Hydrogène : ces fuites qui inquiètent les scientifiques

Mis à jour le 02.11.2021 à 19:22
Hydrogène : ces fuites qui inquiètent les scientifiques
Certains scientifiques s'intéressent au probable impact négatif de l’hydrogène sur l'environnement. Selon leurs recherches, ce gaz pourtant prometteur pourrait accentuer l’effet de serre de manière indirecte...

En 2020, la Commission européenne avait dévoilé sa stratégie concernant l'hydrogène. Celle-ci affirmait que l’ hydrogène vert pourrait satisfaire près d'un quart des besoins en énergie de la planète entre aujourd'hui et 2050. Selon la Commission, ceci permettrait de décarboner fortement certaines industries complexes à contrôler telles que celle de l’acier mais aussi d'autres secteurs comme celui de la mobilité. 

De nombreux dirigeants en Europe attendent donc énormément de ce gaz qui pourrait révolutionner l'énergie. Malheureusement, certains experts estiment que l’hydrogène favorise de manière indirecte le réchauffement planétaire.

Un effet de serre "indirect"

"L’hydrogène est en réalité un gaz à effet de serre dit "indirect" et dont la durée de vie s'avère très limitée. Lors de sa libération, sa puissance est deux cent fois plus élevée que celle du CO2 !", affirme Steven Hamburg, scientifique travaillant pour l’Environmental Defense Fund, une organisation non gouvernementale localisée aux USA. "L’hydrogène est un gaz aussi nuisible que le dioxyde de carbone car il augmente la durée de vie du méthane au sein de l’atmosphère, ce qui favorise l’effet de serre. D'autre part, lorsqu'il est en réaction, ce gaz forme l’ozone troposphérique, lequel contribue aussi à cet effet de serre. Enfin, la vapeur d'eau générée par la décomposition de l’hydrogène dans la stratosphère favorise également ce phénomène nuisible pour le climat."

Selon Ilisa Ocko, une climatologue travaillant dans la même organisation qu'Hamburg, la puissance de l'hydrogène en tant que gaz à effet de serre indirect est telle qu'elle pourrait ruiner les différents efforts visant à décarboner la planète. "Si l'on prend en considération cet impact négatif de l'hydrogène au niveau de l'atmosphère, ses avantages par rapport aux combustibles fossiles deviennent plus limités, même lorsqu'il est généré grâce à une électricité renouvelable."


Un sujet sous-étudié

"C'est en mesurant de manière rigoureuse le pourcentage d'hydrogène qui fuit dans l'atmosphère que nous pourrons véritablement savoir s'il est dangereux ou non pour l'environnement", souligne Ilisa Ocko. "Le problème c'est que les mesures réalisées présentent un seuil de détection trop important. Il y a donc une sous-déclaration des fuites et nous ne pouvons pas savoir actuellement quel est précisément leur pourcentage. Nous devons effectuer plus de recherches sur ce sujet..."

À Oslo en Norvège, les chercheurs du Centre for International Climate and Environmental Research (CICERO) étudient les effets de l’hydrogène sur le climat. Selon une de leurs récentes études, les probabilités que l'hydrogène émis dans l'atmosphère provoque indirectement un réchauffement du climat sont très élevées.

"Ce sujet est sous-étudié et les fuites sont sous-déclarées", affirme Falko Ueckerdt, chercheur travaillant à l’Institut de Potsdam en Allemagne. "Le pourcentage de fuites de méthane se situe entre 0,5 et 3 %. Par ailleurs, les molécules du méthane sont beaucoup plus grandes que celles de l'hydrogène. Une tonne de ce dernier pourrait donc laisser fuir entre cinq et trente kilogrammes d'hydrogène. Cette fuite pourrait impacter aussi puissamment le climat qu'une à six tonnes de dioxyde de carbone !"
 
Dans la pratique, les fuites d’hydrogène pourraient heureusement s'avérer moins importantes. Pour le méthane, les fuites proviennent majoritairement de puits de gaz qui ne constituent pas un souci au sein de la chaîne de valeur de la production d'hydrogène.

"Comparé au gaz naturel, l'hydrogène est également plus onéreux et dangereux à produire. La prévention de ses fuites et les mesures de sécurité qui l'encadrent sont donc renforcés", souligne Gniewomir Flis, expert travaillant dans le groupe de réflexion germanique Agora Energiewende.



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