BrittanHy Day : que retenir du grand rendez-vous de l'écosystème hydrogène breton ?

BrittanHy Day : que retenir du grand rendez-vous de l'écosystème hydrogène breton ?
Organisé le 22 septembre dernier, le BrittanHy Day est à voir avant tout comme un gros outil de motivation invitant les entreprises bretonnes à s’impliquer dans la production, la distribution et l’exploitation de l’hydrogène décarboné en Bretagne. Pour une première édition, le cluster hydrogène de la CCI a vraiment mis le paquet.
 
Il y a deux ans, lorsque le c a été lancé avec Saint-Brieuc comme premier point de propagation principale, on pouvait peut-être s’interroger sur son devenir au cœur d’un territoire où la fronde gronde vite contre les centrales nucléaires, les éoliennes, les hydroliennes et la méthanisation. Le coup de maître, c’est la création du cluster hydrogène par la CCI des Côtes-d’Armor pour ouvrir des perspectives très nettes de développement aux entreprises installées sur le territoire. Au point que certaines ont déjà rebondi sur la proposition.
 
Je prendrais déjà pour preuve l’exemple de la navette Taxirail, dont le concept a été développé il y a déjà plusieurs années par Exid Concept & Développement installé à Plusquellec, dans les Côtes-d’Armor. Permettant de maintenir ou de rouvrir des lignes ferroviaires abandonnées, elle se décline désormais à l’hydrogène, aussi bien pour le transport des personnes que de fret. On l’imagine en service régulier aux heures pleines, et à la demande en dehors.




Rapprochements 

Saint-Malo, Lorient, Brest, Rennes, Vannes, Redon, Le Vivier-sur-Mer, Châteaulin, Concarneau, pour ne citer que ces villes bretonnes, sont entrées dans le mouvement, soit à travers les collectivités, soit parce qu’un acteur majeur de l’hydrogène y est installé. Pour décrocher des financements français et européens, et envisager la mutualisation des moyens, la cité corsaire et la briochine distantes de 75 km, et situées dans des départements différents, ont décidé de présenter des dossiers communs.
 
Il y a deux ans, l’agglomération de Saint-Brieuc évoquait déjà pour 2025 une station dimensionnée pour produire 800 kg d’ hydrogène vert par jour à partir de l’électrolyse d’eau recyclée, et un site de distribution. Leur proximité avec le dépôt des autobus de la collectivité est une aubaine alors que quatorze de ces véhicules rouleraient à cette échéance avec du gaz H2, ainsi que deux bennes à ordures ménagères.
 
Ce sera plus tard pour Saint-Malo Agglomération. Ses six autobus et dix bennes H2 seraient mis en service en 2030. En employant aussi le biogaz, « une énergie que l’on connaît y compris dans son économie », ce territoire d’Ille-et-Vilaine entend faire baisser de 40 % à cet horizon ses gaz à effet de serre par rapport à 1990. Trois autobus alimentés au bioGNV circulent déjà sur place. Une station commune aux deux énergies est en cours de construction.
 

Faire évoluer les mentalités

Le Bretagne est toujours surprenante mais jamais coincée. La mer ? C’est un terrain de développement en particulier pour les énergies renouvelables ; l’hydrogène pourra se propager à la fois pour les mobilités terrestres et maritimes. La Normandie et les Pays de la Loire ? Ce sont des partenaires de jeu, notamment pour accélérer la mise au point des nouvelles technologies de l’hydrogène. Les trois régions ont annoncé leur collaboration concernant le développement de ce gaz en couleur verte.
 
On peut reprendre l’exemple du Taxirail : il intéresse Caux Seine agglo en Normandie. Et on ajoute l’entreprise nantaise Lhyfe qui va implanter à Buléon, dans le Morbihan, un électrolyseur 5 MW capable de produire deux tonnes d’hydrogène vert par jour. Dans les stations de distribution, il est question d’acheminer ce gaz par tube trailers.
 
Tout cela est de nature à faire évoluer les mentalités. Ainsi celle de André Crocq, conseiller de la région Bretagne. Au cours de la table ronde intitulée « Les territoires, une maille essentielle du développement de la filière hydrogène », il a indiqué : « Au départ, je n’étais pas pour l’hydrogène porté, de peur que de grands groupes pétroliers comme Total s’approprient le sujet. Je voulais privilégier une boucle locale. Désormais, je pense que des usages déportés ont aussi du sens ».


 

Décarboner la mobilité en maritime

La Bretagne étant une péninsule, le BrittanHy Day a consacré toute une conférence à la décarbonation du transport maritime. André Crocq s’est à nouveau illustré en s’émerveillant du fait que la Bretagne a réussi en deux ou trois ans à développer sur place des compétences autour de l’hydrogène.
 
Il pensait en particulier au projet de conversion des navettes maritimes qui transportent les voyageurs depuis Vannes jusqu’à l’île d’Arz. Pour l’élu, les appels à projets lancés par la région et permettant d’aboutir à ce type de rétrofit sont avant tout à voir comme « des cadres de travail » dont l’objectif est « d’accompagner l’émergence », et « non pour bousculer les professionnels » : « On s’inscrit dans des partenariats de longues durées ; on essaye de ne pas placer la barre trop haut et de développer le travail collectif ».
 
A Lorient aussi il est question de passer à l’hydrogène des bateaux navettes. Ce sont ceux qui transportent 800 000 passagers par an, de 6 h 00 à 21 h 00, des deux côtés de la rade. Lors d’événements comme le Festival interceltique, l’amplitude grimpe à minuit. Une fois transformées, ces navettes pourraient recevoir l’hydrogène produit par le site Lhyfe de Buléon. La station de distribution serait ouverte aux autres armateurs. Le territoire compte construire pour ses bus une station H2/bioGNV, comme à Saint-Malo.
 
Avec cela, la collectivité espère tourner la page de l’échec entourant la navette électrique Ar Vag Tredan conçue pour fonctionner avec les supercondensateurs du groupe Bolloré. Plus prudente désormais, elle compte exiger des engagements contractuels d’usage et de performances sur dix ans.


 

Deux exemples pour les produits de la mer

Chargée de mission énergétique pour Barillec Marine, Manon Rosario a mis en avant le rétrofit H2 du Chalutier Anita Conti à Concarneau. Le port d’attache de ce bateau est plus précisément Saint-Guénolé : « Nous en sommes à la partie étude d’une durée de 10 mois environ. Elle a débuté en février, avec de premiers retours en septembre ».
 
Principal défi pour ce bateau de pêche à la petite semaine, lui conserver son autonomie pour des sorties de quatre jours en mer. La professionnelle a clairement appelé les pouvoirs publics à accélérer sur la réglementation, car aujourd’hui elle n’autorise pas le rétrofit des bateaux.
 
Ghislain Quentel, directeur du chantier naval CMV Amphibie, a pleinement abondé dans son sens. C’est son entreprise qui pourrait potentiellement convertir une soixantaine de bateaux à roues des éleveurs de moules qui opèrent entre la baie de Saint-Brieuc et celle du Mont-Saint-Michel, construits par elle-même. L’Estaban est celui en cours de transformation.
 
Embarquant une motorisation électrique avec une pile hydrogène, il servira de démonstrateur. La présence au BrittanHy Day de l’entreprise EHM, dont nous avons déjà parlé il y a quelques jours, devrait faire émerger une autre solution, avec le moteur thermique H2 à cinq temps. « Nous cherchons à dimensionner le système au plus juste des besoins, ni plus, ni moins », a souligné Ghislain Quentel. Les barges mytilicoles de 20 à 30 ans d’âge pourraient doubler leur durée de vie en passant à l’hydrogène.


 

Drone Hermione de H2X Ecosystems

Nos lecteurs doivent déjà connaître H2X Ecosystems dont nous avons déjà parlé pour ses groupes électro-hydrogène, sa citadine et son concept de buggy H2 pour le rallye Aïcha des Gazelles. Ayant son siège social à Bruz près de Rennes (35), avec des ateliers à Redon et Brest, l’entreprise est venue présenter au BritanHy Day un étonnant drone terrestre quasiment aux dimensions d’une petite voiture. Son poids : 500 kg à vide. Sa pile hydrogène est alimentée par un réservoir amovible. Dans l’armée, il servirait à des opérations de reconnaissance, affinées en embarquant de petits drones aériens.
 
Il pourrait également transporter les électrolyseurs de petites tailles développés également par H2X Ecosystems. Employant l’énergie solaire et l’eau issue de l’humidité de l’air pour produire du gaz vert, il alimenterait ainsi des postes militaires de télécommunication ou les bivouacs des soldats. Autre usage : Aider les pompiers à lutter contre les feux de forêt.
 

Et aussi…

Une conférence était consacrée aux e-carburants, une autre à l’hydrogène dans l’agriculture. Olivier Ticos, de la société Alca Torda Applications implantées à Vannes, a évoqué un robot désherbeur à pile hydrogène, plus léger que les équivalents électriques. Ce point est important, car le nouvel engin tasserait moins la terre entre les rangs de cultures maraîchères ou de vignes.


 
C’est cependant davantage sur sa prise de parole pour faire accélérer la législation du rétrofit en France que Olivier Ticos a été applaudi. Il espère que les freins au titre de la sécurité vont se desserrer, devant l’urgence, notamment en raison du dérèglement climatique mais aussi du fait qu’un emballement du prix des produits pétroliers est toujours à craindre à moyen terme, avec un litre de gazole dépassant les trois euros. Il a ainsi mis en avant les bateaux hydrogène déjà en service en Belgique et en Allemagne, alors que ça coince dans l’Hexagone.
 
Le programme du BrittanHy Day était particulièrement dense. De nombreux autres points ont été évoqués ; impossible de tous les détailler en un article. Terminons sur la présence de Carole Capitaine de l’Automobile club de l’Ouest qui est venue avec le bolide biplace MissionH24 fonctionnant avec une pile à combustible en alimentation d’un moteur électrique.
 
Ce n’est pas le choix effectué par les neuf constructeurs qui comptent prendre le départ au Mans avec des monoplaces équipées de moteur thermique gavé à l’hydrogène. Parmi eux, nous savons déjà qu’il y aura Toyota, Alpine et GCK.

 
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