Sealhyfe : le premier électrolyseur offshore au monde entre en service

Mis à jour le 02.10.2022 à 09:24
Sealhyfe : le premier électrolyseur offshore au monde entre en service
Alors que le président de la République Emmanuel Macron inaugurait ce jeudi 22 septembre 2022 le parc éolien offshore de Saint-Nazaire, tout à côté de là se déroulait une autre cérémonie, très complémentaire. L’électrolyseur qui était alors dévoilé aura recours aux grandes dames du vent et de la mer pour recevoir l’énergie lui permettant de produire de l’ hydrogène vert au large des côtes.

Quel chemin parcouru depuis juin 2018 et la rencontre entre Matthieu Guesné fondateur de Lhyfe et Alain Leboeuf aujourd’hui président du conseil départemental de Vendée ! Ce dernier avait pris la parole à la maison de la Chimie à Paris, après l’intervention du ministre de l’Environnement et de la Transition solidaire de l’époque sur le programme de développement de l’hydrogène en France. Comme cofondateur du Club des élus ambassadeurs de l’hydrogène, l’ancien député vendéen avait « plaidé la cause des territoires pour porter ce programme »

Le premier fruit visible de cette rencontre est l’électrolyseur de Bouin inauguré en septembre 2021. Il alimente déjà, entre autres, la station multi-énergies vertes de La Roche-sur-Yon. Pour Lhyfe, il a toujours été très clair que cette installation était à la fois un moyen de tester l’emploi de l’eau de mer ainsi qu’un démonstrateur pour prouver son savoir-faire et emporter l’adhésion de partenaires clés. Et ce, avant la prochaine étape : mettre au point puis déployer des électrolyseurs offshores afin de doper le potentiel de production en hydrogène vert.


Les acteurs principaux étaient réunis

Un peu plus de 4 ans après, les 2 hommes se sont retrouvés pour l’inauguration de l’électrolyseur offshore. « L’hydrogène, beaucoup en parle, mais nous, nous en faisons. Avec Alain, nous sommes des bosseurs », a mis en avant Matthieu Guesné. 

A Saint-Nazaire ce jeudi 22 septembre 2022, ils étaient entourés des autres acteurs sans lesquels cet événement ne serait sans doute jamais arrivé si vite sur le calendrier. Ainsi, en particulier et représenté par son directeur général Ole Hoefelmann, Plug Power qui a construit à la demande l’électrolyseur marin EX-425D de 1 MW. Mais aussi, sans chercher à être exhaustif : les Chantiers de l’Atlantique qui ont pris en charge l’architecture électrique, les systèmes de ventilation et la résistance au milieu marin (corrosion, chocs, variations de température, etc.) ; GEPS Techno et Eiffage Energie Systèmes qui ont conçu la plateforme flottante et assuré l’intégration de l’électrolyseur ; le Port de Saint-Nazaire qui a facilité l’assemblage et les premiers essais ; Centrale Nantes qui opère le site d’essais en mer Sem-Rev sur lequel Lhyfe s’appuie pour mettre au point son premier électrolyseur offshore. Avenue des Frégates : difficile de louper la plateforme Sealhyfe revêtue d’un jaune bien vif. 


18 mois d’expérimentation à quai

L’inauguration de la plateforme Sealhyfe ce jeudi 22 septembre ne signifie pas qu’à partir de là l’électrolyseur va produire de l’hydrogène vert en haute mer. Il entre maintenant dans une phase d’expérimentation qui va durer 18 mois, d’abord à quai à Saint-Nazaire, puis au large du Croisic sur le site d’essais en mer Sem-Rev 

« Il sera à 20 km des côtes. Nous pourrons contrôler l’ensemble du site à distance. La barge pourra être soumise à des inclinaisons de 15 degrés et subir des mouvements de 0,5 G. Tous les challenges techniques ont été relevés en 1 an et demi. Nous souhaitions aller vite, et nous avons trouvé dans les Pays de la Loire une région pour nous soutenir, un port, un hub électrique pour nous alimenter et des partenaires techniques », a commenté Matthieu Guesné. 

« Depuis 15 à 20 ans, Centrale Nantes croit à l’énergie de la mer dans les Pays de la Loire. Nous développons depuis 2005 notre site d’essais au large Sem-Rev. S’il n’existait pas aujourd’hui, l’inauguration de Sealhyfe aurait eu lieu dans 5 ans. Et ça aurait été une dernière mondiale. Nous n’avions pas pu être les tout premiers avec ID1 en matière d’éoliennes flottantes, mais nous tenions à l’être pour les électrolyseurs offshores  », a souligné Bertrand Alessandrini, directeur du développement et des relations industrielles pour l’établissement universitaire.


Lutter contre le dérèglement climatique

Pour Matthieu Guesné, l’énergie qui peut être produite en mer n’est pas une option, mais un scénario incontournable. Il s’en faisait encore la réflexion l’été dernier en remarquant les incendies et la sécheresse en France : « Nous sommes en train de brûler la planète. La France connaît aujourd’hui des phénomènes comme autrefois en Afrique. Il faut agir dès maintenant, et déjà en abaissant notre consommation énergétique »

Il a ensuite ciblé ceux qui mettent des bâtons dans les roues des projets majeurs en matière de transition énergétique : « On s’en fiche de la valeur des maisons secondaires à côté des éoliennes. On en a besoin, sinon ce sera la guerre et des problèmes importants d’énergies ». Puis il a comparé : « En mer, les éoliennes peuvent prendre la taille de la tour Eiffel. Elles seraient capables de fournir 18 fois la consommation mondiale d’électricité. Cette énergie servirait pour la maison, les voitures électriques, etc. ».

S’affranchir de la dépendance énergétique

« Il y a plein de choses que l’électricité ne peut pas faire. D’où notre dépendance à des pays qui ne sont pas toujours très stables. Aujourd’hui, c’est Poutine qui a entre ses mains le prix de l’électricité et du gaz. Alors que nous avons des solutions pour produire de l’énergie afin de décarboner l’industrie et les transports qui représentent chacun 23 % des émissions globales de CO2 en Europe », a plaidé Matthieu Guesné. « Avec seulement 4 % de l’espace maritime européen, il serait déjà possible de produire suffisamment d’hydrogène pour remplacer le gaz russe », a-t-il assuré. 

L’hydrogène vert actuellement produit par l’électrolyseur de Bouin permet de faire rouler les véhicules compatibles moins cher que leurs équivalents diesel. Ce qui est très prometteur en projetant les courbes des prix des 2 énergies dans 10 ou 15 ans : La première devrait être orientée à la baisse avec l’ouverture de nouveaux sites d’électrolyse, quand la seconde devrait s’envoler.

Agir et le montrer

Matthieu Guesné s’est encore enthousiasmé en mettant à l’honneur devant les invités à l’inauguration une partie du personnel qui a parfois enduré à Saint-Nazaire des températures caniculaires dépassant les 40° C plusieurs jours entre mai et septembre de cette année : « L’équipe Lhyfe et une équipe qui sait aussi s’amuser, en créant de l’emploi, et en permettant la production d’hydrogène vert »

La bouteille de champagne, encore suspendue à un ruban avant midi le 22 septembre 2022, témoignait de l’esprit festif dans lequel se retrouvait tout ce petit monde. « Nous avons su montrer avec Bouin que nous sommes capables de produire de l’hydrogène avec de l’eau de mer. Ce qui ne s’était jamais fait. Pour déployer cette technologie, il fallait un électrolyseur fiable, performant et optimisé au niveau de l’encombrement. Nous avons trouvé cela chez Plug Power », a-t-il assuré. 

L’enthousiasme, la pugnacité, et la faculté de déplacer les montagnes chez Matthieu Guesné ont su emporter l’adhésion du spécialiste américain des systèmes de piles H2, maintenant diversifié dans les électrolyseurs.

Une technologie éprouvée par la Nasa

« La technologie d’électrolyse que nous avons fournie à Lhyfe n’est pas une nouveauté. Elle est employée par la Nasa et sert depuis 40 ans dans les sous-marins pour produire de l’oxygène à bord. Nous avons acheté les droits et les intégrons depuis 2 ans », a embrayé Ole Hoefelmann. « Plug et Lhyfe ont compris qu’il fallait travailler ensemble dans une confiance propice à la résolution des problèmes. Même avec des vagues de 15 mètres, notre électrolyseur doit pouvoir fonctionner », a-t-il révélé. « Nous partageons avec Lhyfe les mêmes valeurs, poursuivons des ambitions similaires et nourrissons une passion pour les gens et les équipes », a-t-il détaillé.

Pragmatisme

Le staff de GEPS Techno a également été séduit. Jean-Luc Longeroche, son PDG fondateur, a rapporté : « Nous avons l’habitude de voir débarquer chez nous du monde avec des trucs incroyables à réaliser en mer. A partir de leurs demandes, nous proposons différentes solutions. L’arbitrage final revient au client »

Il faut aller vite pour lutter contre le dérèglement climatique. « Tous les clients ne sont cependant pas prêts à aller aussi vite que nous le souhaiterions. Mais face à un projet durable à 100 % qui ne verra jamais le jour, il vaut mieux un projet durable à 95 % avec un petit moteur diesel dans un coin qui rassure, si ce programme est mené à terme et même dupliqué », a-t-il opposé. « Avec Lhyfe, nous avons trouvé un terrain d’entente. Grâce à cette entreprise, nous avons découvert l’hydrogène et tout son intérêt. Notre rôle pour cet électrolyseur offshore a touché à la gestion de l’énergie, à son stockage, à la communication, et à l’hébergement ». GEPS Techno a réalisé un véritable travail d’intégration en installant l’électrolyseur sur la plateforme houlomotrice Wavegem développée en interne.

Emplois industriels

Délégué à l’industrie, et siégeant pour le conseil régional à la commission qui s’attache en particulier aux entreprises sous les angles de la croissance verte, de l’innovation, et de la recherche, Richard Thiriet a rappelé les ambitions des Pays de la Loire dans le développement des énergies marines en général et de l’hydrogène vert en particulier. Il a avancé un chiffre qui plaide pour cette politique : « Un emploi sur sept dans les Pays de la Loire est dans l’industrie. Nous souhaitons maintenir cette proportion en prenant le virage de la transition énergétique »

Cette déclaration est à croiser, entre autres, avec les prestations fournies par Eiffage Energie Systèmes - Clemessy Services. Egalement présent à l’inauguration, son dirigeant Nicolas Andrivon a rappelé que, bénéficiant de tout un savoir-faire issu des énergies fossiles, sa structure compte « tous les métiers de service offshores, onshores et pour la transition énergétique ». Dans le cadre de l’électrolyseur marin de Lhyfe, « nous avons mobilisé des compétences en métallurgie, chaudronnerie et mécanique », a-t-il listé.

L’immense potentiel de l’électrolyse offshore

« Nous sommes en retard sur le climat. Mais la question n’est pas de savoir si nous sommes à l’heure ou pas, mais d’avancer le plus vite que nous le pouvons. A Centrale Nantes, nous allons développer une nouvelle plateforme de 1,5 km2 capable d’accueillir des éoliennes plus grandes. Nous allons donc porter l’architecture Sem-Rev sur d’autres sites », a informé Bertrand Alessandrini. 

« Dans nos missions chez Eiffage Energie Systèmes - Clemessy Services, nous aimons aligner les contraintes techniques avec les idées et les rêves. Nous voulons aussi montrer aux jeunes le côté passionnant de ce que nous faisons afin qu’ils nous rejoignent », a mis en avant Nicolas Andrivon. 

« Sealhyfe est un démonstrateur, une étape pour présenter les challenges techniques que nous savons relever et la faculté que nous avons à mobiliser les entreprises autour de cela. A horizon 2030-2035, l’électrolyse offshore pourrait représenter une capacité installée additionnelle d’une puissance de l’ordre de 3 GW pour Lhyfe. En partenariat avec les Chantiers de l’Atlantique, nous devrions pouvoir produire 50 tonnes d’hydrogène vert par jour. Et ce, en employant des électrolyseurs construits dans les Pays de la Loire », a conclu Matthieu Guesné.
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