De l'hydrogène vert à prix compétitif d'ici 2030 ?

De l'hydrogène vert à prix compétitif d'ici 2030 ?
Dans le cadre de la 5e édition des rendez-vous de l’innovation énergétique, l’Ifpen avait convié plusieurs intervenants pour présenter la trajectoire que prend l’hydrogène comme réponse aux enjeux de la transition écologique. Coordonnateur de la stratégie nationale hydrogène au secrétariat général pour l'investissement, Hoang Bui estime que la courbe de prix de l' hydrogène vert croisera celle de l' hydrogène gris d'ici 2030.
 

Une stratégie nationale centrée sur la mobilité lourde

Coordonnateur de la stratégie nationale hydrogène, au secrétariat général pour l’investissement, Hoang Bui a introduit les débats et immédiatement présenté l’hydrogène comme un vecteur essentiel pour la neutralité carbone que s’est fixée la France à horizon 2050. « La France vise d’ici 2030 à développer 6,5 GW de capacité d’électrolyse pour produire de l’hydrogène. C’est 700 fois ce que nous faisons actuellement à partir de l’électrolyse », a-t-il rappelé.
 
Le recours à l’hydrogène pour la mobilité lourde ou pour décarboner l’industrie devrait avoir pour effet d’éviter de libérer chaque année dans l’atmosphère 6 millions de tonnes de CO2. Si l’on considère qu’une voiture essence émet chaque année 1,8 tonnes de CO2 par an (120 grammes de CO2 par km et 15 000 km à l’année), ce volume représente les émissions annuelles d’environ 3,33 millions de ces véhicules.
 
Pourquoi cette volonté d’une filière souveraine qui s’attache à développer l’hydrogène vert ? Hoang Bui a aligné diverses raisons, soulignant que la France n’est pas contre l’ hydrogène bleu obtenu avec captage du CO2. Mais l’Etat a prévu de mettre sur la table 7 milliards d’euros d’ici 2030, dont 3 milliards pour 2023. Une partie de ces enveloppes permettra de développer sur le territoire la production d’électrolyseurs alcalins, PEM et à haute température. D’où l’accent mis sur les méthodes permettant d’obtenir de l’hydrogène décarboné à partir de ces systèmes.
 
« Il s’agit de tirer les fruits de ces investissements », a indiqué le coordonnateur au secrétariat général pour l’investissement. La souveraineté de la France se joue aux niveaux écologiques, énergétiques et technologiques. Parmi les différents enjeux, il y a aussi cette recherche de connexion avec les énergies renouvelables pour également booster leur évolution.
 
D’ici 2030, la courbe du prix de l’hydrogène décarboné devrait croiser celle de l’hydrogène gris 
 
Hoang Bui précise que faire le choix de la souveraineté nationale au niveau de l’hydrogène n’est pas un signe de fermeture façon autarcie. Bien au contraire, puisque les gigafactories qui vont se mettre en place pour la production d’électrolyseurs et de piles à combustible ciblent aussi l’exportation.
 
Le choix politique effectué par la France vise à transformer les process industriels et à massifier l’usage de l’hydrogène pour la mobilité dans les entreprises et les collectivités. En aidant ces entités à acquérir des bennes à ordures ménagères, des bus, et des camions fonctionnant avec cette énergie, il s’agit en quelque sorte d’amorcer la pompe, avec l’objectif de faire baisser au final les coûts de production de l’hydrogène vert. « D’ici 2030, la courbe du prix de l’hydrogène décarboné devrait croiser celle de l’hydrogène gris », a estimé le premier invité de l’Ifpen. Egalement à la clé du scénario national : la création de 150 000 emplois dans l’Hexagone. « Nous verrons à l’avenir si la France a fait le bon choix », a-t-il exprimé avec une certaine confiance.
 

L’engagement précurseur des territoires avec Zero Emission Valley

Bien avant que l’Etat ne songe à mobiliser 7 milliards d’euros au titre de la stratégie nationale sur l’hydrogène, la région Auvergne-Rhône-Alpes s’est engagée dans le projet de la Zero Emission Valley. Ce n’est sans doute pas un hasard si le territoire qui est au cœur de cette expérimentation se présente comme la première région industrielle de France, qui produit 30 % de l’énergie renouvelable national grâce à son hydroélectricité.
 
« Ce sont aussi 5 territoires sur les 10 nationaux qui sont sous tension sur la qualité de l’air », a mis en avant Catherine Azzopardi, directrice de l’environnement et de l’énergie pour la région. Elle présente ainsi une partie des enjeux spécifiques à un territoire qui s’attache en réponse à développer l’hydrogène localement. Elle est remontée jusqu’en 2014 pour évoquer les débuts du programme ZEV, avant d’en partager les retours d’expérience.
 
La Zero Emission Valley s’est inspirée du projet HyWay « qui voulait expérimenter le développement de 2 stations de distribution d’hydrogène en même temps que la mise en service de 10 Kangoo pour en expérimenter les usages et en communiquer les retours ».
 
Un peu plus tard, en 2017, la ZEV pose une première brique pour le développement de la filière. Il s’agissait de « déployer, en même temps, un réseau d’infrastructures de production d’hydrogène renouvelable, de distribution de cet hydrogène, et d’une flotte de véhicules captive pour les entreprises et les collectivités. De façon à mettre en place un système économique pérenne », a détaillé Catherine Azzopardi. Financé par l’Europe, l’Ademe et la région, ce projet innovant a bénéficié d’une gouvernance confiée à la société commerciale Hympulsion, à la fois publique (la région) et privée (Michelin, Engie, la Banque des territoires, et la Crédit agricole).
 
Un modèle économique pérenne
 
Pour la directrice de l’environnement et de l’énergie, le modèle bâti autour d’Hympulsion est pérenne. Il constitue un véritable atout pour « inventer chaque fois qu’il y a une difficulté ». Ainsi avec l’arrivée retardée des véhicules ou le manque de modèles disponibles.
 
D’où le recours au rétrofit pour les autocars, et un élargissement à la montagne avec des dameuses fonctionnant à l’hydrogène. De même, le projet initial prévoyait 20 stations d’avitaillement alimentées par 15 électrolyseurs. Une architecture qui n’était économiquement pas viable. Finalement, le nombre d’unités de production se limite à 3, une pour chacun des 3 bassins concernés, dotée d’une capacité minimum de 2 MW. De quoi obtenir au moins 800 kg d’hydrogène vert par jour. Ainsi, le prix au kilo s’élèverait à 9 euros.



 
Il est important de partager les risques et de les sécuriser
La création d’une communauté de pionniers est l’un des premiers fruits de la ZEV. « Il est important de partager les risques et de les sécuriser », a insisté Catherine Azzopardi. Les subventions ont été accordées aux entreprises et collectivités sur la base d’un engagement kilométrique. Et ce, afin que les véhicules choisis dans le cadre du projet soient parmi les plus exploités.
 
A noter la présence de trains ferroviaires parmi les engins inclus au programme plus tardivement. L’invitée de l’Ifpen a apprécié la dimension concertation du projet. « On a besoin d’entendre les freins éprouvés par le secteur privé », a-t-elle reconnu. Pour elle, il est également essentiel d’impliquer les collectivités, comme les villes et les départements. La Zero Emission Valley « est un projet ambitieux, innovant et rentable si on veut être patient », a-t-elle résumé, soulignant le recours aux ressources locales.
 
« Une des premières questions qui viennent au sujet de l’hydrogène, c’est celle de la sécurité, car les gens ont encore l’image du Zeppelin qui s’enflamme », a témoigné Catherine Azzopardi. Aujourd’hui, rien n’interdit en France de garer une voiture à PAC H2 dans un parking souterrain. Contrairement au GPL qui peut s’accumuler et présenter des risques importants d’explosion, l’hydrogène est plus léger que l’air et ne reste pas concentré dans un bâtiment. Il s’échappe très rapidement par le haut. Une évacuation avec une ventilation sécuriserait davantage encore les parkings souterrains. Les SDIS (services départementaux d’incendie et de secours) ont été étroitement associés au projet ZEV. « Ils étaient présents à toutes nos réunions locales pour parler des risques et des organes de sécurité », a rapporté la directrice de l’environnement et de l’énergie pour la région. Selon eux, « il est plus facile d’étendre un feu de voiture à hydrogène qu’une électrique à batterie ».
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