Selon 2 études réalisées pour le gouvernement britannique, l’impact de l’hydrogène sur le dérèglement climatique serait plus important qu’on le pensait jusqu’à aujourd’hui. Ce qui imposerait a minima de traquer sérieusement les fuites à tous les niveaux.
Intitulée « Atmospheric implications of increased hydrogen use » (Implications atmosphériques d’une utilisation accrue d’hydrogène), l’étude de 75 pages rendue par les chercheurs de l’Université de Reading modère l’enthousiasme de ceux qui comptent réduire de façon importante les émissions carbonées en remplaçant les combustibles d’origine fossile par l’hydrogène vert, bleu ou obtenu à partir de biogaz. Les fuites à tous les niveaux de la chaîne entraîneraient la formation d’importants volumes de gaz à effet de serre.
Plus qu’un alignement définitif de chiffres, ce sont les incertitudes qui sont mises en avant par les rédacteurs. En particulier concernant la place exacte prise par l’hydrogène (volume de production, transport, utilisation) dans les dizaines d’années à venir, l’ampleur des fuites, les conséquences indirectes lorsque le gaz est libéré dans l’air et les coproduits également émis. Pour exemple, sa concentration dans l’atmosphère pourrait augmenter de 300 %, soit 1,5 ppm, dans des scénarios où l’hydrogène servirait 23 % de la consommation mondiale d’énergie.
Comment l’hydrogène libéré dans l’air pourrait-il favoriser le dérèglement climatique ? « En diminuant la concentration troposphérique des radicaux hydroxyles (OH), le principal oxydant troposphérique », répondent les auteurs de l’étude. Ce qui aurait pour effet d’augmenter la durée de vie atmosphérique du méthane, à raison d’un an par élévation de 1 ppm d’hydrogène. Les incertitudes se nichent aussi dans les prévisions d’émissions de méthane qui devraient être à la baisse avec un accroissement du recours à l’hydrogène.
Une régression qui ne se traduirait donc pas de suite par une réduction de la concentration de méthane dans l’atmosphère. Elle serait même temporairement augmentée du fait de l’allongement de la durée de vie des molécules CH4. Par ailleurs, l’élévation de la proportion de l’hydrogène contribuerait à augmenter l’effet de serre en modifiant l’ozone troposphérique et les vapeurs d’eau dans l’atmosphère (durée de vie de 8 ans). En conséquence, l’étude de l’Université de Reading estime que le potentiel de réchauffement global de l’hydrogène sur 100 ans est le double de celui retenu aujourd’hui, soit 11 fois supérieur à celui du CO2.
Il reste cependant toujours au crédit de cette solution les réductions des émissions de méthane, de monoxyde de carbone, de composés organiques volatils et d’oxydes d’azote qui jouent positivement sur le climat et la qualité de l’air. Dans une économie mondiale de l’énergie basée sur la molécule H2, avec un taux de 10 % de fuites, ce sont 95 millions de tonnes d’hydrogène qui seraient libérées par an dans l’air, dont 31 millions de tonnes pour la mobilité, si 50 % des carburants obtenus du pétrole étaient remplacés par l’hydrogène. Ce scénario éviterait néanmoins de relâcher sur la même période 43 millions de tonnes de méthane, 259 millions de tonnes de monoxyde de carbone, 19 millions de tonnes d’oxydes d’azote, et 25 millions de tonnes de CO2.
Pour la Grande-Bretagne, il a été prévu à horizon 2050 une production d’hydrogène décarboné de 476 TWh par an, obtenue à 21 % par électrolyse + 79 % par craquage de la molécule de méthane ou biométhane avec récupération du CO2.
En utilisation principale de l’hydrogène outre-Manche dans 28 ans : chauffage des bâtiments professionnels et résidentiels (40 %, 190 TWh), production d’électricité via des turbines à gaz (22 %, 103 TWh), processus industriels (25 %, 121 TWh), mobilité (13 %, 62 TWh, 90 % par motorisation électrique alimentée via pile à combustible + 10 % par moteur thermique). Toute la chaîne a fait l’objet d’une estimation des fuites probables point par point. En tenant compte des opérations volontaires de purge et de ventilation, les émissions intempestives s’élèveraient à 9,20 % concernant la production par électrolyse. Mais le taux pourrait descendre à 0,52 % en recombinant totalement l’hydrogène issu de ces processus de nettoyage. Soit un pourcentage très proche de celui de l’hydrogène bleu et du craquage du biométhane (0,50 %).
Pour le transport, la palme reviendrait à l’usage de camions avec un produit sous forme liquide (13,2 %), contre 0,66 % à l’état gazeux. Les points d’injection et le réseau national de gaz afficheraient respectivement 0,48 et 0,53 %. Le stockage en surface connaîtrait 6,52 % de fuite, contre 0,06 % en exploitant des cavités salines.
La mobilité se distingue comme l’utilisation la plus émissive. En cas d'exploitation d'une pile à combustible, les chiffres oscillent entre 1,02 ou 2,64 %, selon récupération ou non de l’hydrogène dissipé par les opérations de purge et ventilation des piles. Les véhicules à moteur thermique fonctionnant à l’hydrogène seraient plus vertueux : 0,66 %. Pour les 2 architectures, il faudrait aussi tenir compte des pertes au niveau des stations d’avitaillement : 0,89 %. Le chauffage résidentiel, les processus industriels, et la production d’électricité par turbine à gaz révèleraient des taux modérés respectifs de 0,69 %, 0,50 % et 0,01 %.
Elles sont présentes dans les installations électrolytiques pour lesquelles le cabinet estime qu’une solution simple pourrait être déployée facilement avec la montée en puissance de cette technologie de production. Il s’agit de la recombinaison de l’hydrogène. Les rédacteurs comparent le fonctionnement des électrolyseurs avec celui des piles à combustible, également mauvaises élèves si elles sont dénuées de processus de recombinaison, et pour lesquelles des systèmes similaires pourraient être développés.
Les fuites dans les stations d’avitaillement proviendraient de la compression sur place et du stockage à court terme en surface. Frazer-Nash Consultancy attire l’attention sur le fait que la molécule d’hydrogène étant plus petite que celle de méthane, le réemploi du réseau de gaz naturel pour la distribution devra faire l’objet d’une attention particulière, notamment au niveau des joints du maillage en pipelines. Les volumes déjà existants des fuites en molécules CH4 seraient forcément plus importants avec les réseaux hydrogène. En 2050, si rien n’est fait, 174 000 tonnes d’hydrogène pourraient être libérées intempestivement à l’année dans l’air en Grande-Bretagne. Des chiffres qui ne tiennent pas compte de certains processus industriels, comme la production de chlore qui est très émettrice en hydrogène relâché dans l’atmosphère.
Sources :
Intitulée « Atmospheric implications of increased hydrogen use » (Implications atmosphériques d’une utilisation accrue d’hydrogène), l’étude de 75 pages rendue par les chercheurs de l’Université de Reading modère l’enthousiasme de ceux qui comptent réduire de façon importante les émissions carbonées en remplaçant les combustibles d’origine fossile par l’hydrogène vert, bleu ou obtenu à partir de biogaz. Les fuites à tous les niveaux de la chaîne entraîneraient la formation d’importants volumes de gaz à effet de serre.
Plus qu’un alignement définitif de chiffres, ce sont les incertitudes qui sont mises en avant par les rédacteurs. En particulier concernant la place exacte prise par l’hydrogène (volume de production, transport, utilisation) dans les dizaines d’années à venir, l’ampleur des fuites, les conséquences indirectes lorsque le gaz est libéré dans l’air et les coproduits également émis. Pour exemple, sa concentration dans l’atmosphère pourrait augmenter de 300 %, soit 1,5 ppm, dans des scénarios où l’hydrogène servirait 23 % de la consommation mondiale d’énergie.
Comment l’hydrogène libéré dans l’air pourrait-il favoriser le dérèglement climatique ? « En diminuant la concentration troposphérique des radicaux hydroxyles (OH), le principal oxydant troposphérique », répondent les auteurs de l’étude. Ce qui aurait pour effet d’augmenter la durée de vie atmosphérique du méthane, à raison d’un an par élévation de 1 ppm d’hydrogène. Les incertitudes se nichent aussi dans les prévisions d’émissions de méthane qui devraient être à la baisse avec un accroissement du recours à l’hydrogène.
Une régression qui ne se traduirait donc pas de suite par une réduction de la concentration de méthane dans l’atmosphère. Elle serait même temporairement augmentée du fait de l’allongement de la durée de vie des molécules CH4. Par ailleurs, l’élévation de la proportion de l’hydrogène contribuerait à augmenter l’effet de serre en modifiant l’ozone troposphérique et les vapeurs d’eau dans l’atmosphère (durée de vie de 8 ans). En conséquence, l’étude de l’Université de Reading estime que le potentiel de réchauffement global de l’hydrogène sur 100 ans est le double de celui retenu aujourd’hui, soit 11 fois supérieur à celui du CO2.
L’hydrogène décarboné condamné ?
Faut-il condamner pour autant l’hydrogène décarboné ? Ce n’est pas la conclusion des chercheurs britanniques qui formulent déjà une recommandation : prendre conscience que les fuites sur toute la chaîne réduisent une partie des effets bénéfiques de l’exploitation massive de la molécule hydrogène.Il reste cependant toujours au crédit de cette solution les réductions des émissions de méthane, de monoxyde de carbone, de composés organiques volatils et d’oxydes d’azote qui jouent positivement sur le climat et la qualité de l’air. Dans une économie mondiale de l’énergie basée sur la molécule H2, avec un taux de 10 % de fuites, ce sont 95 millions de tonnes d’hydrogène qui seraient libérées par an dans l’air, dont 31 millions de tonnes pour la mobilité, si 50 % des carburants obtenus du pétrole étaient remplacés par l’hydrogène. Ce scénario éviterait néanmoins de relâcher sur la même période 43 millions de tonnes de méthane, 259 millions de tonnes de monoxyde de carbone, 19 millions de tonnes d’oxydes d’azote, et 25 millions de tonnes de CO2.
Traquer les fuites
Que préconisent les scientifiques de l’Université de Reading ? La traque des fuites d’hydrogène à tous les niveaux, depuis la production jusqu’à l’usage, en passant par le transport et la distribution. C’est Frazer-Nash Consultancy qui a été chargé d’évaluer les émissions intempestives. La société d’ingénierie britannique a également rendu dernièrement son rapport de 52 pages, intitulé « Fugitive hydrogen emissions in a future hydrogen economy » (Emissions fugitives d’hydrogène dans une future économie de l’hydrogène).Pour la Grande-Bretagne, il a été prévu à horizon 2050 une production d’hydrogène décarboné de 476 TWh par an, obtenue à 21 % par électrolyse + 79 % par craquage de la molécule de méthane ou biométhane avec récupération du CO2.
Focus sur le scénario britannique
Frazer-Nash Consultancy a travaillé à partir de ce scénario qui estime que 93 % de l’hydrogène produit sera acheminé via le réseau national de gaz, avec stockage dans des cavités salines à hauteur de 19 TWh + 1 TWh en surface. Environ 2 % du transport s’effectueraient par la route, moitié sous forme liquide, le reste à l’état gazeux. Les 5 % de l’hydrogène restant seraient consommés sur place.En utilisation principale de l’hydrogène outre-Manche dans 28 ans : chauffage des bâtiments professionnels et résidentiels (40 %, 190 TWh), production d’électricité via des turbines à gaz (22 %, 103 TWh), processus industriels (25 %, 121 TWh), mobilité (13 %, 62 TWh, 90 % par motorisation électrique alimentée via pile à combustible + 10 % par moteur thermique). Toute la chaîne a fait l’objet d’une estimation des fuites probables point par point. En tenant compte des opérations volontaires de purge et de ventilation, les émissions intempestives s’élèveraient à 9,20 % concernant la production par électrolyse. Mais le taux pourrait descendre à 0,52 % en recombinant totalement l’hydrogène issu de ces processus de nettoyage. Soit un pourcentage très proche de celui de l’hydrogène bleu et du craquage du biométhane (0,50 %).
Pour le transport, la palme reviendrait à l’usage de camions avec un produit sous forme liquide (13,2 %), contre 0,66 % à l’état gazeux. Les points d’injection et le réseau national de gaz afficheraient respectivement 0,48 et 0,53 %. Le stockage en surface connaîtrait 6,52 % de fuite, contre 0,06 % en exploitant des cavités salines.
La mobilité se distingue comme l’utilisation la plus émissive. En cas d'exploitation d'une pile à combustible, les chiffres oscillent entre 1,02 ou 2,64 %, selon récupération ou non de l’hydrogène dissipé par les opérations de purge et ventilation des piles. Les véhicules à moteur thermique fonctionnant à l’hydrogène seraient plus vertueux : 0,66 %. Pour les 2 architectures, il faudrait aussi tenir compte des pertes au niveau des stations d’avitaillement : 0,89 %. Le chauffage résidentiel, les processus industriels, et la production d’électricité par turbine à gaz révèleraient des taux modérés respectifs de 0,69 %, 0,50 % et 0,01 %.
Purge en ventilation : la fuite la plus courante
Selon les ingénieurs de Frazer-Nash Consultancy, les plus importantes sources de libération intempestive d’hydrogène dans l’air sont les opérations de ventilation (au lancement et à l’arrêt de la production ; sur contamination du circuit d’oxygène) et de purge (libération des impuretés) des systèmes, cette dernière pouvant atteindre les 10 %.Elles sont présentes dans les installations électrolytiques pour lesquelles le cabinet estime qu’une solution simple pourrait être déployée facilement avec la montée en puissance de cette technologie de production. Il s’agit de la recombinaison de l’hydrogène. Les rédacteurs comparent le fonctionnement des électrolyseurs avec celui des piles à combustible, également mauvaises élèves si elles sont dénuées de processus de recombinaison, et pour lesquelles des systèmes similaires pourraient être développés.
Les fuites dans les stations d’avitaillement proviendraient de la compression sur place et du stockage à court terme en surface. Frazer-Nash Consultancy attire l’attention sur le fait que la molécule d’hydrogène étant plus petite que celle de méthane, le réemploi du réseau de gaz naturel pour la distribution devra faire l’objet d’une attention particulière, notamment au niveau des joints du maillage en pipelines. Les volumes déjà existants des fuites en molécules CH4 seraient forcément plus importants avec les réseaux hydrogène. En 2050, si rien n’est fait, 174 000 tonnes d’hydrogène pourraient être libérées intempestivement à l’année dans l’air en Grande-Bretagne. Des chiffres qui ne tiennent pas compte de certains processus industriels, comme la production de chlore qui est très émettrice en hydrogène relâché dans l’atmosphère.
Sources :
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