Interview : Orange mise sur l'hydrogène pour décarboner sa flotte

Interview : Orange mise sur l'hydrogène pour décarboner sa flotte
Orange mène une politique environnementale ambitieuse afin de réduire son impact carbone. Pour cela, le groupe suit plusieurs axes, notamment l’électrification de sa flotte de véhicules. Cependant, l’autonomie des véhicules électriques n’étant pas suffisante sur certains types de trajets, l’entreprise s’est tournée vers l’hydrogène. Rencontre avec Philippe Tuzzolino, Directeur Environnement d’Orange, et Alexandre Nepveu, Gestionnaire de la flotte, pour discuter de leurs choix en matière de mobilité décarbonée.
 
Quelle est la stratégie environnementale d’Orange ?

Philippe Tuzzolino : Dans la trajectoire de l’accord de Paris, Orange s’est engagée à atteindre la neutralité carbone d’ici 2040. Pour être conformes à ces objectifs, nous devons réduire d'au moins 90 % les émissions de CO2. Ces émissions se répartissent entre les émissions directes, qui incluent les bâtiments (14%), les flottes (6%), et le réseau (80%), et les émissions indirectes, qui englobent toute la chaîne des fournisseurs, équipements, transport des salariés, etc. Nous avons défini des objectifs spécifiques par métier, afin que l’ensemble des émissions carbone du groupe baissent considérablement.

Quels sont les objectifs d’Orange pour décarboner la partie transports ?
 
P.T. : Le but est de réduire de 80 % les émissions de CO2 de notre flotte de véhicules avant 2040. Mais atteindre cet objectif s'annonce de plus en plus complexe, notamment avec les Zones à Faibles Émissions (ZFE) et la fin des véhicules thermiques.
 
Nous comptons 14 500 véhicules en France et 17 000 dans l'ensemble du groupe, répartis dans 27 pays. D'ici 2025, nous visons une électrification de 25 % du parc. Cependant, la transition vers l'électrique ne suffit pas, car nos trajets sont très variés, et nous avons parfois besoin de véhicules avec une autonomie importante.
 
Pour les véhicules plus lourds et spécifiques, nous pensons que l'hydrogène peut être une solution. C’est pourquoi en 2021, nous avons lancé une expérience avec trois véhicules. Mais en tant qu'opérateur, près de 80 % de nos émissions proviennent de nos prestataires. Nous devons donc les encourager à passer aux carburants alternatifs, et nous prenons ce rôle de prescripteur très à cœur.
 

Quels sont les déploiements existants de véhicules électriques au sein d’Orange ?

Alexandre Nepveu : À ce jour, plus de 30 % de nos véhicules sont soit électriques, soit hybrides rechargeables, soit hybrides non-rechargeables - 3 300 véhicules au total. Nous disposons de 850 véhicules entièrement électriques, et ce nombre devrait augmenter, car 51% des commandes pour 2023 sont de ce type.

Nous avons vraiment engagé l'entreprise dans une transformation de notre parc vers une électrification totale. Nous nous appuyons sur notre flotte de 3 600 véhicules 100 % électriques en autopartage, utilisés à des fins professionnelles ou privées payantes. Si un commercial ou un technicien parcourt moins de 80 km par jour ou n'a jamais dépassé les 250 km en une journée, il est éligible à un véhicule électrique. De plus, nous avons mis en place un réseau de bornes de recharge sur nos différents sites.
 
Orange est en train de tester des véhicules à hydrogène. Quels modèles avez-vous choisi pour cette expérimentation ?

A.N. : Nous avons toujours été très innovants en ce qui concerne la mise à disposition de véhicules, il était donc naturel pour nous de tester ces technologies. Nous avons un Peugeot e-Expert en exploitation depuis avril 2023 en Île-de-France. Il s'agit d'un véhicule hybride rechargeable, avec une pile à combustible et des réservoirs à hydrogène situés sous le plancher.
 
Un Master Hyvia nous a aussi été prêté en juillet pour des tests à Lyon, équipé de réservoirs et d'une pile à combustible situés sur le toit. Mais il est encore un peu tôt pour tirer des conclusions de ces essais.

Qu’est-ce qui vous a poussé à vous tourner vers la technologie hydrogène ? Quelle complémentarité avec l’électrique à batteries ?

A.N. : Notre flotte d’utilitaires est principalement composée de véhicules essence ou diesel, car le catalogue des constructeurs offre peu d'options de véhicules propres. Nous commençons à voir apparaître quelques modèles avec une plus grande autonomie, mais en général, ils offrent entre 150 et 200 km d'autonomie, ce qui ne correspond pas à notre utilisation.
 
Ce qui nous a poussés à tester les véhicules à hydrogène, c'est la promesse d'une autonomie allant jusqu'à 400 km. Les stations d'hydrogène ne sont pas très répandues, mais deux régions sont en avance : la région lyonnaise/Rhône-Alpes et l'Île-de-France. Nous avons donc choisi d’essayer l’hydrogène dans ces deux régions car elles sont capables de répondre aux exigences de rechargement des véhicules, notamment le fait d'avoir des chargeurs de 700 bars de pression. À l'avenir, nous aurons besoin d' hydrogène vert pour atteindre nos objectifs de décarbonation.


Le Volkswagen I.D Buzz aux côtés du Peugeot e-Expert à hydrogène
 

Pourriez-vous partager vos premières impressions ?

A.N. : Il a fallu à nos testeurs, tous volontaires, un certain temps pour s'approprier la manière de faire le plein, trouver une station ouverte et fonctionnelle, etc. Les constructeurs aussi sont en phase d'apprentissage, et nous avons rencontré quelques problèmes au départ, comme des trappes qui ne s'ouvraient pas, etc.
 
Chaque constructeur a mis en place des « flying doctors » que nous pouvons appeler en cas de problème. En fait, nous sommes tous en mode découverte ! Pour l'instant, l'autonomie semble être au rendez-vous, même si nous n'avons pas encore suffisamment de recul.
 

Quelles sont les réactions en interne face à l’utilisation de l’hydrogène comme carburant ?

P.T. : Il y a des idées reçues sur le fait que l’hydrogène serait difficile à utiliser, qu’il aurait un mauvais rendement, etc.. Étonnamment, de nombreuses personnes ne croient pas en cette technologie. Cependant, le potentiel est très prometteur. La France a placé l'hydrogène parmi ses priorités, il existe une collaboration franco-allemande sur ce sujet, et de nombreuses entreprises se sont engagées. La technologie n'est pas figée et évolue rapidement. Dans le personnel, certains pensent, par exemple, que l’hydrogène pollue.
 
A.N. : D'autres croient que cela peut être dangereux, donc nous devons rassurer nos collaborateurs. Heureusement, chez Orange, de nombreux employés sont intéressés par les innovations.
 
Nous n'avons pas eu de difficultés à trouver des volontaires pour les tests, mais le passage du thermique à l'électrique représente forcément un changement majeur. Nous devons donc éduquer, expliquer comment conduire un véhicule électrique, mettre en place des formations pour apprendre à conduire sans boîte de vitesses, à optimiser la récupération d'énergie, à comprendre les règles de conduite pour ces véhicules, etc. La conduite du changement est un enjeu très important pour nous.


 

Quelles sont les prochaines étapes concernant la mobilité décarbonée chez Orange ?

A.N. : Tout d'abord, nous ferons un retour d'expérience sur ces deux expérimentations de l’hydrogène. Ensuite, nous devons progresser sur la politique de véhicules en ajoutant des véhicules de plus en plus efficaces au catalogue.
 
En ce qui concerne la mobilité, nous mettons en place de nombreuses incitations pour nos employés, que ce soit en participant à leurs déplacements, en encourageant les modes de transport doux ou le covoiturage pour les trajets domicile-travail et les déplacements professionnels.
 
P.T. : Nous examinons toutes les technologies, y compris l'hydrogène liquide, qui pourrait être intéressant pour décarboner de gros systèmes.
 
Au sein de notre filiale Orange Marine par exemple, qui opère plusieurs navires câbliers, l’ hydrogène liquide sera sûrement une solution adéquate pour motoriser les bateaux et les équipements portuaires.
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