Fleasy veut faire décoller ses drones hydrogène sur les aires d'autoroutes

Fleasy veut faire décoller ses drones hydrogène sur les aires d'autoroutes
Lors de la séance de questions/réponses qui a suivi la conférence Internet sur l’autoroute H2 Lyon-Turin, Jérôme Persiani a interpelé les porteurs du projet sur la possibilité que la station de Freney-Modane puisse avitailler son avion électrique à pile hydrogène. Intrigués par cette demande autant judicieuse qu’originale, nous l’avons contacté pour en savoir davantage. Aux lecteurs de H2-Mobile, il explique.
 
Le rituel du décollage du Fleasy One est étonnant. Lors de l’embarquement des passagers, la cabine d’une forme entre un cigare et un œuf est à l’horizontale. Après une rotation de 90 degrés qui lui donne alors un peu l’air d’une fusée, l’appareil peut décoller, avec les huit hélices qui aspirent l’air d’en haut. C’est ensuite la structure complète qui pivote pour fendre l’air jusqu’à une vitesse de pointe de 350 km/h, ou, plus sagement, de 300 km/h en croisière.
 
Alors : avion, hélicoptère, drone, ou autre ? « Je ne vois pas ‘drone’ comme une insulte. Nous en avons d’ailleurs fabriqué. C’est devenu une appellation un peu fourre-tout dans laquelle on classe des appareils qui ne sont pas tout à fait des hélicoptères ou des avions classiques. Nous travaillons à obtenir pour le Fleasy One la certification avion », répond Jérôme Persiani, président cofondateur. C’est aussi une question de design et de technique : « Notre appareil est vraiment un avion. Il vole comme un avion car il est porté par ses ailes, et non par les rotors. D’où un gain en efficacité. Cette architecture permet de consommer 30 % d’énergie en moins pour la sustentation et de la consacrer à la propulsion ».


 

Un appareil sécurisé

Une cabine qui pivote, ce n’est pas très courant : « Un hélicoptère américain a été conçu avec des rotors qui pivotent en vol. Le moindre problème de synchronisation et c’est l’accident. Dans notre solution, c’est toute la structure qui bascule. Les sièges sont suspendus et prennent leur place par gravité ».
 
Le volet sécurité a bien été étudié : « Mon métier de base, c’est la garantie mécanique. Donc les soucis à ce niveau, je sais que ça existe. Nous avons cherché à éliminer les problèmes de fragilité. Si un des huit moteurs tombe en panne, pour symétrie, on coupe celui à l’opposé. Même chose si un deuxième s’arrête anormalement. Dans le cas où un troisième lâche, il reste la possibilité de faire planer l’appareil. Pour les situations les plus critiques, on a un parachute de cabine, comme ça commence à se développer sur la petite aviation ».
 
Le projet du Fleasy One a démarré en 2016 : « C’est grâce à mon associé qui bossait auparavant dans une grosse boîte d’aéronautique. Il m’a proposé plein d’idées. Pour celui du Fleasy One, il m’a convaincu en me disant que depuis le jardin d’une maison à Lyon on pourrait être au bureau à Genève dans les 20 minutes ».
 

Le choix de l’hydrogène…

C’est le besoin en performances qui a guidé le choix de l’électrique à pile hydrogène : « Nous voulions être certains de pouvoir disposer d’une autonomie de l’ordre de 1 000 km en volant à 300 km/h. Nous pensons même pouvoir faire un peu mieux. Et ce, afin de proposer un appareil parfaitement exploitable pour des besoins importants de déplacements. Impossible avec l’électrique à batterie. On aurait alors obtenu une heure d’autonomie avec un décollage classique, et 20-30 minutes sur un appareil qui prend son envol à la verticale ».
 
Jérôme Persiani évoque une volonté « de complémentarité aux modes de transport urbain » : « En ville, rien n’est plus efficace que le métro. Sorti de ce cadre, c’est l’avion si on ne compte pas les temps de chargement et débarquement entre autres. Le Fleasy One serait zéro émission, comme le métro ».
 

…et d’une pile turbocompressée à haute température

L’avion H2 d’un nouveau genre embarquera une pile à combustible de type turbocompressée à haute température. Un choix qui n’a rien du hasard : « La haute température apporte deux choses. D’abord de la légèreté, car il n’y a pas besoin de prévoir un système de refroidissement à bord. Ensuite, quand une pile classique s’emballe, c’est un peu la fin des haricots. Nous aurons dans le Fleasy One 20 cellules différentes pour l’alimentation. Même en cas de chauffe, elles continueront à fournir de l’électricité ».
 
Et le fait que la PAC soit turbocompressée ? « Il s’agit de pousser de l’air dans le système afin de bénéficier de la même efficacité au sol comme à 4 000 m qui correspond à l’altitude de vol ». L’appareil fonctionnera avec de l’hydrogène liquide : « Dans un avion, le poids est un ennemi. Par rapport à un réservoir cryogénique et pour la même quantité d’énergie, on serait à 3 fois plus lourd avec la haute pression ».
 
Jérôme Persiani, Président-Fondateur de Fleasy

Transport de passagers

« Après avoir pensé à un appareil pour deux personnes en tout, nous sommes partis sur un prototype avec un pilote et quatre passagers. Ce qui est commercialement plus intéressant pour les opérateurs. Nous reviendrons plus tard sur une version plus petite toujours souhaitée chez nous ».
 
Le Fleasy One remplacerait l’hélicoptère pour de nombreuses applications : « Ainsi avec un niveau sonore bien moins important, de l’ordre de 60 dB, soit le bruit de l’ambiance d’une rue. Ce serait pour le tourisme grâce à la grande bulle vitrée et de possibles moments en stationnaire lors des baptêmes de l’air, les vols d’affaires, et l’aménagement du territoire ». Sur ce dernier point, Jérôme Persiani nous donne un exemple précis et concret : « Nous venons de la région Centre qui s’est illustrée par l’affrètement de jets privés pour transporter des médecins en raison des déserts médicaux sur le territoire. Avec un appareil comme le nôtre, ce dernier besoin pourrait être couvert de façon plus habituelle, permettant la mise en place de permanences régulières ».
 
La ligne profiterait à davantage de personnes : « A l’aller, le médecin serait transporté, le vol du retour permettant d’acheminer dans un centre médical deux ou trois personnes pour des dialyses ou de la chimio. Ces patients n’auraient alors à ne subir que 30 minutes de vol contre de l’ordre de trois heures en taxi ».
 

Utilitaire

L’équipe de Fleasy envisage aussi de multiples usages en utilitaire : « La masse d’emport maximale est de 500 kg. Avec un appareil d’une envergure de 9 m, on peut se poser sur une surface dégagée, pas forcément goudronnée, de 10 m. Ainsi au sein d’un site industriel ou d’une plateforme offshore en cas d’un besoin urgent pour apporter une pièce nécessaire à faire repartir une machine à l’arrêt. Egalement pour des livraisons à la montagne ».
 
Jérôme Persiani a aussi pensé aux situations d’urgence quand il n’y a plus d’infrastructures pour desservir les populations et à des usages de secours : « Notre appareil pourrait acheminer des vivres, des médicaments, des vaccins, des organes pour des greffes et du sang. Dans le cas d’une évacuation sanitaire de dernière minute, la cellule pourrait être reconfigurée pour, en plus du pilote, embarquer une civière et un ou deux accompagnateurs ».
 
Les entreprises de la logistique pourraient également y voir un intérêt : « Les opérateurs de fret s’appuient souvent sur des hubs. Fleasy One déplacerait des marchandises et colis urgents de l’un vers un autre ».
 

Avitaillement

Pour un projet comme celui d’avion à décollage vertical et pile hydrogène, une vision assez claire des possibilités d’avitaillement est importante : « C’est une partie coûteuse. C’est pourquoi la mutualisation de ces infrastructures est importante. Les aéroports sont déjà sur le sujet, aussi bien pour les avions que pour les autres modes de transport. Au-delà du SAF, l’hydrogène est la seule vraie solution pour aboutir à une aviation décarbonée ».
 
D’une certaine manière, Jérôme Persiani est un peu venu avec son bâton de pèlerin au webinaire organisé par HYmpulsion le mercredi 12 juillet 2023 : « J’avais reçu l’invitation d’un concessionnaire d’autoroutes à y participer. Les gérants d’infrastructures se posent des questions pour faire renaître la multimobilité. Difficile de détourner un train pour qu’il fasse le plein sur une aire d’autoroute. C’est en revanche très facile pour un avion à atterrissage vertical comme le nôtre ».
 
Quels seraient concrètement les besoins ? « Pour notre Fleasy One, il faudrait une piste d’atterrissage dégagée un peu à l’écart de 10 x 10 m, avec une canalisation amenant l’hydrogène. Ce n’est pas ce qui coûterait le plus cher et cela amortirait plus vite l’investissement global de la station. S’y ajouterait un système pour la liquéfaction à brancher derrière l’installation classique. Ca non plus, ce n’est pas très coûteux au regard de l’enveloppe total pour le site ».
 

Feuille de route

D’ici quelques années, le Fleasy One pourrait rejoindre les premiers clients opérateurs : « Nous en sommes actuellement à un proto de 3 mètres d’envergure. L’important gap que nous avons actuellement à franchir est de le passer à l’hydrogène. Les premiers vols d’essai sont programmés en 2027. Nous travaillons déjà avec les autorités de certification pour commencer à livrer en 2028 ou 2029 ».
 
Quels clients potentiels ? « Par exemple Babcock qui met à disposition du Samu des hélicoptères, ou Green Aerolease qui fournit aux clubs et collectivités des avions bas-carbone. Dans le cadre de l’aménagement du territoire, pour réduire les zones blanches ou grises autrement que par le train ou des autoroutes, des collectivités pourraient être intéressées par notre appareil. De façon plus marginale, nous devrions aussi avoir quelques personnes qui utilisent de temps en temps un hélicoptère ».
 
En conclusion, Jérôme Persiani insiste sur deux points : « L’écologie doit faire envie et ne pas être punitive. On a tout à gagner de proposer une transition apparaissant désirable. Nous allons construire une belle machine qui fera envie ». Le second point concerne les infrastructures d’avitaillement : « Pour réussir leur financement, il faut penser collectif, ce qui implique une mutualisation des infrastructures »
 
H2 Mobile et moi-même remercions beaucoup pour sa réactivité et pour sa présentation très complète du projet Fleasy One.
 
 
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