.

Une priorité moyenne est ensuite accordée aux camions parcourant de longues distances, aux ferries et aux trains. Le transport régional, les voitures particulières et les voyages aériens courts sont quasiment lanternes rouges dans les projections de l’Irena. Particulièrement parce que d’autres solutions énergétiques sont mieux adaptées pour eux. La motorisation électrique à batterie, par exemple, pour les véhicules légers. Seul le chauffage résidentiel est relégué à une place encore moins importante.




Des investissements importants à prévoir

L’agence internationale insiste sur l’importance que chaque pays fixe des objectifs assortis de facilités en rapport avec les ambitions qui ressortent de ses scénarios. « L’hydrogène vert en est encore à ses balbutiements. Il a besoin d’une politique proactive pour passer de la filière de niche à une dimension industrielle », insiste-t-elle.

A l’échelle mondiale, l’enveloppe annuelle à consacrer à l’hydrogène décarboné (vert et bleu) s’élèverait à 133 milliards de dollars (122 millions d’euros) jusqu’en 2030, puis 176 milliards (162 milliards) les 20 exercices suivants. Un réseau de pipelines devrait être développé pour l’acheminement du produit sur des distances inférieures à 3 000 kilomètres. Le coût du transport serait alors compris entre 0,16 et 0,24 dollar (0,15-0,22 euro) le kilo d’hydrogène vert par tranche de 1 000 km. Il pourrait être divisé par 2 en réorientant vers ce produit les réseaux aujourd’hui exploités pour le gaz naturel.