Hydrogène : la filière française confirme une trajectoire ambitieuse

Hydrogène : la filière française confirme une trajectoire ambitieuse
Pour faire suite à son étude intitulée « Trajectoire pour une grande ambition hydrogène » et présentée en septembre 2021, France Hydrogène vient de livrer un document d’évaluation de ses perspectives 2030 face aux réalités du terrain. Pour ce second volet, l’association a donc cherché à recenser dans les régions les projets viables et bien engagés du côté des collectivités et des industriels. Voici ce qu’il y a à retenir plus particulièrement pour la mobilité.
 

Le très probable scénario Ambition+

Dans son étude initiale, France Hydrogène avait imaginé 2 scénarios : Ambition et Ambition+. Plutôt prudent, le premier affichait pour 2030 une consommation annuelle de 680 000 tonnes d’hydrogène de sources renouvelables dans l’Hexagone, contre 1 090 000 avec le plus optimiste.
 
Après avoir effectué un petit ménage afin d’éliminer d’éventuels doublons et programmes un peu trop incertains, l’association a retenu 250 projets qui totaliseraient à l’échéance retenue 1 070 000 tonnes d’hydrogène en tenant tous leurs promesses. Concrètement, les travaux en cours semblent donc confirmer l’objectif du scénario Ambition+. C’est au niveau de la répartition des 3 usages (industries, mobilités, énergie) que les différences s’alignent. Ce qui souligne le bien-fondé de la démarche de France Hydrogène.


 

Industries 

L’emploi de l’hydrogène renouvelable est d’abord vu comme un moyen de décarboner l’industrie. Les 250 projets montrent que les chiffres des scénarios Ambition (475 000 tonnes) et Ambitions+ (635 000 t) seraient très largement dépassés : 815 000 t.
 
L’enquête réalisée par France Hydrogène a également permis de mettre au jour que plus de la moitié de la production (425 000 tonnes) affectée à l’industrie se retrouverait consommée pour former des molécules de synthèse, et notamment pour au final alimenter de façon indirecte le secteur des transports. Ainsi pour 165 000 t de e-carburants de type SAF (Sustainable Aviation Fuel) ou e-kérosène. Le e-méthanol compterait pour 205 000 tonnes. Pour ce poste, France Hydrogène avait avancé des chiffres bien plus timides : 56 000 t (Ambition) et 92 000 t (Ambition+).
 
Les projections pour la sidérurgie sont aussi dépassées : 250 000 t, contre respectivement 162 000 et 205 000 t. En revanche, les parts réservées au raffinage (50 000 t selon les 250 projets, contre 121 000 et 145 000 t estimées en septembre 2021), et à la production d’ammoniac (20 000 t, contre 124 000 et 170 000 t) apparaissent bien moindres.


 

Energie

L’énergie constitue un autre usage de l’hydrogène. Les projections pour 2030 s’appuyant sur les projets retenus par France Hydrogène ne valide pas vraiment les scénarios envisagés : 25 000 tonnes par an, contre 45 000 t estimés pour Ambition et 130 000 t avec Ambition+.
 
La production d’électricité et de chaleur et le soutien des réseaux par l’hydrogène renouvelable s’annoncent donc très nettement en retrait. « Concernant les services au réseau, les opérateurs l’envisagent, mais ils n’ont pas été placés dans la stratégie nationale », a expliqué Philippe Boucly.
 
France Hydrogène suggère d’encourager et de poursuivre les expérimentations qui vont dans le sens de l’exploitation de l’hydrogène pour le développement énergétique. L’association estime important de favoriser la connexion au réseau dans les projets d’électrolyseurs et appels d’offre pour la production d’hydrogène.
 

Mobilités : trois territoires précurseurs

Sans oublier que les chiffres plus élevés pour l’industrie cachent une part importante en usage final comme carburants de synthèse, le total des consommations tirées des projets directement axés sur les mobilités H2 (230 000 t) s’inscrit entre l’estimation Ambition (160 000 t) et Ambition+ (325 000 t). Trois territoires régionaux se détachent nettement des autres.
 

Ile-de-France

Tout d’abord l’Ile-de-France avec une consommation estimée pour 2030 légèrement supérieure à 50 000 t d’hydrogène par an pour un volume de 49 000 t produits sur place. Avec le second volet de son étude, France Hydrogène a établi un jeu de fiches par région, qui recensent au total 225 stations d’avitaillement pour 2025 en comptant celles déjà en service et celles en projet.
 
La fiche pour l’IDF annonce 50 stations, et une mobilité axée sur le terrestre et le fluvial du fait de sa situation en carrefours. Doté d’une capacité de 1 tonne par jour (2,5 MW), le site de production qui ouvrira dans les mois à venir à Saint-Cloud sera alors l’un des plus grands d’Europe. La région se distingue par un déploiement rapide des stations dédiées aux véhicules légers - taxis et utilitaires. L’Ile-de-France travaille de concert avec la Normandie et l’Etat dans le cadre de la création d’un couloir en vallée de la Seine.


 

Auvergne-Rhône-Alpes

Si l’Auvergne-Rhône-Alpes se classe en numéro 2 au sujet de la consommation d’hydrogène renouvelable pour la mobilité à horizon 2030 avec environ 28 000 tonnes par an, elle dépasse de beaucoup les capacités de production de l’Ile-de-France à la même échéance : 161 000 t.

En 2025, ce territoire compterait 34 stations d’avitaillement. L’amorçage de l’exploitation des véhicules H2 lourds et légers a déjà commencé ici. A travers le programme Zero Emission Valley initié en 2017, c’est tout en écosystème qui va être déployé, comprenant une vingtaine de stations, 3 électrolyseurs et 500 véhicules.
 
Comme en IDF, des bus H2 sont annoncés. L’Auvergne-Rhône-Alpes fait aussi dans l’originalité en projetant l’emploi de dameuses, d’autocars rétrofités et de rames TER bimodes H2/électricité pour des lignes ferrées non électrifiées. Il existe sur ce territoire un projet de corridor hydrogène pour le fret routier.


 

Occitanie

Troisième région à se distinguer par son niveau de consommation d’hydrogène à venir pour la mobilité : l’Occitanie, avec environ 25 000 tonnes. Les capacités de production locales s’élèveraient à 55 000 tonnes à l’année. Le maillage d’avitaillement atteindrait les 26 stations en 2025, puis 55 sites 5 ans plus tard pour accueillir quelque 3 000 véhicules.
 
Le dynamisme autour de la molécule H2 est entretenu en Occitanie par un programme enclenché en 2019. Il est doté d’une enveloppe de 150 millions d’euros à exploiter sur 10 ans.
 
La mobilité à hydrogène prend aussi sur ce territoire des directions variées, en particulier pour des engins lourds. Les 3 rames TER bimodes en font partie, mais aussi une drague hybride (HydrOMer) pour une application maritime et deux programmes spécifiques à l’aviation (Airbus ZEROe et MAELE).


 

Toutes les régions participent selon leur configuration

A part la Bretagne et la Normandie (environ 18 000 tonnes chacune) au coude à coude et un peu plus avancées en matière de projections de consommation d’hydrogène renouvelable pour la mobilité à horizon 2030, les autres territoires affichent des chiffres qui tournent autour des 10 000 tonnes à l’année.
 
En lanterne rouge, mais juste à ce niveau : Région Sud, avec une identité plus particulièrement industrielle et portuaire. Le territoire ne l’est en revanche pas du tout concernant ses projections de production (183 000 t), pas loin de 4 fois celles d’IDF. Il est question de nombreux bus, camions, bennes à ordures ménagères, bateaux maritimes et fluviaux. Mais seulement 15 stations d’avitaillement retenues par France Hydrogène.

Globalement, la mobilité

Lors de la présentation à la presse du second volet de l’étude, Philippe Boucly, a mis en évidence toute la diversité qu’est en train d’adopter la mobilité H2 dans l’Hexagone. « 60 bennes à ordures et 230 bus sont en cours de déploiement à très court terme » a-t-il chiffré. Le nombre de ces derniers devrait même atteindre le millier d’ici 2026.
 
Le président de France Hydrogène a aussi mis en avant tous les engins lourds off-road qui vont se multiplier pour les besoins des chantiers, des travaux publics et de l’agriculture. Quatre régions ont déjà commandé un total de 14 rames pour le réseau ferré. « Il y a 34 lignes pertinentes, ce qui pourrait représenter 250 trains hydrogène à horizon 2030. Comme les rames ont des durées de vie normalement longues, le rétrofit permettrait d’adopter l’hydrogène sans avoir à acheter du matériel neuf », a souligné Philippe Boucly. « Pour le maritime, les opérateurs s’interrogent encore sur le produit à utiliser : ammoniac, méthanol, hydrogène gazeux voire liquide… », a-t-il poursuivi.
 

Préconisation pour la mobilité

Les bateaux et l’aviation nécessitent encore des sauts technologiques importants. Pour ces derniers, le court terme prend la couleur des carburants de synthèse.
 
France Hydrogène préconise d’« appuyer et sécuriser le déploiement de capacités de production de carburants de synthèse à destination des secteurs maritime et aéronautique ». L’association propose également de « poursuivre et soutenir les travaux de groupes de travail portant sur l’adaptation des infrastructures aéroportuaires à l’hydrogène en tant que nouveau vecteur énergétique ».
 
Concernant la mobilité routière, France Hydrogène se réjouit des avancées effectuées grâce aux financements distribués dans le cadre des projets importants d’intérêt européen commun. Ce qui a permis de constituer une offre en véhicules H2. Il y a par exemple « 6 constructeurs de bus hydrogène en Europe ». Du côté des utilitaires, Stellantis et Renault à travers Hyvia, ont lancé la production de modèles à pile à combustible.


 

Amorcer la pompe des commandes

France Hydrogène espère désormais amorcer la mise en circulation des utilitaires à pile à combustible en mettant en place des mécanismes de soutien orientés vers leurs détenteurs. Ainsi pour les 50 000 premiers exemplaires à mettre en circulation à horizon 2026.
 
L’effet de masse permettrait de faire baisser naturellement les prix, et de parvenir à une flotte française de 250 000 à 350 000 VE H2 en 2030. Les premiers adoptants ne seraient pas sanctionnés sur le reste à charge entre un modèle diesel et son équivalent hydrogène avec une aide financière en rapport. Lors de la conférence de presse, Philippe Boucly a aussi recommandé de « mieux coordonner les commandes publiques et les commandes privées ».
 
 
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