Bus hydrogène
Incendie des bus hydrogène de Belfort : cet expert analyse l'accident
Mis à jour le 11.01.2025 à 10:36
Le 2 janvier au matin, sept bus à hydrogène de la marque Van Hool ont été détruits par les flammes
Animateur de formation en gaz (GPL, GNV, hydrogène) et sapeur-pompier volontaire expert, Marc Mouthon explique aux lecteurs de H2-Mobile son ressenti sur l’incendie des sept autobus à hydrogène qui circulaient sur le Territoire de Belfort pour le réseau Optymo.
Jeudi 2 janvier 2025, les riverains du dépôt d’autobus de Danjoutin, en périphérie de Belfort, ont été réveillés très tôt par le bruit des flammes, le sifflement dû à l’évacuation de l’hydrogène, et diverses détonations. Vers 4 h 00 et pendant environ deux heures, les habitants domiciliés à proximité du site ont été confinés chez eux en raison des risques potentiellement élevés de toxicité causée par les fumées. Dans ce coup dur pour le Syndicat mixte des transports en commun du Territoire de Belfort, propriétaire de cette flotte, plusieurs bonnes nouvelles : la station d’avitaillement n’a pas été touchée et les réservoirs hydrogène n’ont pas explosé.
Sur l’ensemble des sept Van Hool A12 LF FC 12 mètres qui ont été mis en circulation pour le réseau Optymo en 2023, les contenants sont au nombre de cinq au niveau du toit, pour une capacité totale de 40 kilos d’hydrogène par véhicule. Le territoire a programmé l’arrivée au second semestre de la présente année 2025 de huit articulés Urbino 18 H2 au catalogue de Solaris. Quelle suite pour les bus incendiés alors que des modèles diesel assurent désormais les dessertes et que le constructeur belge Van Hool a été liquidé en 2024 ?
L’expert formateur a déjà eu l’occasion d’intervenir sur le parc des autobus du Territoire de Belfort. En 2007, la création du réseau J’ai assisté Butagaz et MAN lors de la mise en service des bus GPL. A l’époque, nous avions fait une petite présentation au service de secours de Belfort ».
Etre précurseur dans les énergies alternatives est particulièrement courageux en raison des potentiels problèmes découverts au démarrage : « Lors de la démonstration d’avitaillement, j’avais remarqué ce nuage de gaz qui s’échappait au décrochage des pistolets. A l’année, cela aurait représenté facilement 1 000 kilos de pollution envoyés dans l’air. J’ai travaillé avec MAN à Paris sur le sujet. Le pistolet GPV14 a alors été adopté. Il supprime ces dégagements intempestifs ».
Par précaution, les bâtiments aux alentours avaient été évacués. Les soupapes de sécurité avaient bien joué leur rôle, mais des détonations avaient été aussi entendues, attribuées à l’éclatement des pneus et des coussins de suspension du véhicule. Avant cela, d’autres autobus fonctionnant au GPL avaient déjà été incendiés. Ainsi le 6 janvier 2020 vers 5 h 30, au dépôt de
Concernant les sept bus à hydrogène, Marc Mouthon confirme : « Les réservoirs n’ont pas éclaté et les dispositifs de sécurité ont parfaitement fonctionné. Les détonations perçues par les riverains peuvent avoir plusieurs origines. Il y a déjà l’éclatement des pneus, et éventuellement les réserves d’air dans les véhicules. Une tuyauterie est chargée de purger le système. L’allumage des torchères chargées de brûler l’hydrogène contenu dans les réservoirs peut aussi provoquer de petites détonations, toutefois pas plus fortes qu’un ballon de baudruche. En tout cas, pas de quoi faire trembler les murs des habitations ».
Marc Mouthon estime : « L’expérience que nous avons acquise et les nombreux essais réalisés me permettent de dire que nous savons sécuriser les réservoirs GNV et hydrogène ». Un point particulier l’interpelle : « Je n’ai pas d’éléments autres que ceux qui ont été communiqués sur ce sinistre. Ce qui m’étonne, c’est qu’aucun bus n’a pu être sauvé. L’incendie s’est déclaré sur le deuxième véhicule en partant de la gauche. Qu’un de chaque côté soit également partie en fumée, et même un deuxième vers la droite, oui. Ce qui aurait été le cas pour des modèles diesel ou au GNV ».
L’expert en gaz a cependant déjà son idée : « Selon moi, ce n’est pas l’alimentation hydrogène qui est en cause, mais les batteries. C’est très compliqué à éteindre et il faut prendre des précautions spécifiques. Les cellules lithium-ion peuvent aussi provoquer des détonations. Si les sept véhicules avaient été des 100 % électriques, il est probable que tous auraient brulé de la même manière. Le retex (retour d’expérience, ndlr) des sapeurs-pompiers sera très intéressant ».
En région parisienne, un incident précédent illustre cette analyse : « En décembre 2023, sept autobus au GNV ont brûlé dans un dépôt à Aubervilliers, en région parisienne. Alors qu’il y a des bâtiments tout à proximité, le quartier n’a pas été confiné. A Belfort, le plus gros impact du sinistre est sur le plan économique ». Il est question de plus de quatre millions d’euros de dégâts. Un autobus standard 12 mètres comme le coûte entre 650 000 et 700 000 euros : « On peut s’attendre à ce que les assureurs augmentent leurs tarifs pour couvrir ces véhicules ».
Au dépôt de Danjoutin, il y a quelques jours, un flash aurait été observé au niveau du poste de conduite, suivie d’une lueur. Un téléphone portable ? « Peut-être, ou un élément du poste de conduite. Certains dispositifs sont équipés d’une batterie interne ».
Si les sécurités ont bien fonctionné sur les sept Van Hool A12 LF FC, Marc Mouthon souhaiterait toutefois une évolution de la législation : « Pour le GNV, comme pour l’hydrogène, il reste un problème au niveau des règlements R110 et R134 qui permettent d’homologuer des réservoirs qui ne devraient pas l’être. Il serait bien que le législateur s’en préoccupe. L’Euro NCAP compensera probablement cette carence ».
En conclusion : « Lors d’un incendie, un bus à gaz - GNV ou hydrogène - est moins dangereux qu’une bouteille domestique de butane ou propane. Et pourtant il y en a plus de 60 millions en France. Elles ne sont pas toutes en composite, ne sont toujours pas sécurisées, et ne le seront probablement jamais. A bon entendeur… ».
H2 Mobile et moi-même remercions beaucoup pour sa réactivité, son accueil et le témoignage que nous avons sollicité.
Jeudi 2 janvier 2025, les riverains du dépôt d’autobus de Danjoutin, en périphérie de Belfort, ont été réveillés très tôt par le bruit des flammes, le sifflement dû à l’évacuation de l’hydrogène, et diverses détonations. Vers 4 h 00 et pendant environ deux heures, les habitants domiciliés à proximité du site ont été confinés chez eux en raison des risques potentiellement élevés de toxicité causée par les fumées. Dans ce coup dur pour le Syndicat mixte des transports en commun du Territoire de Belfort, propriétaire de cette flotte, plusieurs bonnes nouvelles : la station d’avitaillement n’a pas été touchée et les réservoirs hydrogène n’ont pas explosé.
Sur l’ensemble des sept Van Hool A12 LF FC 12 mètres qui ont été mis en circulation pour le réseau Optymo en 2023, les contenants sont au nombre de cinq au niveau du toit, pour une capacité totale de 40 kilos d’hydrogène par véhicule. Le territoire a programmé l’arrivée au second semestre de la présente année 2025 de huit articulés Urbino 18 H2 au catalogue de Solaris. Quelle suite pour les bus incendiés alors que des modèles diesel assurent désormais les dessertes et que le constructeur belge Van Hool a été liquidé en 2024 ?
Le GPL avant l’hydrogène
Si nous avons demandé son avis à Marc Mouthon concernant l’incendie des autobus hydrogène du réseau J’ai brûlé neuf bus dont sept GNV avec le colonel Serge Delaunay et le capitaine Sébastien Cardou, ainsi qu’un bus GPL et un diesel. J’ai également incendié trois Renault Kangoo à hydrogène dont deux en milieu confiné. J’ai participé à des tests de comportement au feu de plusieurs réservoirs hydrogène à 350 et 700 bars, et effectué plusieurs brûlages de véhicules ‘hydrogénés’ lors de mes formations de pompiers ».L’expert formateur a déjà eu l’occasion d’intervenir sur le parc des autobus du Territoire de Belfort. En 2007, la création du réseau J’ai assisté Butagaz et MAN lors de la mise en service des bus GPL. A l’époque, nous avions fait une petite présentation au service de secours de Belfort ».
Etre précurseur dans les énergies alternatives est particulièrement courageux en raison des potentiels problèmes découverts au démarrage : « Lors de la démonstration d’avitaillement, j’avais remarqué ce nuage de gaz qui s’échappait au décrochage des pistolets. A l’année, cela aurait représenté facilement 1 000 kilos de pollution envoyés dans l’air. J’ai travaillé avec MAN à Paris sur le sujet. Le pistolet GPV14 a alors été adopté. Il supprime ces dégagements intempestifs ».
Expert en gaz, Marc Mouthon apporte un éclairage inédit sur l'incendie des bus à hydrogène de Belfort, survenu le 2 janvier 2025.
« Les dispositifs de sécurité ont parfaitement fonctionné »
Lors de l’incendie des autobus à hydrogène ce 2 janvier 2025, les riverains, dont certains témoignent avoir senti les murs de leurs maisons trembler, ont pu imaginer à tort que les réservoirs H2 avaient explosés. Tout comme ce vendredi 2 juillet 2021 lorsqu’un bus GPL a pris feu à Belfort, boulevard Richelieu. Les passagers et le conducteur avaient tous pu sortir à temps.Par précaution, les bâtiments aux alentours avaient été évacués. Les soupapes de sécurité avaient bien joué leur rôle, mais des détonations avaient été aussi entendues, attribuées à l’éclatement des pneus et des coussins de suspension du véhicule. Avant cela, d’autres autobus fonctionnant au GPL avaient déjà été incendiés. Ainsi le 6 janvier 2020 vers 5 h 30, au dépôt de
Concernant les sept bus à hydrogène, Marc Mouthon confirme : « Les réservoirs n’ont pas éclaté et les dispositifs de sécurité ont parfaitement fonctionné. Les détonations perçues par les riverains peuvent avoir plusieurs origines. Il y a déjà l’éclatement des pneus, et éventuellement les réserves d’air dans les véhicules. Une tuyauterie est chargée de purger le système. L’allumage des torchères chargées de brûler l’hydrogène contenu dans les réservoirs peut aussi provoquer de petites détonations, toutefois pas plus fortes qu’un ballon de baudruche. En tout cas, pas de quoi faire trembler les murs des habitations ».
Les batteries suspectées
Les vidéos prisent au début de l’année témoignent du niveau sonore de l’incendie : « C’est dû à la vitesse de la flamme d’hydrogène. Elle est de 3 m/s. C’est huit fois plus que pour le gaz naturel : 0,44 m/s. L’hydrogène en combustion, c’est trois fois moins d’énergie que le méthane. Ainsi, 300 litres d’hydrogène à 350 bars, c’est 7 kg et 231 kWh environ, contre 48 kg et à peu près 795 kWh pour 300 litres de GNV à 200 bars. Tant qu’il brûle, l’hydrogène n’est pas un problème ».Marc Mouthon estime : « L’expérience que nous avons acquise et les nombreux essais réalisés me permettent de dire que nous savons sécuriser les réservoirs GNV et hydrogène ». Un point particulier l’interpelle : « Je n’ai pas d’éléments autres que ceux qui ont été communiqués sur ce sinistre. Ce qui m’étonne, c’est qu’aucun bus n’a pu être sauvé. L’incendie s’est déclaré sur le deuxième véhicule en partant de la gauche. Qu’un de chaque côté soit également partie en fumée, et même un deuxième vers la droite, oui. Ce qui aurait été le cas pour des modèles diesel ou au GNV ».
L’expert en gaz a cependant déjà son idée : « Selon moi, ce n’est pas l’alimentation hydrogène qui est en cause, mais les batteries. C’est très compliqué à éteindre et il faut prendre des précautions spécifiques. Les cellules lithium-ion peuvent aussi provoquer des détonations. Si les sept véhicules avaient été des 100 % électriques, il est probable que tous auraient brulé de la même manière. Le retex (retour d’expérience, ndlr) des sapeurs-pompiers sera très intéressant ».
Le 9 janvier 2025, Optymo a publié un communiqué officiel confirmant que l'incendie des 7 bus n'était pas dû à l'hydrogène ou à son utilisation. "Les premières analyses indiquent qu’il s’agit d’un feu d’origine électrique, mais il reste à déterminer quel équipement a chauffé ou s’est détérioré pour déclencher cet incident" a expliqué l'exploitant.
Impacts environnemental et économique
Il a été annoncé que les batteries installées sur le toit des bus pesaient au total de l’ordre d’une tonne. Sur les Van Hool A12 LF FC, la capacité énergétique individuellement embarquée est de 36 kWh. Pour comparaison, la Renault ZOE a commencé sa carrière avec un pack 23,3 kWh et l’a terminée à 52. C’est très certainement à cause de ces batteries que les riverains ont été confinés environ deux heures chez eux le 2 janvier dernier : « L’hydrogène n’est pas un élément aggravant pour l’impact environnemental de l’incendie, contrairement aux batteries de traction. Les réactions chimiques lors de leur combustion, mêlée à celle des matériaux des véhicules, sont complexes. De ce fait, la composition des gaz des fumées ne peut être connue qu’approximativement au moment de l’intervention ».En région parisienne, un incident précédent illustre cette analyse : « En décembre 2023, sept autobus au GNV ont brûlé dans un dépôt à Aubervilliers, en région parisienne. Alors qu’il y a des bâtiments tout à proximité, le quartier n’a pas été confiné. A Belfort, le plus gros impact du sinistre est sur le plan économique ». Il est question de plus de quatre millions d’euros de dégâts. Un autobus standard 12 mètres comme le coûte entre 650 000 et 700 000 euros : « On peut s’attendre à ce que les assureurs augmentent leurs tarifs pour couvrir ces véhicules ».
Des questions se posent
Les autobus diesel seraient-il plus fiables ? Pas forcément. Revenons à Belfort où, en juillet 2021, un chauffeur a dû faire évacuer la vingtaine de personnes qui voyageaient dans son véhicule alors que de la fumée s’en échappait. La cause a été identifiée au niveau du système de refroidissement. Dans le cas des bus au GPL, GNV ou à l’hydrogène, c’est plus rarement l’alimentation au gaz qui démarre les incendies plutôt que les systèmes mécaniques et électriques.Au dépôt de Danjoutin, il y a quelques jours, un flash aurait été observé au niveau du poste de conduite, suivie d’une lueur. Un téléphone portable ? « Peut-être, ou un élément du poste de conduite. Certains dispositifs sont équipés d’une batterie interne ».
Si les sécurités ont bien fonctionné sur les sept Van Hool A12 LF FC, Marc Mouthon souhaiterait toutefois une évolution de la législation : « Pour le GNV, comme pour l’hydrogène, il reste un problème au niveau des règlements R110 et R134 qui permettent d’homologuer des réservoirs qui ne devraient pas l’être. Il serait bien que le législateur s’en préoccupe. L’Euro NCAP compensera probablement cette carence ».
En conclusion : « Lors d’un incendie, un bus à gaz - GNV ou hydrogène - est moins dangereux qu’une bouteille domestique de butane ou propane. Et pourtant il y en a plus de 60 millions en France. Elles ne sont pas toutes en composite, ne sont toujours pas sécurisées, et ne le seront probablement jamais. A bon entendeur… ».
H2 Mobile et moi-même remercions beaucoup pour sa réactivité, son accueil et le témoignage que nous avons sollicité.
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