24 Heures du Mans 2023 : que retenir du village hydrogène ?

Mis à jour le 20.06.2023 à 20:25
24 Heures du Mans 2023 : que retenir du village hydrogène ?
Quoi de mieux que de découvrir le village H2 des 24 Heures du Mans accompagné d’un guide très impliqué dans l’hydrogène et qui a grandi dans un écosystème influencé par le circuit.
 
Francis Gasnier, 58 ans, est animateur du cluster hydrogène lancé par la CCI des Côtes-d’Armor. Grâce à lui, nous avons déjà produit plusieurs articles autour de la mobilité H2. Ce très sympathique manceau de naissance est aussi administrateur de l’Automobile Club de l’Ouest qui organise les 24 Heures. Il est donc très à l’aise avec tout l’écosystème qui gravite autour des fameuses épreuves : « Je viens sur le circuit depuis mes 10 ans. Mon père était mécano chez Peugeot. J’ai moi-même poursuivi un cursus en commerce automobile dans ma ville de naissance. Je fréquente les stands depuis 1990 ».
 
Un peu comme un enfant qui a des étoiles dans les yeux quand il réalise certains de ses rêves les plus chers, il a vu s’épanouir le village hydrogène monté à temps pour accueillir les spectateurs avant le top départ : « En un an, la taille de cet espace a été multipliée par 2 ou 3. L’année dernière, seule la MissionH24 de l’ACO était exposée. En 2023, 6 voitures étaient alignées, sans compter les autres véhicules ».


 

En dehors des bolides

Il n’y avait pas que des bolides dans le village hydrogène des 24 Heures du Mans. On y trouvait aussi l’autobus Caetano fabriqué au Portugal et qui arbore fièrement le sigle Toyota en calandre pleine. Watèa by Michelin présentait un fourgon Citroën Jumpy afin de promouvoir son offre naissante en utilitaires électriques à pile à combustible alimentée en hydrogène vert.
 
Diverses activités étaient proposées au grand public autour de la molécule H2 : « Contre des goodies à gagner, les visiteurs devaient répondre à des questions. Par exemple : ‘Qui a découvert l’hydrogène ?’, ‘A quoi ça sert ?’. Des maquettes en rapport avec l’hydrogène étaient exposées, représentant la MissionH24, des camions, réservoirs en carbone, piles à combustible, etc. ». Et dans la grosse bulle bleue ? « Là aussi, des animations parfois très sonores attendaient les visiteurs. J’ai bien aimé les présentations très technologiques, un peu à la manière de la fête de la science, effectuées par des enseignants-chercheurs et des chimistes. La partie consacrée à l’emprisonnement des molécules H2 par absorption dans les réservoirs m’a bien intéressé ».


 

MissionH24 au cœur du village

Pour Francis Gasnier, le concept MissionH24 reste au cœur de l’événement : « Aujourd’hui, les constructeurs qui imaginent l’hydrogène dans la compétition font tous le choix d’un moteur thermique, parfois même avec de l’ hydrogène liquide pour embarquer davantage d’énergie, mais avec la contrainte de conserver le carburant à une température de -253° C. La MissionH24 est le seul bolide sur châssis LMP2 à exploiter une pile à combustible ».
 
C’est un décalage qu’il explique parfaitement : « Cette voiture a été présentée pour la première fois il y a déjà 5 ans. L’ACO voulait construire un démonstrateur prouvant que la compétition à l’hydrogène est possible. C’était à une époque où les constructeurs n’y croyaient pas ».
 
En véritable passionné, notre interlocuteur met beaucoup de sensibilité à nous expliquer tout cela, avec plein d’images et d’anecdotes : « Sur le village, j’ai croisé quelqu’un avec le même tee-shirt bleu que moi, et c’était Bernard Niclot (directeur technique de la FIA ndlr). MissionH24, c’est en quelque sorte son bébé. C’est quelqu’un qui a évolué dans l’univers de Jean Todt ».


 
Il faut des années de pratique du circuit pour comprendre et apprécier des scènes instantanées qui s’y déroulent et laissent entendre ce qui peut se préparer dans les écuries pour demain. Pour exemple, il nous montre une photo : « Là, c’est Carole Capitaine, en charge de la promotion de MissionH24 pour l’ACO. Elle est à côté de la voiture. Derrière elle, on voit à peine Stéphane Richelmi, le pilote du bolide. C’est lui qui fait les retours aux ingénieurs, en bleu ici, à chaque nouvel essai effectué après des modifications qui sont apportées par exemple sur les trains roulants, les suspensions ou l’aérodynamique. Tous recherchent la performance. L’année dernière, les 290 km/h ont été dépassés en pleine ligne droite ». En quoi cette photo est-elle si intéressante ? « Tout à gauche, c’est Frédéric Vasseur, le Team Manager de l’écurie Ferrari de Formule 1. La photo a été prise environ une heure avant le départ. D’ordinaire, c’est le moment où il va voir ses voitures sur la grille. Il a pris des explications techniques concernant l’hydrogène sur ce temps-là. Ce qui montre son intérêt pour cette alternative ».


 
En conservant la pile à combustible et pour d’autres raisons, MissionH24 est face à des difficultés à aplanir : « L’équipe doit en être à la 3e ou 4e version, cherchant l’optimisation et l’efficience. Il y a le problème épineux du refroidissement de la pile qui demande beaucoup de ventilation. La perte de poids a aussi longtemps été un défi à relever ».
 
Et puis il y a tout ce qui est spécifique à l’avitaillement en hydrogène : « Sur place, il n’y a que du 350 bars alors qu’il faudrait du 700 bars. Et le distributeur est éloigné du circuit. Quand des voitures hydrogène s’affronteront ici, il faudra du matériel d’avitaillement au plus proche ». Autre difficulté à dépasser, le temps pour remplir les réservoirs : « Il est de plusieurs minutes. Aller plus vite fait monter la température à plus de 80° C, ce qui bloque l’opération ». Tous ces points n’effraient pas Francis Gasnier qui connaît très bien les scénarios menant aux évolutions technologiques majeures.


 

Une norme se dessine

Notre interviewé interprète à sa façon la présence des différents bolides au village H2 du Mans. Par exemple pour le concept Alpine AlpenGlow : « Son style préfigure les voitures de courses qui seront engagées en 2024. Il est intéressant de constater qu’après avoir présenté une R5 Alpine électrique à batterie, la marque s’oriente vers l’hydrogène avec un moteur thermique. Cette configuration semble être la solution naturelle pour la compétition. Mais pas l’électrique à batterie ni la pile à combustible. Alors que le règlement officiel qui sera modifié ne l’imposera pas, cette architecture devrait devenir la norme ».


 
GCK et Solution F présentaient leur Foenix H2 basée sur la même architecture, avec bien en vue le moteur Solution F: « C’est un véhicule qui est destiné à courir sur circuit dans des épreuves monotypes. GCK est très actif et avance vite. On devine sur le bloc que tout le bas est commun avec un moteur thermique classique. En vert, c’est la partie spécifique. Les explosions sont beaucoup plus fortes avec l’hydrogène, ce qui impose de gaver le moteur avec beaucoup d’air frais pour appauvrir le mélange ».


Ligier dans la course

Pour le grand public, Ligier est surtout synonyme de voitures sans permis : « Guy Ligier en avait fait une écurie. Aujourd’hui, c’est Jacques Nicolet le patron. C’est un passionné de courses automobiles qui a fait fortune dans l’immobilier ici. Il a racheté la marque et veut relancer le sport auto. Il organise des courses monotypes de Gentlemen Drivers. La Ligier hydrogène présentée au village est une déclinaison d’un modèle existant qui fonctionne habituellement avec un moteur essence ». Toutes ces initiatives séduisent Francis Gasnier : « Moi j’y crois à l’hydrogène pour l’avenir de la compétition automobile, même si l’acceptation sociale, ça va être compliqué dans le temps. Mais c’est là qu’il y a les moyens financiers pour faire progresser les technologies ».


 
A ce sujet, l’édition 2023 correspond au centenaire des 24 Heures, proposant un show pour montrer tout ce qui est ressorti de cette compétition : « C’est par exemple les phares à iode et ceux à laser, les freins à disque ou ceux en céramique, le pare-brise triplex, le turbo, les avancées aérodynamiques. L’hydrogène fait partie d’une prochaine révolution à venir ici. Déjà, on n’emploie plus d’essence aux 24 Heures, mais un carburant de synthèse fournit par TotalEnergies produit avec du marc de raisin ».
 

Toyota sur la grille en 2026

Toyota bénéficiait d’une place majeure au sein du village hydrogène : « Il y avait déjà deux Mirai, une normale de couleur blanche, et un concept Sport en noir mat. Il se distinguait par des étriers de frein rouges et des éléments de carrosserie en carbone. Capot ouvert, on pouvait voir une prise électrique en cours d’utilisation, comme si la batterie était devenue rechargeable. J’ai voulu obtenir quelques renseignements, mais tout le staff était japonais, et mon anglais trop limité pour des explications techniques ».


 
La Toyota la plus intéressante est cependant restée bâchée jusqu’au samedi matin : « C’est l’hypercar H2 2026 qui prendra le départ des 24 Heures dans 3 ans. Intégrée au garage 56 réservé aux voitures différentes, elle sera la seule à s’élancer en fonctionnant à l’hydrogène. Sa présence était comme un message pour dire que Toyota s’engage officiellement dans les 24 Heures avec ce carburant. Ce sera sous sa forme liquide ».


 
D’autres constructeurs pourraient bien suivre : « L’ACO anime un groupe de travail avec 9 d’entre eux, dont Audi. Le patron de l’écurie, le docteur Ullrich, a mené la marque 12 fois à la victoire aux 24 Heures, avec des moteurs essence, diesel ou hybride. Il pense déjà à l’hydrogène pour l’avenir ».
 
H2 Mobile et moi-même remercions beaucoup pour le temps consacré à présenter le village hydrogène des 24 Heures du Mans et les nombreuses photos d’illustration.
 
 
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