Le port de Strasbourg comme facilitateur de l'hydrogène vert

Mis à jour le 02.02.2022 à 22:40
Le port de Strasbourg comme facilitateur de l'hydrogène vert
Désignée comme l’une des zones portuaires en mesure de faire progresser la production et l’usage de l’hydrogène décarboné en France, la plateforme de Strasbourg bénéficie d’une situation particulière qui lui assure un rôle spécifique de facilitateur.

Représentant la filière H2 du Grand Est, DinamHySe proposait le 24 janvier dernier un webinaire intitulé : « Ecosystèmes portuaires et hydrogène : L’exemple de Strasbourg ! ». Animé par Jacques Haenn, chargé de mission pour ce vecteur énergétique au sein du Pôle Véhicule du Futur, l’événement donnait la parole à 2 intervenants.

Tout d’abord Thomas Gauby, de France Hydrogène, dont le rôle était de rappeler les grandes lignes de l’étude « Ecosystèmes portuaires et hydrogène : une ambition commune à bâtir » publiée par sa structure en décembre 2021. Cette démarche était également au cœur de la conférence HyPort qui s’est déroulée au Palais des Congrès de Toulon les 26 et 27 janvier derniers. C’est Manfred Rausch, de la direction du développement et de la promotion portuaires des sites strasbourgeois qui a ensuite présenté la situation spécifique du territoire alsacien.

Les 7 bassins français de l’hydrogène

France Hydrogène imagine des projections à 2040 qui dépassent la cible 2030 de la trajectoire nationale. Dans 8 ans, selon les chiffres avancés officiellement pour les scénarios Ambition et Ambition+, la demande annuelle en hydrogène pourrait être respectivement de 680 000 tonnes (dont 160 000 tonnes pour la mobilité) et 1,090 million de tonnes (dont 325 000 tonnes pour la mobilité).

La part apportée par les écosystèmes portuaires français serait alors de 35 % et 55 %. Plus précisément, selon le scénario Ambition, les ports pourraient représenter 220 000 des 680 000 tonnes de l’hydrogène consommé en France : 155 000 t pour l’industrie + 45 000 t pour les mobilités + 20 000 t pour les réseaux et systèmes énergétiques. Dans le cadre d’Ambition+, les sites portuaires seraient capables d’absorber 615 000 tonnes (395 000 + 100 000 + 120 000 tonnes). 

Ce sont 7 zones portuaires maritimes et/ou fluviales qui ont été identifiées par France Hydrogène, localisées dans les secteurs méditerranéen et rhônalpin, le Sud-Ouest, le Grand Ouest, la Vallée de la Seine, le Nord… et Rhin-Moselle qui compte les ports de Strasbourg.

​Le tout forme un premier maillage bien éclaté susceptible d’assurer aux 4 coins de France un levier de massification pour la consommation d’hydrogène. Même les écosystèmes portuaires les plus modestes afficheraient une consommation minimale évaluée à 1 000 tonnes d’hydrogène par an à horizon 2030, soit les besoins en avitaillement de 150 bus. A l’opposé, les zones les plus importantes pourraient nécessiter la fourniture jusque 250 000 tonnes d'hydrogène.


 

Au carrefour de 4 corridors

Pour aider à bien situer la zone portuaire de Strasbourg, Manfred Rausch a rappelé au début de son intervention qu’elle forme un carrefour avec les corridors Atlantique, Mer du Nord-Méditerranée, Rhin-Danube, et Rhin-Alpes qui s’étend en Italie jusqu’à Gênes.

Le domaine du port autonome de Strasbourg se déploit sur une centaine de kilomètres. En plus du site principal de Strasbourg, il compte des places annexes à Lauterbourg, Beinheim et Marckolsheim, mais aussi des postes de chargement répartis le long du Rhin à Seltz, Fort-Louis, Dalhunden, Drusenheim, Offendorf, Gerstheim et Rhinau.C’est le deuxième port fluvial de l’Hexagone, entre Haropa (Havre, de Rouen et de Paris), et Mulhouse qui arrive en troisième position. Il abrite 500 entreprises de la métallurgie, des hydrocarbures, de la chimie, de l’agroalimentaire et de la logistique. Ensemble, elles sont à l’origine de la création de 10 000 emplois directs et 17 000 indirects.

Trois terminaux à conteneurs sont présents sur le domaine. Ce sont respectivement 8 millions et 1,3 millions de tonnes de charges qui transitent par barges fluviales et convois ferroviaires. Chaque semaine, 17 trains navettes acheminent des conteneurs en direction de ports comme Rotterdam, Anvers, Marseille, Le Havre et Zeebruges. Engagé dans une démarche d’écologie industrielle à travers le programme Cles (Coopérations locales et environnementales en synergies), le port de Strasbourg a participé à la mise en œuvre de 14 synergies avec l’aide de 25 entreprises partenaires.

« Le port de Strasbourg s’est intéressé à l’hydrogène sous l’impulsion de ses partenaires européens et de la volonté du gouvernement français d’en promouvoir l’usage », a souligné Manfred Rausch. L’étude de France Hydrogène, spécifique à l’exploitation du gaz H2 dans les ports français, a permis d’identifier et quantifier les besoins, mais aussi de définir une production associée. Les autorités du port de Strasbourg sont aujourd’hui conscientes de leur rôle pour dynamiser et fédérer les acteurs locaux autour de l’hydrogène. 

Groupe de pilotage

Le Port Autonome de Strasbourg (PAS) a créé un groupe de pilotage autour de l’hydrogène avec des partenaires locaux très divers ayant des fonctions variées et complémentaires.

Avec l’Ademe, il s’agit d’évaluer les politiques publiques en matière de transition énergétique. L’Eurométropole de Strasbourg - propriétaire des ports avec l’Etat - et DinamHySe aident à effectuer les enquêtes de terrain pour identifier et quantifier les usages potentiels de l’hydrogène sur le territoire. La mise en relation entre elles des entreprises et des autres acteurs embarqués dans la démarche est permise à travers le groupement des usagers des ports de Strasbourg. S’y ajoutent la région Grand Est, et VNF (Voies navigables de France), partenaire de longue date pour le développement du transport fluvial. 

Usages locaux potentiels

Le port de Strasbourg chiffre à 40-80 MW les usages locaux industriels et logistiques ouverts potentiellement à l’hydrogène. Dans un premier temps, il s’agit de se concentrer sur les flottes captives (logisticiens locaux, terminaux à conteneurs, exploitants de bateaux, etc.). Auxquelles il faut associer les gestionnaires extérieurs, dont l’Eurométropole de Strasbourg fait partie.

Les estimations chiffrées ne prennent pas en compte le trafic extérieur. Ainsi, chaque jour en moyenne, environ 6 000 poids lourds pénètrent dans la zone logistique Eurofret. A l’année, 6 000 bateaux y font escale aussi. Le site comprend des bateaux avitailleur, un service de ravitaillement pour les locomotives de fret, et une station-service qui propose déjà du GNV. Le tout pourrait s’étoffer et prendre en charge la livraison d’hydrogène pour la mobilité.

Alliance dans le corridor Rhin-Alpes

Le port de Strasbourg pourrait être intégré à une alliance pour le développement de l’hydrogène le long du corridor Rhin-Alpes. Elle embarque les ports de Rotterdam, Anvers, Gênes et Duisbourg. Plus exactement, la démarche est portée par 3 ports maritimes, 2 ports fluviaux et 21 collectivités. Elle se présente comme une plateforme d’échange pour le transport multimodal visant à coordonner les projets européens.

Intitulée « Ecosystème pour la mobilité le long du corridor Rhin-Alpes », une étude est actuellement en cours, jusqu’en février prochain. Elle vise à définir le potentiel H2 le long de ce couloir. Il s’agit de recenser les projets prévus ou déjà mis en place présentant des besoins en hydrogène pour la mobilité. Ce qui inclut les stations d’avitaillement. A partir de là, il sera possible de préconiser des actions pour développer un écosystème logistique cohérent. A noter que la mobilité H2 est pour l’instant réduite dans ce cadre à celle s’appuyant sur une motorisation électrique alimentée par des piles à combustible. « C’est ce qui va déterminer les orientations prises par les constructeurs », a commenté Manfred Rausch. Pour l’Allemagne, la stratégie est différente puisqu'il s’agit de verdir une zone qui, de son côté, abrite les grands sites industriels de la Ruhr. Ainsi des raffineries et la sidérurgie. Le site de Duisbourg, par exemple, consomme autant d’énergie que la ville de Berlin. En plus de décarboner son industrie, notre voisin outre-Rhin souhaite intervenir également sur la mobilité.

Les autorités allemandes estiment que l’hydrogène est pertinent pour le transport routier à longues distances. Ce qui nécessite la mise en place d’un réseau de stations d’avitaillement le long des grands axes routiers. Le pays laisserait tomber celui en cours de développement pour la mobilité légère, pour se concentrer sur un nouveau à destination des poids lourds.

Afin de bénéficier d’hydrogène vert, l’ Allemagne parie en particulier sur la mise en service de parcs éoliens offshores, à hauteur de 10 GW pour 2030. Mais aussi sur l’importation en provenance d’Amérique du Sud, d’Afrique du Nord et d’Europe. « L’Allemagne voit la France comme un producteur et fournisseur d’hydrogène décarboné », a mis en avant Manfred Rausch.

Un business à définir

« Nous n’avons pas de projets tout ficelés aujourd’hui pour l’exploitation de l’hydrogène dans les ports de Strasbourg. C’est une question de calendrier et de modèle économique à trouver », a assuré le chargé de mission. « Nous avons un rôle de facilitateur et seront très actifs dans la facilitation des projets poursuivis par nos entreprises. Il y a un terrain de jeux à occuper et c’est une porte d’entrée pour elles », a-t-il précisé.

« Il n’y a pas de difficultés majeures pour développer l’hydrogène dans les ports de Strasbourg. Nous avons des lieux possibles de stockage avec les nécessaires périmètres de sécurité. Aucune forme particulière ne se dégage en la matière. Nous avons même envisagé des solutions avec des approvisionnement externes, avec peu de stockage sur place », a-t-il détaillé. « Pour la production verte, nous bénéficions de plusieurs sources mobilisables : biomasse avec R-Hynoca, solaire et hydro. Mais le port n’aura pas pour fonction de produire ni distribuer l’hydrogène », a-t-il conclu.




 
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