Où en est Lhyfe, leader de la production d'hydrogène vert en France ?

Où en est Lhyfe, leader de la production d'hydrogène vert en France ?
Directrice régionale Nord-Est pour l’entreprise installée à Nantes, Myriam Jendoubi était l’invitée d’un webinaire organisé le 4 avril par les clubs hydrogène de Bourgogne Franche-Comté et du Grand Est. Son intervention a été remarquée pour son efficacité.
 
Est-il vraiment besoin de présenter en détail l’entreprise Lhyfe qui a déjà fait l’objet chez H2-Mobile d’un bon nombre d’articles ? Créée en 2017, cette société produit et vend de l’ hydrogène vert à partir de sources solaires, éoliennes et hydrauliques afin de décarboner l’industrie et la mobilité. L’électricité est obtenue soit par raccordement direct ou à travers des contrats d’achat à long terme.

« Nous avons un portefeuille de gisements qui nous permet de disposer d’un accès constant à l’électricité », a souligné Myriam Jendoubi. Elle répondait ainsi à l’une des nombreuses questions posées à la suite de sa prise de parole au rythme soutenu. Le problème d’intermittence de production des énergies renouvelables, l’entreprise l’a résolu à sa manière : « Pour une fourniture électrique stable, nous procédons à une hybridation des systèmes, par exemple solaire/éolien. Le pilotage est effectué avec des outils digitaux. La production est ainsi optimisée à partir des prévisions météo, mais aussi des besoins émis par nos clients ».
 

5 MW

Début avril 2023, 190 collaborateurs localisés dans 12 pays européens s’activent pour développer l’activité qui se vit en interne comme une véritable mission. L’entreprise a choisi de procéder par électrolyse, tout en étant « agnostique » sur la technologie. Ce qui lui permet d’exploiter au cas par cas les systèmes PEM ou alcalins. Et pourquoi pas une collaboration un jour avec Genvia qui mise sur l’électrolyse à haute température ? Il sort des installations Lhyfe un produit directement compatible avec les piles à combustible : « Nous pouvons obtenir à la demande une qualité supérieure encore, pour les besoins des filières pharmaceutiques et alimentaires ».

La société, très experte en dépit de sa jeunesse, se développe et affine son offre en fonction de ses propres retours d’expérience et de ceux de ses clients. Désormais, « notre dimensionnement minimal est de 5 MW, qui assure la durabilité et la solidité financière des systèmes. Il permet d’obtenir 2 tonnes d’hydrogène par jour ». Le portefeuille compte des collectivités, des métropoles, des PME, de grosses entreprises, pour lesquelles Lhyfe propose une production semi-centralisée afin d’amorcer une stratégie H2 sur les territoires, en visant leur autonomie.
 

Vers une vallée de l’hydrogène

« C’est pourquoi nous livrons au départ jusqu’à 300 km autour d’un de nos sites de production, en attendant le déploiement d’un écosystème local ». L’acheminement est effectué sous 380 bars. Une des ambitions avouées de l’entreprise est de parvenir à mettre en place « une vallée de l’hydrogène ».

Toutefois, le transport des tubes trailers ne peut pas être effectués par camion H2 : « L’actuelle réglementation ne permet pas de rouler à l’hydrogène pour transporter de l’hydrogène. Nos camions roulent donc au bioGNV ou au B100 ». Aujourd’hui, le prix du kilo d’hydrogène vert Lhyfe est affiché à la station multi-énergies vertes de La Roche-sur-Yon autour des 15 euros. Ce qui comprend la production, le transport et la distribution.

Quid de la rentabilité ? : « Par rapport à quoi ? Aux autres sources d’énergie ? Il faudrait une projection fiable à long terme pour le savoir. Concernant les sites de production, la rentabilité est atteinte au bout de 2 ou 3 ans ».
 

Un prix au kilo qui dépend (en grande partie) de celui de l'électricité

Tous les professionnels qui sont impliqués dans la production d’hydrogène vert par électrolyse le savent : le prix de vente est très fortement influencé par le tarif de l’électricité : « La part représente entre 50 et 60 % du prix du kilo d’hydrogène. Le niveau actuel est la conséquence de la hausse importante des tarifs sur l’électricité ».

L’autre facteur qui joue également beaucoup sur la grille tarifaire, « ce sont les usages et les besoins de consommation ». Ils influent en particulier sur les volumes transportés : « En fonction de la quantité et de la distance, le coût du transport pèse entre 0,50 et 1,20 euro le kilo ». La taille du conteneur détermine la quantité maximale qui peut être livrée en une seule fois avec un camion : « Avec un conteneur 20 pieds c’est 380 kg, avec celui de 40 pieds, on peut livrer jusque 900 kg d’hydrogène vert ». Myriam Jendoubi a toutefois tenu à préciser : « La quantité livrée ne correspond pas à la quantité utile qui, elle, dépend aussi de la pression d’usage ».
 

Flottes

Entièrement impliqué à la décarbonation des territoires avec l’hydrogène vert, Lhyfe doit aussi composer avec les limites encore existantes. C’est pourquoi sa propre flotte comporte peu de véhicules hydrogène : « Nous disposons d’une Hyundai Nexo. Elle est à la dispositiondes collaborateurs, notamment pour les déplacements entre Nantes et Bouin en Vendée, où se situe notre première installation. Son plein est effectué à la station de La Roche-sur-Yon. Ca se fait très facilement et intuitivement ». C’est un bon début : « Il est prévu d’ajouter d’autres véhicules à hydrogène quand la station de Nantes sera ouverte ».

Myriam Jendoubi connaît bien les chiffres : « Le transport routier est la cause de 29 % des émissions de gaz à effet de serre en France ». Ce qui représente toujours dans les 120 millions de tonnes d’équivalent CO2 par an. Et même un peu plus qu’en 1990, l’année qui sert de référence pour diminuer de 55 % les émissions de CO2 en 2030, avant la neutralité carbone souhaité pour 2050 : « L’hydrogène convient bien pour les autocars, autobus, camions, engins de la logistique, avec des contraintes spécifiques à chaque flotte. Nous devons les évaluer au préalable afin de bien cibler nos actions ».


 

Industrie

Décarboner les territoires, c’est aussi employer l’hydrogène vert dans le secteur industriel : « En France, 50 sites particulièrement émissifs en CO2 ont été recensés. Nous ciblons en priorité les industries qui consomment déjà de gros volumes d’hydrogène fossile. Elles doivent répondre à l’objectif RED 3 qui impose pour 2030 50 % de RFNBO, Renewable Fuels of Non Biological Origin, c’est-à-dire des fiouls renouvelables ».

Globalement, le raisonnement doit être effectué à l’échelle de l’écosystème : « Il est nécessaire de fédérer tous les acteurs de la filière pour constituer un ensemble durable à partir de différentes briques : production des énergies renouvelables, production de l’hydrogène vert, son transport, sa distribution, et sa consommation. Ce qui demande une synchronisation des actions des secteurs publics et privés ». Et ce, de façon diversifiée : « Ces différents acteurs vont investir les écosystèmes à partir de ces différentes briques. Chez Lhyfe, nous le faisons à travers les 3 premières ».
 

Plateforme digitale collaborative

Destinée aux consommateurs d’hydrogène, la plateforme collaborative Lhyfe Heroes est en cours de constitution et constamment enrichie. Elle est proposée en français, anglais et allemand : « Elle répond à la question : ‘Qu’est-ce qui est disponible et possible en matière d’hydrogène ou qu’est-ce qui va l’être ?’. On y trouve une cartographie des stations d’avitaillement existantes ».

Cet environnement numérique va permettre de « recenser et consolider les usages. Mais aussi de bénéficier d’éléments pour une bonne synchronisation. En phase de développement des projets, par exemple, elle aide à respecter les jalons pour demander des subventions. Il est possible d’obtenir un détail au niveau des régions ». En cours de stabilisation, l’application est encore perfectible, comme l’a indiqué Myriam Jendoubi lors de la présentation. Nous avons pu le constater en visitant la carte des stations que nous n’avons pas pu utiliser correctement. Lhyfe veut présenter « des informations fiables et pertinentes ».

Préserver l'eau potable

Pour rappel, l’entreprise a inauguré en septembre 2022 sa plateforme offshore. « Nous voulons tester et valider la production d’hydrogène vert en milieu marin, confrontée au vent, à la houle et au sel. Le plus important gisement en énergies renouvelables en France, et plus largement en Europe, sera en mer ».

Lhyfe n’a jamais caché sa volonté de « ne pas priver les territoires en eau potable ». D’où l’exploitation « d’eau saumâtre en Vendée » et ailleurs, mais aussi « des eaux industrielles et des eaux usées ».



Les différents traitements qui permettent de parvenir à de l’eau douce en entrée des électrolyseurs n’ont qu’un « impact mineur en termes de Capex et d’Opex ». Pour obtenir un kilo hydrogène, « il faut 9 litres d’eau désalinisée et purifée, soit 12 à 18 litres d’eau avant traitement, en comptant la partie qui va permettre d’éliminer les impuretés ». En cas de besoins qu’exprimeraient certains clients, Lhyfe peut travailler sur la valorisation de l’oxygène coproduit lors de l’électrolyse : « C’est cependant assez complexe à mettre en œuvre, pour des raisons de sécurité ». Et l’hydrogène liquide ? L’entreprise y réfléchit aussi, car « il permet de transporter davantage d’hydrogène dans un même volume ».
 
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