Compression thermique de l'hydrogène : un système innovant pour les stations du futur

Mis à jour le 02.12.2021 à 13:17
Compression thermique de l'hydrogène : un système innovant pour les stations du futur
Bruyante, coûteuse, et soumise à l’usure, la compression mécanique n’est plus aujourd’hui incontournable pour l’hydrogène. C’était le sens de l’intervention du PDG de la société Eifhytec, David Colomar, invité par le Pôle Véhicule du Futur dans le cadre de son programme DinamHySe.

Formé à partir des mots « European industrie for hydrogen technologies » (Industrie européenne pour les technologies de l’hydrogène), le nom Eifhytec peut dès aujourd’hui s’interpréter comme un synonyme de compression thermique H2. C’est effectivement autour de cette solution, en particulier, que l’entreprise installée en Alsace se mobilise afin de participer au développement de l’hydrogène dans l’Hexagone. 

La mobilité, plus précisément, est au cœur des activités de la dizaine de collaborateurs répartis à Strasbourg et Haguenau. La technologie mise au point par Eifhytec sera d’ailleurs exploitée pour ravitailler en énergie la première benne à ordures ménagères en circulation dans l’Hexagone. Plus largement, la jeune société est embarquée dans plusieurs projets qui incluent l’ouverture d’une station d’avitaillement. Ainsi les programmes R-Hynoca et Cosmhyc Demo.

Des défis à relever

Avant de présenter davantage ces 2 projets majeurs, prenons le temps de bien comprendre ce qu’est la compression thermique et ce qu’elle peut apporter d’important pour le développement de l’usage de l’hydrogène, et en particulier pour la mobilité. 

En France, comme ailleurs en Europe et à travers le monde, la lutte contre le dérèglement climatique passe par le recours aux énergies décarbonées. L’hydrogène vert, dont l’exploitation va s’intensifier dans les process industriels, pour faire avancer les véhicules lourds et légers, et en injection dans le réseau national de gaz, nécessite d’être comprimé. Tant que les besoins étaient marginaux, les technologies convenant très bien à d’autres produits gazeux ont été adaptées. Et ce afin de limiter les investissements. C’est le cas de la compression mécanique. Avec l’accroissement important des projets, le temps est venu de développer et de proposer des solutions qui collent parfaitement à l’hydrogène.

Les limites de la compression mécanique

En matière de compression mécanique, plusieurs possibilités sont offertes : piston, membrane et fluide ionique. Leur action permet de réduire le volume physique des gaz. Ce qui a pour effet d’en augmenter la pression. Ce principe est au cœur du fonctionnement des 550 stations de distribution d’hydrogène recensées à travers le monde fin 2020, dont 107 nouvelles ouvertures cette année-là. 

L’implantation de distributeurs supplémentaires, non plus en périphérie des villes mais davantage dans le centre, impose de gommer les nuisances sonores dues à la compression mécanique. Cette dernière convient moyennement bien à l’hydrogène du fait de la taille si petite de ses molécules. Les pièces en mouvement sont soumises à rudes épreuves, avec risque de craquage de l’acier. 

L’emploi de lubrifiant susceptible d’assurer à la fois l’étanchéité du système et son graissage est compliqué, voire même impossible. Tout simplement parce que l’hydrogène ainsi comprimé ne serait pas suffisamment pur pour un usage dans les piles à combustible embarquées dans les véhicules hydrogène.

« L’usure des pièces en mouvement pour la compression mécanique est particulièrement marquée avec l’hydrogène. D’autant plus que l’alimentation des électrolyseurs à partir de sources intermittentes d’énergies impose de fréquents arrêts et redémarrages des compresseurs. Le phénomène est ainsi amplifié », a souligné David Colomar. 

Le calage entre la production et le système de compression mécanique est en outre parfois difficile à obtenir. Par ailleurs le volume d’électricité nécessaire pour réduire la place prise par l’hydrogène rend l’opération coûteuse. Tous ces inconvénients militent pour une solution développée spécifiquement pour ce gaz.

Compression thermochimique

« Les effets thermochimiques sont connus depuis des décennies. Mais leur application à l’hydrogène est nouvelle », a expliqué le dirigeant de la société créée début 2019. La solution de compression qu’elle propose s’appuie sur un scénario d’absorption/désorption dans un alliage métallique exempt de terres rares, ainsi que de matériaux coûteux et/ou sourcés en Asie. 

Des alliages métalliques sont coulés pour réaliser des lingots qui sont ensuite broyés avant incorporation dans un réacteur. Dans la phase d’absorption, ce dernier, soumis à refroidissement, reçoit l’hydrogène à basse pression dont les molécules vont être emprisonnées dans l’hydrure métallique. En réchauffant le contenant, l’hydrogène va être libéré à haute pression. Débarrassé des pièces en mouvement, ce système résout les problèmes d’usure, de fuites, de maintenance et de nuisance sonore. Il est capable d’absorber les pics de production des électrolyseurs. Pour rappel, à leur sortie, l’hydrogène se présente à une pression d’environ 30 bars.

Economiquement viable avec de la chaleur à disposition

La compression thermochimique mise au point en Alsace devient économiquement viable si le processus n’a pas besoin d’une production de température relativement élevée par résistance électrique. Ainsi en s’adossant à une boucle de récupération de chaleur fatale, idéalement comprise entre 60 et 150° C. 

Autre association intéressante de ce fait : le couplage avec un électrolyseur à haute température. « Le froid fatal, c’est plus rare, mais il serait également exploitable avec notre solution », a reconnu David Colomar. Chaleur ou froid permettent à la compression thermique de tendre « vers une consommation énergétique presque nulle ». Toutefois Eifhytec prévoit dans ses installations un système de production de chaleur en secours. Sa puissance est de 100 à quelques centaines de kilowatts, mais bien moindre en fonctionnement au fil de l’eau. Pourquoi cette dotation ? Afin d’assurer un bon fonctionnement ses machines dans un maximum de circonstances.

Jusqu’à 500 bars de pression

Si aujourd’hui Eifhytec espère parvenir à des pressions de l’ordre de 1 000 bars, la startup a atteint un niveau de développement proche de la commercialisation avec 500 bars de maximum. Une valeur compatible avec les 350 bars souvent employés pour la mobilité. Un module installé dans un conteneur 20 pieds peut produire ainsi jusqu’à 500 kg de gaz par jour.

Le modèle TC 10-500 affiche par exemple une valeur de 10 kg par heure. Et ce, avec une pureté exploitable dans les piles à combustible employées pour la mobilité H2. Autour du caisson, le niveau sonore est compris entre 50 et 55 dB, dû au système de refroidissement par ventilation. « Le ressenti est doux et homogène, sans comparaison avec les bruits parfois agressifs des compresseur mécaniques" met en avant David Colomar. 

Pas d’altération dans la durée

Selon les observations effectuées par Eifhytec, les hydrures métalliques ne s’altérèrent pas au fil des cycles d’absorption/désorption. « Nous n’avons bien sûr que quelques milliers d’heures de fonctionnement, mais s’il y avait des dégradations, ce serait comme sur les piles à combustible, d’abord en début de vie », a assuré le dirigeant-conférencier. « Il pourrait y avoir des altérations, réversibles pour la plupart, si l’hydrogène en entrée n’était pas pur, contenant par exemple du monoxyde de carbone, du soufre ou de l’azote. C’est pourquoi nous ne nous intéressons qu’aux projets où le gaz reçu est d’un très haut niveau de pureté », a-t-il complété.

R-Hynoca

Eifhytec est impliqué dans 2 programmes qui visent à produire de l’hydrogène vert, avec une compression thermochimique sur place. Dès 2023, le site R-Hynoca implanté en milieu urbain, au cœur de Strasbourg, pourrait fournir quotidiennement 700 kg d'hydrogène. De quoi ravitailler 30 bus, ou 70 utilitaires légers, ou 150 voitures particulières. L’établissement accueillerait aussi bien les particuliers que es professionnels. Il compterait également un point d’injection sur le réseau, et un distributeur dédié au remplissage de citernes pour l’approvisionnement industriel. 



R-Hynoca embarque l’énergéticien R-GDS, et la société Haffner Energy qui apporte au programme sa solution pour obtenir de l' hydrogène vert par thermolyse de la biomasse. C’est une partie de la chaleur générée par ce procédé qui sera exploitée par Eifhytec pour faire fonctionner son compresseur. Cette synergie valorise une énergie de récupération peu onéreuse et décarbonée. Un point qui participe de façon non négligeable à l’équilibre économique de la station et à l’optimisation de son bilan environnemental.

Cosmhyc Demo

Localisé sur le territoire de la communauté de communes Touraine vallée de l’Indre, le programme Cosmhyc Demo s’appuie, pour la production d’hydrogène vert, sur une électrolyse de l’eau couplée à une centrale photovoltaïque. Là aussi le site présentera un point pour remplir les citernes qui livreront ce produit aux industries locales, ainsi qu’une station à disposition des usagers du réseau routier. 

Le passage à proximité de l’autoroute A10 permet d’envisager l’établissement en hub énergétique corridor. Il pourrait alors recevoir des poids lourds de passage, mais aussi des flottes de taxis établies aux alentours. C’est ici que sera ravitaillé en H2 vert la première benne à ordures ménagères électrique à pile à combustible hydrogène de France. La machine à comprimer d’Eifhytec permettra de stocker le produit à une pression de 450 bars. Elle sera suffisante pour approvisionner par camion le secteur industriel. En revanche, son action sera complétée par une compression mécanique afin de porter cette valeur entre 500 et 950 bars en amont de la station.

En recherche de partenaires et de collaborateurs

Portée dès le départ par des spécialistes français, allemands et espagnols de l’hydrogène, l'entreprise alsacienne cherche de nouvelles énergies humaines et industrielles pour développer son activité et promouvoir la compression thermochimique hydrogène.

Ainsi des partenaires locaux ou tout du moins européens qui lui permettront de multiplier, par exemple, ses démonstrateurs en service. Se définissant comme un équipementier de l’hydrogène, elle recrute également de nouveaux collaborateurs. Eifhytec recherche en particulier des ingénieurs, techniciens, docteurs et stagiaires. Une liste qui n’est pas exhaustive.
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