Rétrofit : un tracteur agricole à hydrogène pour Charier

Mis à jour le 02.04.2022 à 19:58
Rétrofit : un tracteur agricole à hydrogène pour Charier
Il ne manque plus que quelques composants du système d’alimentation en hydrogène pour que le tracteur distingué en 2022 par les Trophées des TP soit opérationnel. Arnault Peugniez et Jérémy Cantin nous expliquent ce rétrofit très particulier.
 
À y regarder de plus près, il n’est finalement pas si étonnant que l’entreprise Charier se présente comme une pionnière de la mobilité hydrogène des gros engins. Son parcours est atypique à plus d’un titre. Ses origines, déjà, remontent à environ 125 ans. Et ce sont toujours des membres de la famille (5e génération) qui assurent la gouvernance de la structure, à l’origine familiale, devenue société anonyme à directoire en 2005. Les 1 700 collaborateurs portent un chiffre d’affaires de 330 millions d’euros enregistré en 2021. Charier intervient dans différents secteurs, plus particulièrement en rapport avec les travaux publics (grands terrassements, génie civil, constructions de routes, démolitions de bâtiments, etc.). « L’entreprise à une politique RSE très forte, avec déjà beaucoup d’actions engagées », lance Arnault Peugniez, directeur Matériel et Achats pour Charier.
 
En 2020, Charier a ouvert son nouveau siège social à Couëron, à l’ouest de Nantes, en Loire-Atlantique. Les bâtiments constituent un véritable démonstrateur. Arnault Peugniez nous liste quelques-unes de leurs caractéristiques : « Label Passivhaus, des panneaux photovoltaïques en toiture, pas de chauffage, une eau chaude obtenue de solives avec serpentins dans l’enrobé, etc. Tout cela s’inscrit dans nos objectifs de réduire de 50 % les émissions de CO2 d'ici à 2030 ». Pour la mobilité, Charier propose depuis quelques années, sur la base du volontariat, le passage à l’électrique des véhicules de fonction. « Aujourd’hui, une voiture sur deux renouvelées est électrique, avec une mise à disposition 25 jours par an d’un modèle thermique pour partir en vacances. Des bornes de recharge sont installées au domicile des collaborateurs. Tout est fait pour faciliter la transition », commente-t-il.
 
Pourquoi le rétrofit ? « Les constructeurs ne peuvent aujourd’hui répondre à nos besoins en véhicules de travaux publics fonctionnant à l’hydrogène. Par le rétrofit, nous avons voulu montrer que nous sommes engagés et que nous avons des attentes fortes sur le sujet. Même si un modèle hydrogène coûte 3 à 4 fois plus cher à exploiter qu’un équivalent diesel », explique Arnault Peugniez. « Quand le projet a démarré mi-2020, notre volonté était de convertir 2 véhicules : un tracteur agricole et une pelle à chenille de 20 tonnes. Pour cette dernière, nous nous sommes vite heurtés au problème de l’avitaillement en hydrogène sur les chantiers. Pas question de transporter l’engin tous les jours avec un porte-chars pour faire le plein des réservoirs », raconte-t-il. « Même si ce projet est actuellement en stand-by, nous espérons pouvoir le mener à bien ultérieurement. En revanche, le tracteur peut se rendre lui-même par la route à la station d’avitaillement », compare-t-il.

Une station sur mesure

« Pour l’avitaillement du tracteur en hydrogène, les entreprises contactées souhaitaient surtout nous vendre une station à 500 000 euros ou à 1 million. À l’exception de la société Europe Technologies [NDLR : Siége à Carquefou (44)] qui nous a proposé une solution intéressante : développer une architecture mobile avec une facturation à la consommation », détaille Arnault Peugniez.

« Nous avons signé avec eux. La station prend place dans un conteneur déposé à notre agence de La Turballe. Elle délivrera de l’ hydrogène vert fourni par l’entreprise nantaise Lhyfe à partir de son électrolyseur de Bouin, en Vendée. Un camion transportera chaque semaine le conteneur pour effectuer le plein en hydrogène [NDLR : Distance La Turballe jusqu'à Bouin = 75 km] », poursuit-il. « Cette station dite mobile a cependant nécessité quelques travaux de génie civil. Notamment l’érection de murs d’une certaine hauteur pour la sécurité. Pour le stockage de l’hydrogène, le conteneur abrite une cascade de bouteilles reliées les unes aux autres », précise-t-il.


 

Pour le transport de blocs en béton

A quoi peut bien servir un tracteur agricole à hydrogène chez Charier ? « Ce tracteur a été initialement converti pour transporter sans émission 4 000 blocs de béton en tétraèdre pour réaliser l’extension du port de La Turballe. Cette dernière servira à la maintenance des éoliennes offshores. Le chantier se situe à 3,5 km de notre agence », répond Arnault Peugniez.

« Selon le calendrier, le tracteur aurait dû être opérationnel en août 2021. A cause des retards, nous avons dû commencer sans lui. Il servira dans d’autres chantiers pour lesquels les maîtres d’œuvre seront prêts à payer plus cher pour disposer de solutions décarbonées. Pour l’instant, nous ne recevons pas encore beaucoup de demandes en ce sens », admet-il. « Le budget de notre projet de conversion s’élève à 350 000 euros. Nous avons bénéficié d’une aide de 140 000 euros de la région des Pays de la Loire dans le cadre d’une convention chantier à zéro émission », chiffre-t-il.
 

Lauréat des Trophées des TP

En 2022, avec l’hebdomadaire Le Moniteur, la Fédération nationale des travaux publics a annoncé les lauréats de sa 8e édition des Trophées de l’innovation des TP. Le tracteur agricole John Deere 6210R converti par e-Néo pour Charier a été primé le 24 février dernier dans la catégorie « Sobriété et décarbonation des engins ». Ce modèle construit entre 2011 et 2014 à l’usine allemande de Mannheim est équipé d’une transmission à 4 roues motrices. Pesant 7 tonnes, l’engin embarque de série un moteur 6 cylindres diesel de 6,8 litres de cylindrée. Alimenté par un réservoir de 455 l, le bloc développe une puissance de 210 chevaux, ou 156,6 kW.

« Nous avons intégré à sa place une batterie d’une capacité énergétique de 48 kWh, et un moteur électrique de 115 kW nominal qui développe un couple maximal de 1 140 Nm. C’est suffisant pour couvrir les besoins du tracteur », nous apprend Jérémy Cantin. Ce dernier est le fondateur de l’entreprise e-Néo. Installée aux Brouzils, en Vendée, cette société très dynamique est spécialisée dans la conversion de véhicules thermiques en électriques à batterie et/ou à pile hydrogène.


  
« La partie hydraulique pour le système d’origine de relevage à l’avant a été supprimée. Ce qui a permis de gagner en porte-à-faux pour ajouter le caisson avec la pile à combustible et les réservoirs d’hydrogène », indique Arnault Peugniez. C’est ce système qui est visible sur la photo d’illustration prise en septembre dernier, lors du Vendée énergie Tour.

Dans la configuration d’usine, le relevage avant est capable de supporter 3,3 tonnes. « Les réservoirs peuvent contenir 8,4 kg d’hydrogène. Notre plus gros challenge a été de réussir à intégrer tous les éléments sur le véhicule. Il y a eu aussi toute la partie consacrée à la communication électronique entre le système d’origine et le nôtre », met en avant Jérémy Cantin. Pourquoi ce projet a-t-il rencontré un glissement relativement important sur le calendrier établi au départ ? « Certains approvisionnements sont assez compliqués quand on travaille en mode pionnier. A cela se sont ajoutés les effets de la Covid-19. Nous attendons encore quelques composants du système de piping. Après leur ajout, le tracteur sera opérationnel », convient le dirigeant d’e-Néo.
 

 
H2 Mobile et moi-même remercions vivement pour leur disponibilité et le temps pris à répondre à nos questions.
 
  
 
 
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