Hopium : quel avenir pour le Tesla de l'hydrogène ?

Michaël TORREGROSSA
26.04.2024 à 06:00

Abandon de la Machina, repositionnement sur la mobilité lourde, premiers démonstrateurs, futur site industriel… A l’occasion d’un webinaire, Hopium a fait un nouveau point d’étape sur sa feuille de route, confirmant la commercialisation de ses piles à hydrogène pour 2025.
 
Si le discours tend à être positif, Hopium reste dans une période très incertaine. Toujours en phase d’observation suite à son placement en redressement judiciaire, l’entreprise, jadis présentée comme un « Tesla de l’hydrogène », tente de redresser la barre malgré une action en chute libre, aujourd’hui valorisée 0.031 euro. Nommé à la tête d’Hopium il y a quelques semaines, Stéphane Rabatel a fait un nouveau point de situation à l’occasion d’un webinaire organisé ce jeudi 25 avril.

Du constructeur à la Cleantech

« Tout est parti d'une passion. Le rêve d'Olivier Lombard de faire une voiture sportive bas-carbone à hydrogène. C'est Olivier qui a décidé de s'entourer dès le début des meilleurs pour donner vie à ce rêve » introduit le nouveau dirigeant d’Hopium. Malheureusement et malgré le succès de la Machina lors de sa présentation en 2022 au Mondial de Paris, la jeune entreprise est rapidement rattrapée par la réalité d’un marché où les phases de développement sont à la fois longues et couteuses.
 
Si la direction d’Hopium décide de réorienter sa stratégie sur la pile, dont le potentiel de chiffre d’affaires est beaucoup plus rapide, le constructeur n’échappe pas à son placement en redressement judiciaire en juillet 2023. Début 2024, l’entreprise parvient à renouveler pour six mois sa période d’observation grâce au programme de réduction des coûts engagé. Quelques semaines plus tard, en février, Stéphane Rabatel est nommé Président par le Conseil d’Administration. « Dès mon arrivée, j'acte de l'abandon de la Machina et le repositionnement d'Hopium sur la mobilité lourde » souligne le nouveau dirigeant. « Hopium devient alors une cleantech avec pour ambition de devenir l'acteur de référence pour la décarbonation du transport ».


 
De 180 à 35 salariés

Au cours des derniers mois, Hopium a subi une véritable cure d’austérité. Si les résultats de l’entreprise restent négatifs pour 2023, avec un déficit supérieur à 30 millions d'euros, Stéphane Rabatel estime que les plans de réduction des coûts engagés « ont porté leurs fruits ».
 
« La baisse des charges d’exploitation a été très conséquente sur l'exercice, notamment grâce à la réduction des effectifs. Nous sommes passés de 180 personnes à 35 à fin décembre 2023. Cela a permis aux charges de personnel de baisser de 3,8 millions d'euros » chiffre le nouveau patron d’Hopium qui annonce d’ores et déjà la couleur pour 2024. Si des réductions de coûts sont encore attendues, l’année sera encore déficitaire dans la mesure où les nouveaux systèmes ne seront pas encore commercialisés.
 

La performance pour principal atout

Si Symbio a un coup d’avance dans la phase industrielle avec sa gigafactory SymphonHy, inaugurée fin 2023, Hopium estime avoir plusieurs atouts en main. En premier lieu, les performances de sa pile.
 
« Les résultats des tests menés donnent un niveau de performance globalement supérieur de 20 à 30 % par rapport à toutes les solutions connues aujourd'hui sur le marché » assure Stéphane Rabatel. « Le premier atout d’Hopium, c’est d’avoir eu une logique de conception concentrée sur la performance en conditions réelles d’usage. Notre pile est née d'une contrainte très forte imposée par des ingénieurs expérimentés pour satisfaire un client : la Machina. Il fallait allier une grande performance, une grande compacité, une grande robustesse, le tout à prix défiant toute concurrence » avance-t-il.
 
Le dirigeant d’Hopium met également en avant la « conception automobile » de sa pile. « Elle se révèle particulièrement adaptée au marché des transports, donc au marché des transports lourds qui subissent les mêmes contraintes que les voitures de sport » justifie le dirigeant qui identifie pour « troisième atout » une conception basée sur l’utilisation de « jumeaux numériques », technologie rare dans l’automobile, mais relativement courante dans le domaine aéronautique. « Cette conception permet de minimiser les coûts et les temps de développement. La pile et l'ensemble du système pile ont été modélisés sur ordinateur. Cela a permis aux équipes d'optimiser continuellement le système avant le lancement de sa fabrication. Le but, c'est de faire bon du premier coup ! » complète le patron d’Hopium.


 

La Machina pour démonstrateur

Annonçant vouloir commercialiser dès 2025 ses solutions, Hopium mise aujourd’hui sur trois niveaux de puissance : 100 kW, 200 kW et 400 kW, cette dernière étant en réalité un double système 200 kW pour adresser des besoins de « très forte puissance ».
 
« On a lancé les commandes en avril pour l'ensemble des pièces que nous allons recevoir très rapidement pour monter nos prototypes. On prévoit aujourd'hui des essais au banc du système complet 100 kW, piloté par le même contrôle commande Hopium propriétaire que celui qui le pilotera dans la vraie vie. Les essais sont prévus cet été, avec un début d'assemblage en mai » explique Stéphane Rabatel.
 
Si sa commercialisation fait désormais partie du passé, la Machina sera utilisée par les équipes d’Hopium en tant que démonstrateur roulant.
 
« La Machina reste un bel objet de démonstration et on aurait tort de s'en priver. C'est aussi un moyen de montrer que notre solution est très compacte et capable de s’adapter assez facilement à d'autres clients » justifie le patron d’Hopium qui annonce des essais en « conditions réelles » à l’automne. « Dans le même temps, le système 200 kW sera testé sur banc d'essai pour valider notre gestion de puissance » complète-t-il.

Si la commercialisation de la Machina est désormais abandonnée, la luxueuse berline à hydrogène fera toujours office de démonstrateur des technologies d'Hopium
 
Aussi pour l’aéronautique et le maritime
Interrogé sur des applications possibles dans les secteurs aéronautiques et maritimes, Hopium a confirmé s’intéresser au sujet. « La compacité de la pile Hopium va sans doute permettre de répondre à certains besoins sur l’aéro et le naval » a indiqué Stéphane Rabatel, soulignant toutefois la nécessité de certaines adaptations, notamment en matière de « marinisation » de ses systèmes pour les applications nautiques.
 

Un site industriel bientôt annoncé

« Nous allons communiquer très rapidement sur un site industriel qui sera à la fois un site de test, d'assemblage et de validation » promet Stéphane Rabatel. « Nous avons fait le choix d'assembler un ensemble de composants qui seront fabriqués par des industriels y compris les plaques parce que nous pensons que ces fournisseurs pourront très rapidement nous faire bénéficier des nouvelles technologies, des baisses de coûts tout en étant plus à même d'accepter des montées en charge » complète-t-il.
 
Sans les citer à ce stade, Hopium annonce avoir déjà contractualisé avec certains clients pour équiper des poids lourds et des bus.
 
« Notre horizon est plus clair »
 
« Pendant de nombreux mois, Hopium a traversé une zone de forte incertitude. Aujourd'hui, notre horizon est plus clair. Nous savons quelle est notre ambition, quelle est notre stratégie et quelles sont les étapes à franchir dans les prochains mois pour réussir » explique Stéphane Rabatel estimant que cette nouvelle feuille de route ouvrira les portes « d'un nouveau public d'investisseurs pour financer la suite du projet ». Une reconquête indispensable, le financement Atlas n’ayant pas vocation à aller au-delà de 2024.