Interview : comment INOCEL veut révolutionner l'hydrogène haute puissance

Interview : comment INOCEL veut révolutionner l'hydrogène haute puissance
Dirigeant d'INOCEL, Jules Billiet revient avec H2 Mobile sur l'histoire et les objectifs ambitieux de la jeune entreprise iséroise, spécialisée dans la conception, la production et la commercialisation de piles à combustible à forte puissance.

Quelle est l'histoire d'INOCEL ?

Jules Billiet : Notre histoire est singulière, car elle résulte de la rencontre de différents mondes. Tout a commencé avec Mike Horn, un aventurier franco-suisse qui a effectué 17 fois le tour de la planète. En 2004, Mike a pris conscience de l'urgence du réchauffement climatique et a commencé à témoigner de cette réalité dans diverses institutions. Il croyait fortement en l'hydrogène en tant que vecteur énergétique, comme maillon indispensable de la chaine des énergies décarbonées du futur pour réduire les émissions de CO2. Mike a permis le développement d’une pile à combustible forte puissance et haute performance dans le cadre d’une compétition sportive en travaillant avec le CEA.
 
Parallèlement, je travaillais depuis longtemps avec Mauro Ricci, le dirigeant d'AKKA Technologies, avec une forte conviction sur le potentiel de l'hydrogène. Mauro Ricci a rapidement projeté le potentiel de marché de la pile forte puissance dans le stationnaire et la mobilité lourde. Nous avons alors conceptualisé un produit pour répondre aux cas d’usages attendus par les industriels : une pile à combustible puissante, réactive, modulaire et durable. Mauro Ricci et Mike Horn ont alors fondé INOCEL avec une équipe partageant leur mission de décarbonation, une passion pour la technologie et une vision industrielle sur des marchés clés.


CEO d'INOCEL, Jules Billiet revient sur l'histoire et les ambitions de la jeune entreprise iséroise. 
 

Où sont localisées vos équipes ?

Jules Billiet : Notre centre de développement produit est basé à Saint-Égrève, dans la périphérie de Grenoble, à proximité du Commissariat à l’Energie Atomique (CEA), et compte actuellement 75 collaborateurs. Et nous allons installer notre usine de production de 15 000 m² à Belfort, une région riche avec un écosystème établi de fournisseurs mais aussi d’acteurs de la chaine de valeur hydrogène. Nous y produirons 30 000 unités par an à terme.
 
L’équipe d’INOCEL est une des forces de l’entreprise avec des membres aux compétences multidisciplinaires, de grande expérience ayant officié dans des industries clés pour le développement de la société sur des postes de développement produit, industrialisation et production.
 
En quoi consiste la technologie de votre pile à combustible à hydrogène ? Comment se distingue-t-elle ?

Jules Billiet : Notre technologie repose sur des piles à combustible à hydrogène à membrane échangeuse de protons. Ce qui rend notre produit unique, c'est qu'il est conçu pour offrir une forte puissance, contrairement à la plupart des technologies existantes qui se concentrent sur la faible et moyenne puissance, principalement pour la mobilité légère. Notre pile est conçue pour atteindre une puissance de pic de 300 kW, offrant ainsi une véritable alternative aux solutions thermiques.
 
Elle se distingue par sa compacité, son efficacité et sa durabilité : la pile à combustible INOCEL a une durée de vie élevée et peut atteindre sa puissance maximale en moins de 1,5 seconde. Cette réactivité lui permet d’être le cœur de génération d’électricité d’un système limitant, voire supprimant la nécessité d’hybridation complémentaire. On l’a testée, par exemple, sur un bateau très puissant, qui va à plus de 100 km/h sur l’eau : elle permet au bateau d’avoir les mêmes performances et la même autonomie que son équivalent thermique. Ainsi, nous prouvons qu’avec notre pile, nous proposons une alternative sans concession face au thermique.


 
Quels sont les défis liés à la production et au stockage de l'hydrogène, et comment INOCEL y fait face ?

Jules Billiet : Nous faisons face à plusieurs défis, notamment en ce qui concerne la fourniture. La chaîne d'approvisionnement est sous pression, en raison de la montée en puissance rapide de l'hydrogène en tant que source d'énergie. Heureusement, nous avons anticipé ces problèmes.
 
De plus, l'écosystème de l'hydrogène dépend à la fois de l'offre et de la demande. L’offre s’est plutôt bien développée, mais on a besoin d'accélérer la demande et l'infrastructure qui permettra à cette demande d’émerger. Cela nécessite une sensibilisation et des avancées réglementaires rapides pour que la technologie de l'hydrogène puisse prospérer. Actuellement, l'Amérique et l'Asie sont en train de rattraper leur retard sur l'Europe, de sorte que la mobilisation est essentielle pour assurer un avenir à la filière hydrogène européenne.
 
Sur quels domaines d'application prévoyez-vous de déployer votre pile à combustible ?

Jules Billiet : Nous visons trois marchés principaux :
  • La génération d’énergie stationnaire, pour les situations d’urgence, les générateurs mobiles (utilisés par exemple sur les chantiers), ou la génération d'énergie stationnaire sur le réseau pour en renforcer la fiabilité. Ces applications sont principalement destinées à des acteurs de petite et moyenne taille ayant des besoins immédiats. Le marché offre donc un potentiel à court terme et en volume. De plus, il présente moins de contraintes vibratoires et climatiques, ce qui réduit le temps de développement et nous permet de proposer un produit à court terme.
  • La mobilité lourde terrestre, comprenant les bus, les camions, les engins portuaires et aéroportuaires, les véhicules de livraison, les engins agricoles, etc.
  • Le secteur maritime, notamment la partie stationnaire des bateaux, mais aussi leur propulsion, lorsque les technologies auront atteint leur maturité.

Quels sont les marchés géographiques les plus prometteurs pour la mobilité hydrogène, selon vous ?  

Jules Billiet : Pour le marché stationnaire, la France et l'Europe sont des marchés importants, au même titre que l'Amérique du Nord et l'Asie. En ce qui concerne le stockage tampon d'énergie (on-grid) pour les centrales d'énergies renouvelables, il existe des disparités dans la demande et les besoins. En France et en Europe, nous avons accès à une électricité décarbonée à un tarif raisonnable, éliminant ainsi les problèmes de coûts. En revanche, dans des pays comme l’Afrique du Sud, la Corée, le Canada et dans certaines parties du Moyen-Orient, les réseaux électriques vieillissants ne peuvent pas répondre à la demande croissante, ce qui génère des besoins plus importants et urgents. Il y aura donc une traction plus forte dans ces régions pour ces applications.

En ce qui concerne la mobilité, les marchés sont relativement homogènes. Bien sûr, les marchés les plus solides seront ceux qui mettront en place des infrastructures le plus rapidement possible.
 
Où en êtes-vous du développement de la pile ? Quelles sont les prochaines étapes ?

Jules Billiet : Notre produit est avancé, et nous sommes actuellement en cours de test de sa durabilité et de l'industrialisation. Notre objectif est de commencer la production d'ici à la fin de 2024, avec une production à grande échelle un an plus tard. Bien sûr, une phase de certification et d'homologation interviendra l'année prochaine.
 
Nous disposons d'une équipe de 67 personnes dédiées au développement du produit, de l'industrialisation à la production. Le marché est en phase d’émergence et nous constatons une forte demande, c’est pourquoi nous devons fournir un produit de qualité, en quantité suffisante et au bon prix.
 
Nous prévoyons de réaliser des tests en environnement réel d'ici à janvier et de finaliser l'achat des machines de production. Et bien entendu, nous travaillons activement à l'acquisition de clients : INOCEL a déjà dépassé le milliard d'euros d'intentions d’achat, que nous sommes en train de contractualiser.
 
 
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