Volkswagen : bientôt une voiture hydrogène avec 2000 km d'autonomie ?

Philippe SCHWOERER
08.11.2022 à 14:00

Tout dans son discours officiel laisse penser que Volkswagen se focalise exclusivement sur l’électrique à batterie en matière de mobilité durable. En partenariat, son bureau d’études continue cependant à poser quelques jalons pour ne pas être distancé sur l’hydrogène.
 
Depuis quelques jours, plusieurs médias Internet diffusent une information selon laquelle Volkswagen travaillerait en secret sur l’hydrogène. Et ce, avec un état d’avancement qui laisserait déjà espérer une autonomie de 2 000 kilomètres avec un plein sur une voiture particulière ou un utilitaire léger. Si cette voie poursuivie par le constructeur allemand n’est pas très connue, elle a déjà été révélée en février dernier par Business Insider.
 
Le rebond de ce qui pouvait apparaître alors comme un scoop se réfère toujours à cet article publié sur le Web au début de la présente année 2022. Son argumentaire s’appuie principalement sur les déclarations de Sascha Kühn, dirigeant fondateur de Kraftwerk. Il ne s’agit pas du groupe de musique électro connu à la fin des années 1970 pour son inquiétant titre « Radioactivity », mais du fournisseur en solutions de piles à combustible pour la mobilité.
 

Attitude de Volkswagen

Au début de l’année 2020, Volkswagen a commencé à se désengager de l’hydrogène. Herbert Diess justifiait alors : Les piles à combustibles « ne seront pas aussi compétitives que les transmissions électriques à batteries avant au moins une décennie ».
 
Un an plus tard, le PDG du groupe de Wolfsburg enfonçait le clou à plusieurs reprises : « Il est prouvé que la voiture à hydrogène n’est pas la solution climatique » ; « Pas même dans 10 ans, parce que la physique derrière tout cela est tellement déraisonnable » ; « Les faux débats sont une perte de temps. S’il vous plaît, écoutez la science ! ».
 
Ce plaidoyer d’Herbert Diess pour l’électrique à batterie est d’ailleurs rappelé par Business Insider. Le média explique de façon intéressante et cohérente la position prise officiellement par VW depuis l’année dernière. Ce serait, d’une part, pour apparaître aux yeux du public « comme un pionnier de l’électrique à batterie parmi les constructeurs en automobiles ». Et ce, afin « d’améliorer son image écornée après le scandale du dieselgate ».

Prototype Space UP hydrogène (2007)
 

Ne pas donner l’impression d’une dispersion

Deuxième raison : le bon accueil, par les analystes du marché boursier et de l’industrie, des constructeurs qui se focalisent sur l’électrique à batterie. Ceux qui se dispersent dans de multiples voies, sont pointés pour incohérence et une ligne de mire assez floue. Elias Holdenried, le journaliste de Business Insider Allemagne, auteur de l’article source, classait ainsi en février BMW et Toyota en se basant sur leur communication autour de l’hydrogène et/ou de futures générations de moteurs thermiques.
 
Cette prudence du groupe allemand pourrait lui faire bénéficier d’un appel d’air en emboîtant le pas d’Elon Musk, le concurrent à la fois modèle et gênant. Le californien s’était moqué en 2020 des piles à combustible en les qualifiant de « Fools Cell », ce que l’on pourrait traduire par « cellule des imbéciles ».
 
Pourtant, Volkswagen n’a pas cessé de signer de son nom en 2022 des brevets portant sur des avancées majeures en matière de mobilité à pile hydrogène. Un double jeu qui devrait permettre au groupe automobile et à la marque éponyme de ne pas rester au bord de la route si les autorités européennes et nationales continuent à pousser la mobilité hydrogène, en particulier pour les véhicules légers.
 

Brevet à la base des 2 000 km d’autonomie

En février 2022, l’article de Business Insider s’appuyait sur un brevet publié le mois précédent. Ainsi celui référencé WO/2022/013359, où Volkswagen et Kraftwerk sont dépositaires, et Sascha Kühn en tête de la liste des 10 inventeurs.
 
La découverte porte sur un module comprenant un empilement de piles à combustible. Il y est question de l’emploi de céramique, « par exemple du dioxyde de zirconium céramique enrichi à l’yttrium ». C’est sur ces 2 points que repose l’idée d’une autonomie de 2 000 km lancée par le spécialiste en systèmes de PAC H2.
 
Selon lui, sa centrale électrique est très proche d’une batterie lithium à électrolyte solide : « Les deux ont presque les mêmes électrolytes et une structure matérielle similaire. Les batteries à semi-conducteurs n’ont qu’un matériau solide pour stocker l’énergie, tandis que le gaz fait cette partie dans notre pile à combustible ».
 
Dans le nouveau dispositif, les habituelles membranes souples que l’on rencontre chez Toyota et Hyundai sont remplacées par des modèles en céramique.
 

De nombreux avantages

L’inventeur a dressé une liste prometteuse des avantages liés à la nouvelle technologie. Tout d’abord un démarrage plus rapide de la pile. Ensuite, l’absence de besoin pour humidifier la membrane souple qui pèse globalement assez lourdement sur le prix des piles à combustible.
 
La solution Kraftwerk/Volkswagen se passe du platine, mais aussi des habituelles précautions à prendre par des températures négatives et trop élevées ou pour empêcher la formation de bactéries. Au contraire, elle dégage une importante chaleur, de l’ordre de 400° C, qui peut être exploitée, sans consommation électrique supplémentaire, en remplacement de l’appareil de chauffage/climatisation du véhicule. D’où un gain de plus en autonomie.
 
Pour Sascha Kühn, la centrale électrique développée par les 2 partenaires est idéale pour les automobilistes qui n’ont pas les moyens de recharger depuis chez eux des véhicules électriques à batterie.
 

Commercialisation en 2026

Au média allemand, l’inventeur avait précisé en février dernier que le nouveau système de PAC, s’il a été développé pour fonctionner à l’hydrogène, saurait aussi accepter le GPL, le GNC/bioGNC et les carburants de synthèse. Ce qui pourrait être utile en cas d’absence de distributeur hydrogène alors que le réservoir est bientôt vide, ou pour choisir le carburant le moins cher. A condition que la compatibilité soit totale ou obtenue avec un dispositif embarqué facile à mettre en service et peu coûteux.
 
La centrale devrait être commercialisée dès 2026. Et si Volkswagen campait à cet horizon sur sa politique du tout électrique à batterie ? Kraftwerk s’y attend. A la base, son système a fait l’objet d’un brevet propre. C’est l’adaptation à Volkswagen qui porte une signature conjointe. Le spécialiste des PAC aurait déjà noué des liens avec d’autres constructeurs. De telle sorte que son invention devrait aller jusqu’à sa diffusion, sauf obstacles indépendants. L’objectif serait alors d’équiper 10 000 véhicules à l’année, pour un ou plusieurs constructeurs de véhicules légers H2.
 

De nombreuses publications en 2022

Depuis le 20 janvier, et la publication des propos de Sascha Kühn, de nouveaux brevets concernant les piles à combustible ont été publiés avec Volkswagen pour dépositaire. Le plus souvent en collaboration avec Audi. Sans être exhaustif, en voici quelques-uns : À noter que la plupart de ces brevets se réfèrent à des travaux datés de 2020. Faut-il s’inquiéter de ne plus retrouver Kraftwerk en partenaire ? Pas forcément. Si l’on pourrait interpréter cette absence comme un écartement volontaire de Volkswagen d’avec le spécialise des systèmes de PAC, on peut aussi en faire une autre lecture, plus conforme aux propos de Sascha Kühn.
 
Maintenant que l’adaptation au constructeur de la solution à membrane céramique est protégée, il n’y a pas forcément de nouvelles demandes de brevets à déposer aujourd’hui ou même plus tard.