Vendée : le programme hydrogène expliqué par Alain Leboeuf

Philippe SCHWOERER
17.03.2020 à 10:22

Pionnier et novateur en mobilité électrique, puis dans la production de bioGNV pour alimenter principalement des poids lourds, le SyDEV (Syndicat de l’énergie départemental) et sa SEM Vendée Energie poursuivent avec l’hydrogène leur marche passionnée pour le développement durable, l’énergie décarbonée et la mobilité vertueuse.

Au premier semestre 2021, la Vendée devrait inaugurer en France avec Lhyfe une unité de production d’hydrogène vert à l’échelle industrielle qui constituera une première française, et même européenne, à bien des égards. Une station d’avitaillement sera ouverte en même temps. La demande des collectivités, de professionnels et de particuliers enfle déjà en Vendée pour la mobilité hydrogène perçue comme efficace pour réaliser de longues distances avec le plein en énergie. Des bus, des bennes à ordures ménagères, des voitures particulières, des utilitaires légers et même des poids lourds convertis chez e-Néo formeront une première flotte H2. Et des bateaux ? Aussi !



Lhyfe

Fondée en 2017 par son dirigeant Matthieu Guesné, la startup Lhyfe cherche à développer un modèle de production d’hydrogène vert ambitieux et efficace. Si l’unité de production vendéenne qui sera sa première réalisation reposera sur la terre ferme, à proximité du parc éolien de Bouin, les futurs projets s’appuieront sur un modèle de plateforme offshore reposant en mer à une cinquantaine de kilomètres des côtes. Une distance suffisante pour ne pas gêner la vue vers le large mais suffisamment proche pour optimiser le transport de l’hydrogène dans les limites terrestres de l’Hexagone.

Parc éolien libre

« Produire de l’hydrogène totalement décarboné est un sujet qui me taraude depuis longtemps. L’hydrogène, c’est l’avenir de la mobilité », nous confie Alain Leboeuf, président du SyDEV. « En 2016 nous avons déposé auprès de la ministre de l’Ecologie, Ségolène Royal, un dossier pour faire suite à son appel à manifestation d’intérêt dédié à l’hydrogène. Et ce en anticipant la fin de l’obligation d’achat d’électricité qui nous liait avec EDF jusqu’en juin 2017 pour le parc éolien de Bouin. Puisque le site allait être libéré, autant utiliser les infrastructures amorties pour servir un projet expérimental », poursuit-il. « Sur les 8 éoliennes qui composent le parc, 3 sont la propriété de Vendée Energie. Dans un premier temps, nous pensons utiliser 30% de la production de ces dernières, avec une augmentation progressive en fonction des besoins, le reste étant injecté dans le réseau électrique », planifie notre interlocuteur.
 

Club des élus ambassadeurs de hydrogène

« En 2017, Valérie Nouvel, vice-présidente du Conseil départemental de la Manche, Claire  Bourgeois-République, vice-présidente de la communauté dʼagglomération du Grand Dole, et moi-même avons créé le Club des élus ambassadeurs de l’hydrogène », rappelle Alain Leboeuf. « A ce titre, j’assistais à la Maison de la Chimie, à Paris, en juin 2018, à l’intervention de Nicolas Hulot, ministre de l’Environnement et de la Transition solidaire, sur son programme de développement de l’hydrogène en France. J’ai ensuite pris la parole afin de plaider la cause des territoires pour porter ce programme », relate-t-il.

« En Vendée, par exemple, nous avions tout ce qu’il fallait : les ingénieurs, une économie très dynamique, des chefs d’entreprises vraiment ouverts sur le développement durable, une société d’économie mixte novatrice, mais nous n’avancions pas. J’avais à cœur que notre département montre l’exemple », revoit-il. « A la fin de mon intervention, un homme est venu me voir : Matthieu Guesné. Il souhaitait que nous discutions de ma vision du développement de l’hydrogène », se souvient-il.

Bonne rencontre

« Le fondateur de Lhyfe et moi nous sommes revus rapidement derrière, dès le mois de juillet suivant. Il m’a expliqué que son projet entrait en phase de développement. Dans le détail, ça correspondait en tout point à ce que je voulais. Il y avait ce souci de ne pas peser sur les réseaux électriques, de s’installer dans des zones où les énergies renouvelables sont le moins intermittentes », rapporte le président du SyDEV. « ‘Il faut que votre projet s’ancre chez nous ! Il ne doit pas partir ailleurs en Europe’, lui ai-je dit », témoigne notre interlocuteur. « Le démarrage de Lhyfe en Vendée est donc d’abord une rencontre, une histoire d’hommes », s’amuse-t-il. « C’est malin l’idée des plateformes de production offshores : ça résout le problème d’approvisionnement en eau pour l’électrolyse, en puisant directement dans la mer, sans toucher à l’eau potable », souligne-t-il.

Première en France

« L’unité Lhyfe de Bouin produira 300 kilos d’hydrogène par jour. Nous sommes déjà là dans une échelle industrielle. Cette installation sera donc la première unité de production d’hydrogène vert de cette envergure. Aujourd’hui il en existe déjà de petites qui sortent, par exemple, 20 kg d’hydrogène par jour », indique Alain Leboeuf. Il ajoute : « Avec notre projet, ce ne sont pas les certificats d’origine que nous allons chercher, mais bien les électrons d’origine. Et ça aussi c’est une première de brancher directement à un important électrolyseur une source d’énergie intermittente et de savoir composer avec ».

Les stations hydrogène à venir en Vendée

« La première station délivrant de l’hydrogène en Vendée devra ouvrir en même temps que l’unité de production de Bouin, à la fin du premier trimestre 2021 ou au début du suivant. Accessible au public, elle sera implantée sur le territoire de La Roche-sur-Yon, avec un seul distributeur au départ. Des pistes seront ajoutées ensuite au besoin. Nous avons pressenti un site pour sa facilité d’accès par les clients, sa situation sur un axe majeur et la proximité d’un échangeur », révèle Alain Leboeuf.

« Nos stations bioGNV compteront également une piste dédiée à la distribution de l’hydrogène », nous annonce-t-il. Celles de La Chaize-le-Vicomte et des Essarts-en-Bocage qui dépendent de Vendée GNV distribuent déjà du biogaz. La suivante ouvrira prochainement à Fontenay-le-Comte. Et ce n’est pas fini !

Pour quels véhicules ?

« Les communes de La Roche-sur-Yon et des Sables-d’Olonne souhaitent expérimenter chacune très vite un bus ou car à hydrogène. Nous pensons lancer un appel à marché groupé incluant d’autres villes vendéennes, pour des livraisons en 2021, au moment de l’ouverture de notre station d’avitaillement. A Challans et à Saint-Gilles-Croix-de-Vie, ce sont des bennes à ordures ménagères H2 qui sont attendues. Leur silence de fonctionnement permet de les exploiter la nuit et leur ouvre l’accès de jour à tous les sites. Ce sera un vrai progrès ! », met en avant Alain Leboeuf. « Au SyDEV, nous aurons nos propres véhicules H2, dont un camion de type 19 tonnes qui sera converti par l’entreprise locale e-Néo. Nous hésitons à prendre dans notre propre flotte ou à acquérir un camion d’occasion pour base à la transformation, mais il faudra que ce véhicule soit prêt au printemps 2021 », complète-t-il.

Collectivités, services assimilés et particuliers

« Le SDIS recevra 2 Renault Kangoo à PAC hydrogène : C’est important pour l’image de ces véhicules que des pompiers les utilisent au quotidien », justifie-t-il. « Le Conseil départemental s’est positionné pour 1 véhicule H2 pour les services administratifs, et 1 ou plusieurs fourgons pour les services techniques », ajoute notre interlocuteur. « Des particuliers et chefs d’entreprises m’ont fait part de leur attente pour des véhicules H2, voulant même pré-réserver des volumes d’hydrogène. C’est pour eux une question d’autonomie », reconnaît-il. « Toyota a promis pour 2023, soit pas très longtemps finalement après l’ouverture de notre première station, des voitures à hydrogène à moins de 30.000 euros. Avec un bonus gouvernemental et une aide de la région, la mobilité H2 deviendrait beaucoup plus accessible », anticipe-t-il.

Bateau

« Nous sommes dans un département maritime. Des bateaux électriques à pile hydrogène sont plus pertinents que des modèles à batterie. Nous réfléchissons à cela avec des entreprises ligériennes et avons soumis à l’Europe un dossier en ce sens », avance Alain Leboeuf.

« Je suis aussi président de la régie départementale des passages d’eau de la Vendée. Pour rejoindre l’île d’Yeu, il y a actuellement 3 bateaux : 2 pour le transport de personnes avec une capacité de 500 passagers, et le dernier pour les marchandises. Notre dossier, placé très haut dans la pile, porte sur un bateau H2 pour 250 voyageurs », détaille-t-il. « Notre région, à l’Ouest de l’Europe, a un savoir-faire reconnu dans ce domaine. Les bateaux à hydrogène sont un vrai sujet de développement économique », prédit-il.

Avec d’autres territoires

En grand passionné pour les combats qu’il mène, Alain Leboeuf aime agir en équipes très élargies. « En Vendée, nous avançons main dans la main avec d’autres territoires, pas forcément dans la même région. Au Mans, nous fournirons l’hydrogène vert aux bus H2 qui arriveront bientôt, selon le souhait de Stéphane Le Foll. La construction de leur station d’avitaillement est en train de se terminer. Dans un premier temps, en attendant la mise en service de notre unité de production, elle recevra de l’hydrogène gris », illustre-t-il. « A l’intérieur et hors des Pays de la Loire nous avons des contacts avec différents élus. Notre démarche en faveur de l’hydrogène ne sera crédible que si des points d’avitaillement sont présents dans tout l’Hexagone », prévient le président du SyDEV. 

Vendée énergie Tour

Depuis 2014, le SyDEV propose une manifestation qui ne cesse de s’étoffer : le Vendée énergie Tour. Le programme de l’édition 2020 fait une large place à l’hydrogène. Le mardi 2 juin, une conférence sera donnée chez e-Néo (Les Brouzils), spécialiste du rétrofit électrique à batterie de traction et/ou à pile H2. « Il y aura un tracteur routier en cours de conversion exposé. Il devrait déjà rouler sur ses batteries de traction. La partie hydrogène suivra : des essais sont en cours avec Symbio qui fournit la PAC H2. Les réservoirs ne sont pas encore finalisés », commente Alain Leboeuf. Deux jours plus tard, le jeudi 4 juin, la mobilité multi-énergie sera à nouveau à l’ordre du jour au circuit de Fontenay-le-Comte. Le lendemain, au Vendespace, un salon du véhicule électrique sera ouvert. « Des voitures particulières et des utilitaires légers à hydrogène seront présentés. Nous espérons également la présence d’un bus », souligne notre interlocuteur. Enfin, le traditionnel Rallye des ambassadeurs passera par Bouin : L’occasion de présenter le projet Lhyfe. Un arrêt est aussi prévu chez e-Néo.

H2 Mobile et moi-même remercions vivement Alain Leboeuf pour sa disponibilité et le temps pris à présenter le programme H2 vendéen.