Bus et camions hydrogène : quels projets et retours d'expérience pour Schiever et la RATP ?

Mis à jour le 17.12.2023 à 16:18
Bus et camions hydrogène : quels projets et retours d'expérience pour Schiever et la RATP ?
Les usages de l’hydrogène dans la mobilité lourde font l’objet de nombreux projets en France. La RATP et le transporteur Schiever ont présenté leur état d’avancement, lors du 3e congrès Horizons Hydrogène, le 28 novembre dernier à Paris. Le rétrofit semble prometteur, les tests changent d’échelle.  
 
Le transport routier lourd, de fret comme de voyageurs, est sommé d’accélérer sa décarbonation et la réduction de ses polluants atmosphériques. Pour les gaz à effet de serre (GES) par exemple, les émissions des transports ont augmenté de 5 % en France, entre 1990 et 2022. Dans ce secteur, le seul a affiché une hausse de son empreinte carbone sur cette période selon l’ADEME, les émissions de GES du transport routier lourd ont progressé de 12,5 % ! Si le potentiel de l’hydrogène (vert) pour lutter contre le changement climatique et améliorer la qualité de l’air ne semble plus faire débat, ses usages dans la mobilité n’en sont qu’à ses débuts. Tenue à Paris le 28 novembre, la conférence sur ce thème a permis d’illustrer plusieurs de ses enjeux avec des exemples concrets.
 

Arguments en faveur du rétrofit

Un consensus s’est dégagé autour du rétrofit. Pour Raja Derham, responsable Projets et Transition énergétique du groupe de distribution Schiever, « il s’agit d’une solution rapide au regard des échéances fixées pour décarboner les flottes de véhicules lourds. Dans le transport routier de fret en France, le parc s’élève à plus de 600 000 poids lourds (fonctionnant à plus de 96 % au gazole B7, ndlr) ».
 
Pour la responsable, le seul renouvellement par des camions neufs ne permettra pas de décarboner ce parc rapidement. Le rétrofit, d’un moteur diesel vers une motorisation à hydrogène, « s’inscrit dans une logique d’économie circulaire », a-t-elle ajouté.
 
Un avis partagé par Nathalie Loch, Cheffe de projet auprès de l’Agence économique régionale Bourgogne Franche-Comté (AER BFC) : « Rares sinon existants sont les constructeurs de véhicules lourds neufs à hydrogène en Europe ».
 
De son côté, François Vauxion a souligné que, pour les bus urbains, « le rétrofit n’était pas toujours possible en raison de la répartition des masses. Les motorisations hybrides se prêtent mieux à ces conversions qui sont toujours prises en compte dans nos études ». Le délégué, en charge de l’Innovation et de la Transition énergétique au sein de la RATP, a évoqué aussi « la difficulté à bien cerner le modèle économique et le financement du rétrofit », pour pouvoir le comparer avec d’autres solutions.


Pile ou moteur hydrogène : quelles technologies ?

Plus hésitantes ont été les réponses sur le choix des technologies entre la pile à combustible et le moteur à combustion interne.
 
Les retours d’expérience sont insuffisants, selon Nathalie Loch : « A priori, les deux technologies sont complémentaires sachant que la pile à combustible semble difficile à déployer dans certains cas, comme l’off-road, en raison de son environnement difficile et poussiéreux. Le déploiement à grande échelle permettra d’évaluer, avec plus de précision, les coûts, la consommation ou la fiabilité de chacune de ces deux technologies ».
 
Pour acquérir ces éléments de comparaison, Schiever les testera en 2024 via le rétrofit de deux de ses poids lourds : l’un avec EHM et un moteur à combustion interne, l’autre avec RH2 sur la base d’une pile à combustible.
 
Dans le cadre d’une réflexion sur la substitution aux carburants fossiles pour sa flotte de camions, engagée depuis 2021, l’hydrogène a été retenu par le distributeur pour plusieurs raisons, rappelées par Raja Derham : « Notre parc est utilisé de façon intensive en 3x8. Il doit être toujours disponible avec une forte autonomie ce que l’électricité à batteries ne permet pas. En plus des temps de charge, le poids des batteries réduit considérablement la capacité utile des véhicules ».
 
Sous trois ans, Schiever prévoit de convertir 13 de ses 64 poids lourds 44 tonnes. Un autre argument économique, en faveur du rétrofit, a été confié par la responsable : « Le coût de la conversion avec EHM s’élève à environ 150 000 € pour une durée de vie de 4 ans, soit le prix d’un camion diesel, à comparer aussi avec le prix d’un poids lourd à hydrogène neuf de 500 000 à 600 000 € ».
 
D’ici fin 2024, le distributeur prévoit d’ouvrir, en parallèle, une station de production (de 2,5 MW), de stockage et de distribution d’ hydrogène vert sur son site de Magny dans l’Yonne. Cette station sera publique, a précisé Raja Derham.


Déploiements prévus par la RATP

Acquérir de l’expérience est aussi la finalité des projets menés par la RATP sur la base de piles à combustible. Depuis fin 2021, la Régie exploite déjà un bus à hydrogène Caetano sur le réseau urbain de la Roche-sur-Yon, ainsi qu’une station multi-énergies distribuant de l’hydrogène vert, produit localement par Lhyfe.
 
En octobre 2020 et février 2021, la RATP a mené, en outre, des tests de bus à hydrogène en Ile-de-France avec Air Liquide, ainsi que les constructeurs Caetano et Solaris.
 
« Les bus à hydrogène fonctionnent. Nos expérimentations visent désormais à définir et à évaluer l’écosystème nécessaire pour l’exploitation de flottes plus importantes, ainsi que leur fiabilité sur la durée », a expliqué François Vauxion. Tels sont les objectifs poursuivis par le déploiement prochain de 47 bus à hydrogène par Ile-de-France Mobilités, avec le concours de la RATP. Les 17 premiers, prévus dès 2024, seront exploités à Créteil avec un électrolyseur, alimenté par la combustion de déchets ménagers, géré par Suez.
 
Les 30 autres, livrés entre 2024 et 2026, circuleront au sein d’une intercommunalité de 11 villes autour de Montrouge, Bagneux, Sceaux… Ils seront alimentés par deux sites de production d’hydrogène vert, conçus avec d’Hynamics.
 
A noter qu’Ile-de-France Mobilités exploite depuis 2019, 7 bus à hydrogène de marques Van Hool et Safra autour de Versailles, Jouy-en-Josas et Satory-Viroflay.

 
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