Etude
Hydrogène vert : selon cette étude, le manque d'expérience dans les grands projets accroit le risque d'accidents
Mis à jour le 16.11.2023 à 11:39
C’est parce que la production d’ hydrogène vert commence à se développer à un rythme sans précédent que l’institut néerlandais ISPT vient de publier une étude de sensibilisation au sujet de la sécurité à intégrer dans les projets à grande échelle. Il s’agit en particulier de gommer les risques industriels d’incendie et d’explosion au niveau des bâtiments et des infrastructures des électrolyseurs.
Afin de justifier ses recherches consignées dans un document de 58 pages, l’ISPT (Institute for Sustainable Process Technology) installé à Utrecht a mis en avant quelques chiffres. Au niveau européen et à échéance 2030, par exemple, il s’agit de produire annuellement 10 millions de tonnes d’hydrogène renouvelable sur le territoire et d’en importer autant. En 2025, les Pays-Bas devraient pouvoir compter sur 500 MW de capacité, pour une production de 0,5 million de tonnes par an. Ces objectifs ambitieux témoignent de la pression que subit une filière en cours d’aménagement. Une croissance rapide avec une molécule qui demande des moyens importants pour la canaliser exige de mettre en place de façon urgente les moyens adéquats de sécurité.
C’est un véritable défi pour une industrie qui se met en place un peu partout dans le monde et en particulier sur le vieux continent. Et ce, en raison des connaissances encore limitées concernant les risques spécifiques. Ainsi les incendies et explosions qui pourraient toucher plus précisément les électrolyseurs où l’hydrogène et l’oxygène sont tous les deux présents et peuvent dangereusement se combiner.
Ces dernières sont d’ailleurs le plus souvent les principaux bénéficiaires de l’action engagée par l’ISPT, puisque ce document constitue la première étape d’une démarche qui vise à mettre en place « une méthodologie uniforme et cohérente d’évaluation des risques ». Elle cible tout particulièrement les grosses unités de production d’hydrogène vert pour que, par leur conception, elles soient sûres à l’exploitation. Dans cette optique, l’équipe de l’institut néerlandais a interrogé à plusieurs reprises les fournisseurs d’électrolyseurs.
Deux scénarios ont été identifiés lors de l’enquête aboutissant à un possible mélange entre l’hydrogène et l’oxygène. Dans le premier cas, ce dernier est une coproduction interne au processus d’électrolyse. Les deux gaz peuvent être accidentellement mis en présence l’un de l’autre dans une cheminée d’électrolyseur, une conduite ou une membrane séparatrice. C’est l’oxygène de l’air qui pose problème dans la deuxième situation où une perte de confinement est envisagée à l’intérieur d’un bâtiment de l’électrolyseur.
L’institut a remarqué que les modélisations de ces scénarios critiques ne sont pas aussi bien développées que pour les systèmes à hydrocarbure. Pourtant, les propriétés de l’hydrogène sont très différentes, avec une probabilité plus élevée d’inflammation et des conséquences potentiellement bien plus graves en cas de déflagration.
Les processus de production du gaz vert sont également différents. Entre un recul insuffisant et une carence en informations concernant les risques et les précautions à prendre avec l’hydrogène, l’ISPT craint un manque de sensibilisation du personnel sur toute la chaîne de valeur. Les rédacteurs de l’étude en déduisent qu’il est nécessaire d’adopter une approche prudente au sujet des hypothèses d’incidents, depuis la conception des systèmes jusqu’à l’exploitation, pour les futurs projets d’envergure en matière d’électrolyse.
Si l’ISPT s’intéresse de près aux gros électrolyseurs, c’est bien sûr en raison de leur développement exponentiel, mais aussi et surtout parce qu’ils présentent des risques spécifiques liés à une combinaison de constructions modulaires. Ce qui fait craindre des scénarios de type effet domino, à l’image de ce qui se produit dans une batterie lithium quand une cellule s’enflamme entraînant toutes les autres.
L’institut souhaiterait que des études approfondies soient réalisées afin de comprendre les risques d’interaction potentielle entre les modules. Ce travail amènerait à mieux envisager le contrôle de ces centrales.
Autre point à prendre en compte, l’alimentation en électricité. Puisqu’il s’agit d’hydrogène vert, les grands électrolyseurs vont recevoir leur énergie de sources renouvelables et intermittentes. D’où de fréquents arrêts, redémarrages, mises en pause et fluctuations de puissance. Est-ce qu’une exploitation basée sur ce mode de fonctionnement est de nature à jouer sur la sécurité ? Autre source d’inquiétude pour l’institut, la course à la performance qui se traduit par la recherche de technologies, matériaux et éléments nouveaux.
Selon l’institut, une anomalie rencontrée sur les membranes pourrait être la cause d’une perte de confinement ou d’une dégradation de la séparation interne entre les gaz, avec, au bout du scénario, un mélange de l’hydrogène avec l’oxygène ou l’air. Ce qui amène alors à se poser une autre question : Quelle est la probabilité dans ces conditions d’aboutir à une inflammation, immédiate ou retardée ? Elle est d’autant plus pertinente que par rapport aux hydrocarbures, l’énergie suffisante pour provoquer une telle réaction est bien plus faible pour un mélange de hydrogène-air, et plus encore avec une combinaison hydrogène-oxygène.
Par exemple, pour un risque potentiel, on va avoir une graduation de la fréquence depuis « peu probable » jusqu’à « fréquent », à croiser avec le degré de conséquence mesuré entre « léger » et « catastrophique ». Ce qui guide chaque société dans sa démarche pour établir et appliquer des directives qui visent à gommer tous les points ressortant comme inacceptables.
L’institut souhaite une harmonisation et propose une réflexion à ce sujet en s’appuyant sur des méthodes généralisées déjà employées dans l’industrie. Cette approche plus sûre pour éliminer les causes possibles des incidents doit amener à la mise en place de mesures efficaces de protection quand c’est nécessaire.
Pas grand-chose en revanche concernant les infrastructures propres aux électrolyseurs de grande envergure. Quelle serait l’onde de choc dans un tel contexte en cas de dispersion et d’inflammation des gaz ? On ne sait pas. Obtenir des modélisations fiables à ce sujet exige un travail important avec des calculs à réaliser qui doivent tenir compte d’un grand nombre de paramètres.
L’ISPT souligne qu’il existe encore des incertitudes sur les méthodes à retenir, certaines ayant, par exemple, pour inconvénient de surestimer des dangers. « L’évaluation des risques fondée sur des scénarios crédibles doit donc être envisagée avec prudence », insiste l’institut.
En intégrant les bonnes pratiques identifiées dans la filière, une démarche d’évaluation et de réduction des risques dans les grosses usines de production d’hydrogène est lancée, impliquant également l’institut néerlandais de normalisation. Peut-être aboutira-t-il à un cadre élargi à toute l’Europe.
Afin de justifier ses recherches consignées dans un document de 58 pages, l’ISPT (Institute for Sustainable Process Technology) installé à Utrecht a mis en avant quelques chiffres. Au niveau européen et à échéance 2030, par exemple, il s’agit de produire annuellement 10 millions de tonnes d’hydrogène renouvelable sur le territoire et d’en importer autant. En 2025, les Pays-Bas devraient pouvoir compter sur 500 MW de capacité, pour une production de 0,5 million de tonnes par an. Ces objectifs ambitieux témoignent de la pression que subit une filière en cours d’aménagement. Une croissance rapide avec une molécule qui demande des moyens importants pour la canaliser exige de mettre en place de façon urgente les moyens adéquats de sécurité.
C’est un véritable défi pour une industrie qui se met en place un peu partout dans le monde et en particulier sur le vieux continent. Et ce, en raison des connaissances encore limitées concernant les risques spécifiques. Ainsi les incendies et explosions qui pourraient toucher plus précisément les électrolyseurs où l’hydrogène et l’oxygène sont tous les deux présents et peuvent dangereusement se combiner.
Deux scénarios identifiés
Les données disponibles autour des risques sont insuffisantes alors que la communauté des fournisseurs, exploitants et propriétaires d’infrastructures H2 grossit de façon importante. Une année a été nécessaire pour parvenir à boucler cette étude en consultant les parties prenantes actives aux Pays-Bas.Ces dernières sont d’ailleurs le plus souvent les principaux bénéficiaires de l’action engagée par l’ISPT, puisque ce document constitue la première étape d’une démarche qui vise à mettre en place « une méthodologie uniforme et cohérente d’évaluation des risques ». Elle cible tout particulièrement les grosses unités de production d’hydrogène vert pour que, par leur conception, elles soient sûres à l’exploitation. Dans cette optique, l’équipe de l’institut néerlandais a interrogé à plusieurs reprises les fournisseurs d’électrolyseurs.
Deux scénarios ont été identifiés lors de l’enquête aboutissant à un possible mélange entre l’hydrogène et l’oxygène. Dans le premier cas, ce dernier est une coproduction interne au processus d’électrolyse. Les deux gaz peuvent être accidentellement mis en présence l’un de l’autre dans une cheminée d’électrolyseur, une conduite ou une membrane séparatrice. C’est l’oxygène de l’air qui pose problème dans la deuxième situation où une perte de confinement est envisagée à l’intérieur d’un bâtiment de l’électrolyseur.
Un manque d’informations et de modélisations
L’ISPT a constaté que l’industrie chimique dispose déjà d’outils qui permettent d’évaluer la sécurité des procédés exploitant l’hydrogène, y compris au niveau des unités de fabrication d’électrolyseur à l’échelle du gigawatt. Ce qui fait cependant défaut, ce sont des informations accessibles issues d’observations réelles sur sites. Elles pourraient, par exemple, être conservées sous la forme d’une base de données répertoriant les défaillances rencontrées, leur nature, le contexte, leur fréquence et le risque d’aboutir à un incendie ou une explosion dans de grosses unités de production d’hydrogène.L’institut a remarqué que les modélisations de ces scénarios critiques ne sont pas aussi bien développées que pour les systèmes à hydrocarbure. Pourtant, les propriétés de l’hydrogène sont très différentes, avec une probabilité plus élevée d’inflammation et des conséquences potentiellement bien plus graves en cas de déflagration.
Les processus de production du gaz vert sont également différents. Entre un recul insuffisant et une carence en informations concernant les risques et les précautions à prendre avec l’hydrogène, l’ISPT craint un manque de sensibilisation du personnel sur toute la chaîne de valeur. Les rédacteurs de l’étude en déduisent qu’il est nécessaire d’adopter une approche prudente au sujet des hypothèses d’incidents, depuis la conception des systèmes jusqu’à l’exploitation, pour les futurs projets d’envergure en matière d’électrolyse.
Causes et craintes identifiées
Les causes pouvant aboutir à une situation critique sont diverses. Elles peuvent aller de l’erreur humaine jusqu’à un écart au niveau des conditions de fonctionnement, en passant par un défaut de conception du matériel et un problème rencontré au niveau d’une pièce - par exemple, une membrane.Si l’ISPT s’intéresse de près aux gros électrolyseurs, c’est bien sûr en raison de leur développement exponentiel, mais aussi et surtout parce qu’ils présentent des risques spécifiques liés à une combinaison de constructions modulaires. Ce qui fait craindre des scénarios de type effet domino, à l’image de ce qui se produit dans une batterie lithium quand une cellule s’enflamme entraînant toutes les autres.
L’institut souhaiterait que des études approfondies soient réalisées afin de comprendre les risques d’interaction potentielle entre les modules. Ce travail amènerait à mieux envisager le contrôle de ces centrales.
Autre point à prendre en compte, l’alimentation en électricité. Puisqu’il s’agit d’hydrogène vert, les grands électrolyseurs vont recevoir leur énergie de sources renouvelables et intermittentes. D’où de fréquents arrêts, redémarrages, mises en pause et fluctuations de puissance. Est-ce qu’une exploitation basée sur ce mode de fonctionnement est de nature à jouer sur la sécurité ? Autre source d’inquiétude pour l’institut, la course à la performance qui se traduit par la recherche de technologies, matériaux et éléments nouveaux.
Des membranes de plus en plus fines
Parmi les éléments sensibles et en constante évolution qui ont concentré l’attention de l’équipe de recherche néerlandaise, les membranes, de plus en plus fines, alors que ce sont des pièces essentielles au cœur du croisement des gaz. Comme pour les autres composants des électrolyseurs, les données manquent concernant les risques, probabilités et fréquences de défaillance les concernant. C’est particulièrement criant pour les générations les plus récentes. Ce qui nuit à la compréhension des mécanismes pouvant entraîner leur défaillance.Selon l’institut, une anomalie rencontrée sur les membranes pourrait être la cause d’une perte de confinement ou d’une dégradation de la séparation interne entre les gaz, avec, au bout du scénario, un mélange de l’hydrogène avec l’oxygène ou l’air. Ce qui amène alors à se poser une autre question : Quelle est la probabilité dans ces conditions d’aboutir à une inflammation, immédiate ou retardée ? Elle est d’autant plus pertinente que par rapport aux hydrocarbures, l’énergie suffisante pour provoquer une telle réaction est bien plus faible pour un mélange de hydrogène-air, et plus encore avec une combinaison hydrogène-oxygène.
Harmonier les process
En matière de sécurité, l’ISPT souligne l’importance d’accorder une attention particulière à l’exploitation comme à la maintenance des systèmes. Puisqu'il n’existe pas au niveau mondial ou d’un pays des matrices d’évaluation des risques, la plupart des entreprises qui touchent à l’hydrogène en ont développé individuellement en interne.Par exemple, pour un risque potentiel, on va avoir une graduation de la fréquence depuis « peu probable » jusqu’à « fréquent », à croiser avec le degré de conséquence mesuré entre « léger » et « catastrophique ». Ce qui guide chaque société dans sa démarche pour établir et appliquer des directives qui visent à gommer tous les points ressortant comme inacceptables.
L’institut souhaite une harmonisation et propose une réflexion à ce sujet en s’appuyant sur des méthodes généralisées déjà employées dans l’industrie. Cette approche plus sûre pour éliminer les causes possibles des incidents doit amener à la mise en place de mesures efficaces de protection quand c’est nécessaire.
Un travail conséquent à fournir
Sur ce sujet précis des risques dans les grosses unités de production d’hydrogène vert et concernant en particulier les potentielles défaillances des membranes, il n’existe pas de directive claire sur la manière de les gérer. Les données et modélisations accessibles proviennent principalement d’expérimentations, mais pas d’une base qui recenserait des cas réels. Si certaines avaient bien pour cadre des conditions en zones confinées et encombrées, c’est surtout dans des conteneurs ou des bâtiments.Pas grand-chose en revanche concernant les infrastructures propres aux électrolyseurs de grande envergure. Quelle serait l’onde de choc dans un tel contexte en cas de dispersion et d’inflammation des gaz ? On ne sait pas. Obtenir des modélisations fiables à ce sujet exige un travail important avec des calculs à réaliser qui doivent tenir compte d’un grand nombre de paramètres.
L’ISPT souligne qu’il existe encore des incertitudes sur les méthodes à retenir, certaines ayant, par exemple, pour inconvénient de surestimer des dangers. « L’évaluation des risques fondée sur des scénarios crédibles doit donc être envisagée avec prudence », insiste l’institut.
En intégrant les bonnes pratiques identifiées dans la filière, une démarche d’évaluation et de réduction des risques dans les grosses usines de production d’hydrogène est lancée, impliquant également l’institut néerlandais de normalisation. Peut-être aboutira-t-il à un cadre élargi à toute l’Europe.
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