Blue Spirit Aero : « L'avion à hydrogène est l'avenir des écoles de pilotage »

Blue Spirit Aero : « L'avion à hydrogène est l'avenir des écoles de pilotage »
L’entreprise française est en train de plancher sur le Dragonfly, son avion à hydrogène destiné à voler en conditions réelles dès 2026. Le fondateur de Blue Spirit Aero, Oliver Savin, est fier du parcours accompli depuis 2020. Rencontre avec ce fervent supporter de l’hydrogène depuis toujours.  

Comment avez-vous eu l’idée de faire voler un avion à l’hydrogène ?
 
Olivier Savin : Pour vous répondre, il faut vous expliquer un peu mon parcours. Je suis ingénieur en aéronautique et j’ai commencé ma carrière en Californie chez l’équipementier Honeywell. Dès mon premier projet, j’ai travaillé sur les applications de l’hydrogène-pile à combustible pour le spatial habité. Ça m’a tout de suite passionné, c’est pourquoi j’ai fait de l’hydrogène le fil conducteur de ma carrière. Et de ma vie personnelle, puisque je peux dire avec fierté que je suis aujourd’hui le seul particulier à posséder une voiture à hydrogène en France [la Toyota Mirai, ndlr] !
 
Au début des années 2000, je suis rentré en France pour intégrer le groupe Dassault Aviation, où j’ai longtemps poussé la problématique de l’hydrogène. Ça a été très difficile, mais j’ai beaucoup appris. Aujourd’hui, je sais ce qu’il est bon ou pas bon de faire avec l’hydrogène sur un avion. J’ai alors décidé en juillet 2020 de monter Blue Spirit Aero.
 
Parlez-nous un peu du Dragonfly !
 
O.S. : Le Dragonfly est un avion de quatre places au look assez singulier, puisque ce n’est pas un monomoteur comme on a l’habitude d’en voir. Il a été pensé en propulsion distribuée, avec douze petits moteurs répartis le long des ailes. Ce choix n’est pas esthétique, il répond à des contraintes techniques et physiques. Chaque moteur est constitué de sa propre chaine de traction à hydrogène intégrée dans un POD : un réservoir alimente une petite pile à combustible qui fait tourner le moteur, qui fait lui-même tourner une petite hélice.
 
Quels sont les avantages de répartir plusieurs moteurs le long des ailes plutôt que de les regrouper ?
 
O.S. : Cette redondance garantit une robustesse à la panne : si un des PODs tombe en panne, les onze autres restent fonctionnels et le vol peut continuer en toute sécurité. Et comme les PODs sont interchangeables, on peut déposer le POD défectueux et le remplacer en quelques minutes. C’est ça qui est révolutionnaire : avec le Dragonfly, une panne moteur n’est plus synonyme d’immobilisation de l’avion.



 
Qui sont vos partenaires dans la fabrication de l’avion à hydrogène ?
 
O.S. : Pour développer le Dragonfly, Blue Spirit Aero s’appuie sur deux piliers principaux : le numérique et les démonstrateurs. Notre partenaire essentiel pour la partie numérique est Dassault Systèmes, qui nous accompagne dans la démarche révolutionnaire de constituer un jumeau numérique du Dragonfly. C’est un modèle très détaillé de l’avion sous forme informatique, qui reconstitue chaque pièce avec une très haute-fidélité. Le moindre rivet est consigné avec sa densité, sa matière, sa maintenabilité, etc. Ce jumeau numérique nous permet de réduire drastiquement les coûts de développement en définissant exactement ce qu’il faut fabriquer.
 
Côté physique, nous avons la chance de compter sur des experts aéronautiques comme le Commissariat à l’Énergie Atomique pour les moteurs, notamment le site du Liten à Grenoble pour la pile à combustible et celui du Ripault pour les bouteilles sous pression. Le groupe Latécoère nous accompagne dans la fabrication de la cellule. Enfin, le centre français de recherche aérospatiale (ONERA), très avancé sur l’aérodynamique de pointe, est un partenaire de choix pour tous les essais physiques.




Conçu en partenariat avec Dassault Systèmes, le jumeau numérique du Dragonfly permet de réduire drastiquement les coûts de R&D
 
Où en est Blue Spirit Aero du développement du Dragonfly ?
 
O.S. : Le jumeau digital donne des images virtuelles très abouties qui nous permettent de nous projeter. Nous avons fait voler des piles à combustible, des bouteilles d’hydrogène pour tester leurs comportements vis-à-vis des contraintes de vol, des variations d’altitude, etc. Par ailleurs, nous avons construit une maquette à échelle 1:4 avec laquelle nous faisons actuellement des essais au sol. Les essais en soufflerie nous ont donné totale satisfaction. En somme, le développement avance bon train et on se destine à avoir un Proof of Concept fin 2023, qui rejoindra les aspects réels et virtuels du projet.
 
La fabrication des pièces commencera en 2024 et lorsque l’avion sera assemblé, nous partirons sur deux ans de vols d’essais pour certifier le Dragonfly, le sésame qui permet de commercialiser l’avion. Les premières livraisons sont toujours prévues début 2027, comme sur le planning initial, ce qui est incroyable !


Le Dragonfly à l'échelle 1-4.
 
À quels usages le Dragonfly est-il destiné ?
 
O.S. : Principalement au marché de l’aéroclub, et en premier lieu celui des écoles de pilotage. Les flottes sont vieillissantes, tous les avions qui volent aujourd’hui sont basés sur la technologie du moteur à piston qui date des années 50. Si elle fonctionne bien, cette technologie ne répond plus aux enjeux sociétaux de notre époque, car les avions rejettent énormément de CO2 et sont très bruyants.
 
Les aérodromes souffrent de la pression des riverains qui empêchent de plus en plus l’exploitation des avions à cause de ces nuisances : l’avion hydrogène apporte une solution idéale ! Enfin, le besoin en formation de pilotes se fait sentir car les gros avionneurs ont vendu des milliers d’appareils ces dernières années. Pour les former, il faut des avions comme le nôtre.
 
Quels sont les projets pour Blue Spirit Aero ?
 
O.S. : Notre ambition est de poursuivre le développement du Dragonfly et de signer nos premières lettres d’intention auprès d’écoles de pilotage en France, en Amérique et en Asie. Le marché de l’Inde en particulier est énorme : la compagnie nationale a annoncé récemment la prise de commande de 500 avions chez Airbus et Boeing, les écoles de formation indiennes sont donc à l’affût de nouveaux avions pour leurs pilotes. 

 
 



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