Interview
Rétrofit : un autocar à moteur hydrogène pour Transdev en 2025
Mis à jour le 27.09.2023 à 20:28
C’est dans le cadre de la première édition du BritanHy Day que l’entreprise bretonne Efficient Hydrogen Motors a levé le voile sur un partenariat avec Transdev. Son moteur novateur sera prochainement installé dans un autocar Iveco Crossway Euro 6 mis à disposition par l’opérateur de transport en commun. Une initiative que nous explique Bertrand Savatier, responsable en stratégie et finances d’EHM.
Pour une première édition, le BritanHy Day qui s’est tenu vendredi 22 septembre 2023 au Palais des Congrès de Saint-Brieuc a déjà réussi à se placer en événement majeur de promotion de l’hydrogène décarboné dans diverses applications dont la mobilité. A la barre, Francis Gasnier, animateur du cluster hydrogène lancé par la CCI des Côtes-d’Armor. Parmi ses atouts principaux, une foi inébranlable dans sa mission qui a emporté de grands acteurs de l’hydrogène.
Ainsi la startup Efficient Hydrogen Motors qui a créé la curiosité parmi le public de professionnels, mais aussi des attentes fortes comme fournisseur d’une alternative à la motorisation électrique à pile à combustible. CMV Amphibie, par exemple, qui travaille au rétrofit des bateaux à roues pour les producteurs de moules depuis la baie de Saint-Brieuc jusqu’à celle du Mont-Saint-Michel. Son dirigeant Ghislain Quentel s’est déclaré très intéressé par cette solution lors des pitchs d’entreprises programmés juste avant la clôture de l’événement. EHM reçoit ainsi de nombreuses demandes prouvant l’intérêt que suscite sa technologie. Son moteur exposé à Saint-Brieuc dans le cadre du BritanHy Day a été maintes fois regardé et photographié.
Les deux hommes ont eu envie d’aller plus loin ensemble sur le concept : « Le premier est un chercheur pratique quand l’autre travaille plutôt en laboratoire. Afin d’obtenir un chiffrage concernant la réalisation d’un prototype du moteur, ils ont sollicité un industriel, Didier Arénal. Ce dernier a vu les choses autrement : créer ensemble une entreprise, Efficient Hydrogen Motors, qu’il dirige en apportant toute son expérience ».
Bertrand Savatier détaille pour les lecteurs de H2-Mobile : « La température de combustion de l’hydrogène dépasse les 1 000° C. Ce qui amène plusieurs effets néfastes, en particulier une plus grande oxydation qui augmente la production d’oxydes d’azote. Mais aussi un phénomène d’allumage qui se traduit par des cliquetis. Au cours du cinquième temps, une introduction massive d’air permet de refroidir la chaîne de combustion en dessous de 800° C. Les cliquetis disparaissent. Avec un mélange très enrichi en oxygène, il n’y a que très peu d’oxydes d’azote ».
La baisse de température joue également positivement sur le rendement du moteur : « Il est au-dessus de 50 %. C’est mieux que les 35-42 % des blocs essence et diesel. C’est mieux également que les architectures électriques à pile hydrogène. Elles sont créditées d’un rendement de 60 %. Mais les PAC sont surdimensionnées de 20 % pour répondre aux besoins de puissance. Au final, le rendement réel n’est que de 45 % avec les piles H2 ».
Et les fuites au niveau de la mécanique ? « L’hydrogène est la plus petite molécule existante. Elle a tendance à fuir de partout sur un moteur thermique classique. Il n’y a pas de soupape sur le nôtre. L’emploi de chemises tournantes supprime ces fuites. Pas de lubrifiant fossile : nous avons un brevet en cours de dépôt pour une autre solution ».
Le bloc d’un poids à vide de 860 kg présenté au BritanHy Day n’est pas une maquette. Sa plaque précise qu’il a été conçu et assemblé en Bretagne dans le courant du présent mois de septembre 2023. D’une capacité de 9 084 cm³, il affiche une puissance de 265 kW (360 ch). Ses dimensions L x l x h : 1 752 x 1 204 x 1 128 mm. Une frustration pour moi, ne pas pouvoir entendre le son qu’il émet. « Dans deux semaines, il sera sur le banc d’essai, avant d’être monté dans l’autocar de Transdev ».
EHM ajoute son bloc thermique hydrogène à cinq temps qui remplacera un diesel sur un exemplaire fourni par Transdev. L’annonce officielle a été effectuée à Saint-Brieuc ce 22 septembre 2023, dans le cadre du BritanHy Day. Financée par les deux partenaires avec le concours du Feder, cette opération de rétrofit devrait permettre d’allonger la durée de vie du véhicule de 15 ans.
Après 10 à 15 minutes de remplissage des réservoirs, il devrait pouvoir avaler de l’ordre de 500 kilomètres. C’est « 30 % d’autonomie supplémentaire par rapport à une motorisation électrique », souligne le communiqué de presse. « Transdev mise sur l’innovation partout où il opère. Sa flotte compte déjà un autobus hydrogène qui circule en Normandie. D'autres véhicules devraient être rétrofités », commente Bertrand Savatier.
Si l’on doit attendre jusque-là pour pouvoir monter dans le véhicule transformé, ce n’est pas seulement pour des raisons de mise au point : « C’est une question de délai d’homologation. Dès l’année prochaine, des groupes électrogènes seront livrés à l’armée, car elle est moins longue à obtenir pour une telle exploitation. Nous sommes déjà en discussion avec l’Utac concernant l’autocar. Toutes les pièces que nous allons employer doivent répondre aux normes de cet organisme. Nous pensons obtenir l’homologation début 2025 ». Pour un tel véhicule, il y a une exigence particulière : « Il doit rouler à vide pendant un an avant de pouvoir transporter des passagers. Ce qui repousse au deuxième semestre 2025 la mise en service ».
Ce n’est pas tout : « Nous sommes sur une étude qui a de bonnes chances d’aboutir avec une communauté de communes pour rétrofiter des bennes à ordures ménagères et quelques autobus. Les véhicules seraient alimentés par de l’hydrogène obtenu de la biomasse. Il faudrait procéder à une opération de filtration très fine pour une exploitation dans des piles à combustible, mais pas pour notre moteur. C’est un autre avantage, car l’avitaillement coûtera moins cher ».
De tels projets font se poser la question de la maintenance : « S’appuyant sur une motorisation thermique, notre technologie finalement plus durable que la solution à pile à combustible permettra de conserver des emplois. Nous allons avoir un deal avec Alliance Automotive Group qui gère en France 220 garages spécialisés en poids lourds. C’est eux qui seront chargés de monter nos moteurs et d’en assurer la maintenance ».
Efficient Hydrogen Motors envisage également de travailler sur des véhicules offroad : « Nous avons des contacts avec des armateurs qui veulent décarboner leurs activités dans les ports. Par exemple pour les camions de logistique. Là aussi, l’homologation est moins longue à obtenir que pour les autocars et autobus ».
Dans les zones portuaires, il y a également ces grandes grues de style portique pour déplacer les conteneurs : « L’électrique a batterie ou à pile à combustible ne peut pas répondre aux très importants appels de puissance. Le port de Los Angeles, très porté sur l’hydrogène, pourrait être intéressé par notre solution ».
H2 Mobile et moi-même remercions beaucoup pour son témoignage et le temps pris à répondre à nos questions.
Pour une première édition, le BritanHy Day qui s’est tenu vendredi 22 septembre 2023 au Palais des Congrès de Saint-Brieuc a déjà réussi à se placer en événement majeur de promotion de l’hydrogène décarboné dans diverses applications dont la mobilité. A la barre, Francis Gasnier, animateur du cluster hydrogène lancé par la CCI des Côtes-d’Armor. Parmi ses atouts principaux, une foi inébranlable dans sa mission qui a emporté de grands acteurs de l’hydrogène.
Ainsi la startup Efficient Hydrogen Motors qui a créé la curiosité parmi le public de professionnels, mais aussi des attentes fortes comme fournisseur d’une alternative à la motorisation électrique à pile à combustible. CMV Amphibie, par exemple, qui travaille au rétrofit des bateaux à roues pour les producteurs de moules depuis la baie de Saint-Brieuc jusqu’à celle du Mont-Saint-Michel. Son dirigeant Ghislain Quentel s’est déclaré très intéressé par cette solution lors des pitchs d’entreprises programmés juste avant la clôture de l’événement. EHM reçoit ainsi de nombreuses demandes prouvant l’intérêt que suscite sa technologie. Son moteur exposé à Saint-Brieuc dans le cadre du BritanHy Day a été maintes fois regardé et photographié.
Naissance de la startup EHM
L’histoire elle-même de la startup créée en mai de l’année dernière à Châteaulin dans le Finistère sort du commun : « L’idée de départ vient d’un pilote et mécanicien d’hélicoptères dans l’armée : André Morin. Pour son bloc thermique à haut rendement alimenté à l’hydrogène, il s’est inspiré des moteurs en étoile qu’il connaît très bien ». Une première rencontre a été décisive : « Grâce à son fils qui tient une pizzéria à Los Angeles, André Morin a rencontré le chercheur californien Wilson Hago. Ce scientifique est à l’origine de nombreux brevets autour de la décarbonation. Il a ainsi mis au point le moyen de produire du sucre à partir de CO2 ».Les deux hommes ont eu envie d’aller plus loin ensemble sur le concept : « Le premier est un chercheur pratique quand l’autre travaille plutôt en laboratoire. Afin d’obtenir un chiffrage concernant la réalisation d’un prototype du moteur, ils ont sollicité un industriel, Didier Arénal. Ce dernier a vu les choses autrement : créer ensemble une entreprise, Efficient Hydrogen Motors, qu’il dirige en apportant toute son expérience ».
Un moteur à 5 temps
Quel est donc ce cinquième temps sur le moteur à combustion hydrogène présenté par EHM ? Lors de la séance des Pitchs, Didier Arénal a précisé : « Sur deux tours de moteur, on a ajouté dans la cinématique une phase d’évacuation des calories ».Bertrand Savatier détaille pour les lecteurs de H2-Mobile : « La température de combustion de l’hydrogène dépasse les 1 000° C. Ce qui amène plusieurs effets néfastes, en particulier une plus grande oxydation qui augmente la production d’oxydes d’azote. Mais aussi un phénomène d’allumage qui se traduit par des cliquetis. Au cours du cinquième temps, une introduction massive d’air permet de refroidir la chaîne de combustion en dessous de 800° C. Les cliquetis disparaissent. Avec un mélange très enrichi en oxygène, il n’y a que très peu d’oxydes d’azote ».
La baisse de température joue également positivement sur le rendement du moteur : « Il est au-dessus de 50 %. C’est mieux que les 35-42 % des blocs essence et diesel. C’est mieux également que les architectures électriques à pile hydrogène. Elles sont créditées d’un rendement de 60 %. Mais les PAC sont surdimensionnées de 20 % pour répondre aux besoins de puissance. Au final, le rendement réel n’est que de 45 % avec les piles H2 ».
Bientôt monté dans un autocar Iveco Crossway
Efficient Hydrogen Motors a dû résoudre d’autres problèmes. Notamment la corrosivité sur les matériaux : « En changeant le haut du moteur, on pourrait très bien faire fonctionner un diesel avec de l’hydrogène. Ce qui le fragiliserait : il casserait en un an. Nous avons donc choisi des matériaux qui résistent au phénomène. Nous employons des aciers traités. Pour le reste, nous ne communiquons pas encore dessus ».Et les fuites au niveau de la mécanique ? « L’hydrogène est la plus petite molécule existante. Elle a tendance à fuir de partout sur un moteur thermique classique. Il n’y a pas de soupape sur le nôtre. L’emploi de chemises tournantes supprime ces fuites. Pas de lubrifiant fossile : nous avons un brevet en cours de dépôt pour une autre solution ».
Le bloc d’un poids à vide de 860 kg présenté au BritanHy Day n’est pas une maquette. Sa plaque précise qu’il a été conçu et assemblé en Bretagne dans le courant du présent mois de septembre 2023. D’une capacité de 9 084 cm³, il affiche une puissance de 265 kW (360 ch). Ses dimensions L x l x h : 1 752 x 1 204 x 1 128 mm. Une frustration pour moi, ne pas pouvoir entendre le son qu’il émet. « Dans deux semaines, il sera sur le banc d’essai, avant d’être monté dans l’autocar de Transdev ».
500 km d’autonomie
L’autocar Crossway d’Iveco est tellement courant en France qu’il fait l’objet de toutes les attentions pour être converti aux énergies alternatives. Ainsi avec une alimentation GNV, un groupe motopropulseur électrique à batterie, ou une architecture employant une pile à combustible.EHM ajoute son bloc thermique hydrogène à cinq temps qui remplacera un diesel sur un exemplaire fourni par Transdev. L’annonce officielle a été effectuée à Saint-Brieuc ce 22 septembre 2023, dans le cadre du BritanHy Day. Financée par les deux partenaires avec le concours du Feder, cette opération de rétrofit devrait permettre d’allonger la durée de vie du véhicule de 15 ans.
Après 10 à 15 minutes de remplissage des réservoirs, il devrait pouvoir avaler de l’ordre de 500 kilomètres. C’est « 30 % d’autonomie supplémentaire par rapport à une motorisation électrique », souligne le communiqué de presse. « Transdev mise sur l’innovation partout où il opère. Sa flotte compte déjà un autobus hydrogène qui circule en Normandie. D'autres véhicules devraient être rétrofités », commente Bertrand Savatier.
Pas avant 2025
L’autocar rétrofité avec le moteur de EHM devrait être mis en service au cours du second semestre 2025 sur une ligne régulière de transport de voyageur dans le Morbihan, avec un avitaillement à la station hydrogène de Vannes. C’est donc dans deux ans.Si l’on doit attendre jusque-là pour pouvoir monter dans le véhicule transformé, ce n’est pas seulement pour des raisons de mise au point : « C’est une question de délai d’homologation. Dès l’année prochaine, des groupes électrogènes seront livrés à l’armée, car elle est moins longue à obtenir pour une telle exploitation. Nous sommes déjà en discussion avec l’Utac concernant l’autocar. Toutes les pièces que nous allons employer doivent répondre aux normes de cet organisme. Nous pensons obtenir l’homologation début 2025 ». Pour un tel véhicule, il y a une exigence particulière : « Il doit rouler à vide pendant un an avant de pouvoir transporter des passagers. Ce qui repousse au deuxième semestre 2025 la mise en service ».
D’excellentes perspectives
Les 3 et 4 octobre 2023, la ville de Belfort accueillera le Forum Hydrogen Business for Climate. « Nous allons y faire une nouvelle annonce. Cette fois-ci ce sera concernant un tracteur routier » révèle Bertrand Savatier. « L’entreprise qui fournira le camion croit beaucoup à l’hydrogène dans les moteurs thermiques. Elle va également disposer d’un prototype avec une pile à combustible afin d’effectuer une vraie comparaison entre les deux technologies » détaille-t-il.Ce n’est pas tout : « Nous sommes sur une étude qui a de bonnes chances d’aboutir avec une communauté de communes pour rétrofiter des bennes à ordures ménagères et quelques autobus. Les véhicules seraient alimentés par de l’hydrogène obtenu de la biomasse. Il faudrait procéder à une opération de filtration très fine pour une exploitation dans des piles à combustible, mais pas pour notre moteur. C’est un autre avantage, car l’avitaillement coûtera moins cher ».
De tels projets font se poser la question de la maintenance : « S’appuyant sur une motorisation thermique, notre technologie finalement plus durable que la solution à pile à combustible permettra de conserver des emplois. Nous allons avoir un deal avec Alliance Automotive Group qui gère en France 220 garages spécialisés en poids lourds. C’est eux qui seront chargés de monter nos moteurs et d’en assurer la maintenance ».
Efficient Hydrogen Motors envisage également de travailler sur des véhicules offroad : « Nous avons des contacts avec des armateurs qui veulent décarboner leurs activités dans les ports. Par exemple pour les camions de logistique. Là aussi, l’homologation est moins longue à obtenir que pour les autocars et autobus ».
Dans les zones portuaires, il y a également ces grandes grues de style portique pour déplacer les conteneurs : « L’électrique a batterie ou à pile à combustible ne peut pas répondre aux très importants appels de puissance. Le port de Los Angeles, très porté sur l’hydrogène, pourrait être intéressé par notre solution ».
H2 Mobile et moi-même remercions beaucoup pour son témoignage et le temps pris à répondre à nos questions.
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