Vinci Airports se prépare à transformer ses aéroports en hubs hydrogène

Philippe SCHWOERER
17.09.2021 à 07:00

Dans ce second volet consacré au webinaire sur la mobilité aérienne et maritime H2 programmé par la Société d’encouragement pour l’industrie nationale, Eric Delobel livre la vision de Vinci sur la migration des aéroports en hubs hydrogène.
 

Une politique environnementale qui repose sur 3 piliers

Directeur technique de Vinci Airports, Eric Delobel a rappelé que son entreprise exploite actuellement 45 aéroports, et bientôt 52, sur 3 continents et 12 pays. En 2019, avant la pandémie actuelle de coronavirus, ce sont plus de 250 millions de passagers qui sont passés par ces sites.
 
Cette position de leader dans les opérations aéroportuaires autorise la filiale de Vinci Concession à mener le pas de la transition énergétique dans le secteur. Depuis 2016, elle développe une politique environnementale qui repose sur 3 piliers : le carbone et les énergies, l’économie circulaire, et la protection des milieux naturels. « Sur nos réseaux et sur nos périmètres, nous avons l’ambition de réduire de 50 % les émissions de CO2 d’ici 2030 et d’être neutre en carbone à horizon 2050 », à mis en avant Eric Delobel.
 

Une vision partagée des enjeux stratégiques

« Nous, les acteurs du transport aérien, nous avons une vision totalement partagée des enjeux stratégiques pour le décarboner », affirme le directeur technique de Vinci Airports. D’où un travail collectif sur le sujet entre les compagnies aériennes, les constructeurs d’avions et les opérateurs aéroportuaires. Cette démarche a permis d’aboutir à une stratégie commune.
 
En 2050 pour l’Europe et 2060 pour le monde, le transport aérien devra être entièrement décarboné. Pour tenir cet objectif, tous ces acteurs vont avoir à actionner des leviers technologiques, énergétiques, et opérationnels.
 

21 % d’hydrogène en 2050

Concrètement, les avions et les moteurs vont bénéficier de progrès technologiques, les trajectoires aériennes vont devoir être améliorées, le temps de roulage des avions au sol sera réduit, et les carburants alternatifs se déploieront.
 
Selon la feuille de route présentée par Eric Delobel, la décarbonation du secteur aérien européen pour 2050 repose à 21 % sur l’hydrogène et 34 % sur les carburants durables. Concernant ces derniers, Vinci Airports a été pionnier, en délivrant ces produits pour la première fois à l’aéroport de Clermont-Ferrand.
 

Les enjeux identifiés

« L’arrivée de l’hydrogène sur une plateforme aéroportuaire, c’est une véritable révolution technologique », a indiqué le directeur technique. Son entreprise a identifié 4 types d’enjeux à relever à ce sujet : réglementaires, techniques, opérationnels et économiques. Afin d’assurer la sécurité des usagers et des riverains, les aéroports sont des espaces très réglementés par des dispositions très précises. « L’arrivée de la molécule d’hydrogène, que ce soit sous la forme gazeuse ou la forme liquide, va rebattre les cartes », souligne Eric Delobel. Le temps presse pour adapter le cadre réglementaire, puisque le gaz H2 devrait commencer à arriver dans les aéroports en 2025-2030.
 

Volet technique

Les enjeux techniques sont de 3 natures concernant les aéroports.
 
Il faudra tout d’abord s’assurer qu’ils seront capables d’accueillir les nouveaux avions, comme ceux qui seront dérivés des concepts présentés par Airbus. Les contrôles porteront sur le poids, les dimensions, et l’interaction entre les aéronefs et le terminal.
 
Les sites devront également être en mesure de stocker l’hydrogène, que ce soit sous la forme gazeuse ou liquide, en plus de l’actuel Jet A-1, et des carburants durables à venir. « Il faut qu’on puisse accueillir sur nos plateformes aéroportuaires, pendant un temps relativement long, trois types de carburants », a averti Eric Delobel.
 
Le dernier challenge : maintenir l’hydrogène liquide à -253° C depuis l’espace de stockage jusqu’aux réservoirs des avions. Il sera nécessaire d’éliminer tous les risques de vaporisation qui alourdiraient au final le rendement de cette solution.



 

Enjeux opérationnels

Le principal défi opérationnel à relever au sujet de l’hydrogène, c’est de parvenir à conserver un temps maximum de 30 minutes pour effectuer un aller et retour sur les plateformes aéroportuaires. Sur cette plage, les passagers à l’arrivée et leurs bagages doivent être descendus, les nouveaux voyageurs embarqués, et le plein en carburant effectué. Il s’agit là d’une exigence formulée dans leur cahier des charges par nombre de compagnies aériennes, en particulier low cost. Certaines exigent un timing encore plus serré entre 20 et 25 minutes.
 
En partant du principe que ces opérations pourraient effectivement toutes être réalisées dans ce délai, les autorités en charge de la réglementation doivent encore apporter leur aval sur la possibilité d’effectuer le plein en carburant hydrogène pendant le transfert des occupants. A défaut, la compétitivité des plateformes aéroportuaires serait dégradée.
 

Enjeux économiques

La question qui intéresse les compagnies aériennes, c’est : A quel tarif sera vendu l’hydrogène liquide ou gazeux dans les aéroports ? « Nous nous devons de travailler sur des infrastructures pour pouvoir produire, distribuer, et servir cette molécule hydrogène à un prix tout à fait compétitif », a commenté Eric Delobel.
 
C’est pourquoi Vinci Airports s’active sur le sujet en direct avec les gaziers. Un point qui est de nature à améliorer le coût de l’hydrogène vert, c’est le fait de devoir baisser l’empreinte carbone globale des plateformes aéroportuaires. Et ce aussi bien au niveau des émissions directes (scope 1), que des autres besoins en énergie sur place (scope 2), et des rejets indirects (scope 3). Les infrastructures de livraison en carburant H2 dans les aéroports ne pourront donc pas se limiter aux seuls pleins des réservoirs d’avions.


 

Commencer par l’hydrogène gazeux

Des distributeurs d’hydrogène devront pouvoir également être ouverts aux clients voyageurs, aux taxis, aux camions et à la logistique, aux autocars et autobus externes, aux navettes internes et petits véhicules de services (transport des bagages, échelles pour monter dans les avions, etc.), ainsi qu’aux entreprises et industries qui entourent le site. Un scénario qui impose d’implanter au plus tôt les moyens de production, de stockage, et de distribution en hydrogène vert. Et ce, en répondant en particulier à des appels à projets en France (Ademe, AMI) et en Europe (IPCEI, Green Airport).
 
« On a conscience que, si on veut être au rendez-vous de l’hydrogène liquide pour les avions à horizon 2030-2035, il nous faudra passer par une phase d’hydrogène gazeux. C’est pourquoi nous réfléchissons déjà pour nos aéroports à installer des facilités qui nous permettrons [d’en] distribuer à un certain nombre d’acteurs », a détaillé Eric Delobel. Ce dernier voit cet épisode comme une phase de préparation et de rodage.



 

Des hubs hydrogène

 « Il s’agit de faire de nos plateformes aéroportuaires de véritables hubs d’hydrogène […] susceptibles de servir toutes les demandes d’aujourd’hui, de demain et d’après-demain », a assuré le directeur technique de Vinci Airports. « Les hubs dans le domaine aéroportuaire, c’est quelque chose d’assez familier, quelque chose dans notre ADN. Il faut qu’on réplique le modèle du hub sur une dimension énergétique […] dans un écosystème qui existe déjà », a-t-il complété.
 
Pour qu’un tel modèle fonctionne, la réflexion est à mener à l’échelle européenne, voire mondiale. « L’idée, c’est vraiment de déployer [cette architecture] sur l’ensemble des aéroports du réseau Vinci Airports, et au-delà. D’où l’importance d’échanger avec les autres opérateurs aéroportuaires », a-t-il conclu. Un réseau suffisamment dense doit donc être développé en un temps record pour qu’il soit opérationnel quand Airbus et les autres avionneurs livreront leurs premiers avions à hydrogène.
 

Cycle gratuit de conférences

Soutenu par la Fondation Energy Observer et la plateforme Leonard de prospective et d’innovation du groupe Vinci, le cycle de conférences sur l’hydrogène proposé par la Société d’encouragement pour l’industrie nationale prend la forme de webinaires auxquels il est possible d’assister gratuitement.
 
Celui programmé mercredi 8 septembre dernier était dédié à la mobilité aérienne et maritime. Nous lui consacrons 3 volets dont celui concernant la navigation fluviale ou en mer reste à venir. La prochaine conférence traitera des usages industriels de l’hydrogène. Rendez-vous est fixé au mercredi 6 octobre 2021.