Shell donne l'hydrogène gagnant pour la mobilité lourde

Shell donne l'hydrogène gagnant pour la mobilité lourde
Avec pour fond le dérèglement climatique, les tensions énergétiques dues à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, et une mobilité en pleine mutation, Shell a imaginé 2 scénarios : Archipelagos et Sky 2050, desquels l’hydrogène tire son épingle du jeu, en particulier concernant les véhicules lourds.
 
Pourquoi ces scénarios ? Shell justifie sa démarche prospective par le souhait d’aider ses cadres supérieurs à s’interroger sur les défis à long terme auxquels son groupe pourrait être confronté. Se défendant de calquer ses scénarios sur sa propre stratégie, il assure vouloir également offrir un cadre de réflexion aux gouvernements, universitaires et entreprises.
 
La feuille de route Sky 2050, plus rapidement vertueuse, part du principe que 2040 marque la fin du moteur thermique dans les véhicules de tourisme. Mais aussi que de nombreux autres changements impacteront tout le système énergétique. Ainsi en tournant le dos aux combustibles fossiles, au profit du nucléaire et du renouvelable.
 
Rappelant que toute projection se base sur des données incertaines et incomplètes, Shell prévient : « Tous les scénarios sont probablement vrais, mais tous sont susceptibles d’être faux d’une manière ou d’une autre ». D’où l’importance de relativiser un minimum les conclusions avant d’en déduire des certitudes. Histoire de ne pas se laisser guider de façon plus ou moins orientée.
 

4 catégories de pays

Avant d’établir ses scénarios, Shell a identifié 4 archétypes à l’œuvre dans différents pays, avec des impacts différents sur la volatilité des prix de l’énergie et les risque de ruptures d’approvisionnement.
 
La situation de la Chine est la plus stable. Sa richesse en charbon et son niveau d’investissement l’isolent de ces 2 problèmes. Elle se tourne en outre, prudemment, vers le renouvelable pour renforcer sa position de puissance énergétique avec des infrastructures de sa propre fabrication.
 
Les Etats-Unis et les pays qui détiennent d’importants volumes fossiles se retrouvent dans un autre schéma. Autosuffisants, ils ne craignent pas pour l’instant les ruptures d’approvisionnement énergétique. Toutefois, leurs systèmes économiques sont suspendus aux marchés mondiaux. Pour eux, investir massivement et sur le long terme dans les innovations en matière de production d’énergie décarbonée est essentiel pour conserver un statut de pays exportateur.
 
A l’opposé de la Chine, de larges zones géographiques souffrent à la fois d’un risque de rupture d’approvisionnement en énergie et de l’envolée des prix. Ainsi nombre de pays émergents qui doivent surfer sur des vagues d’opportunités. Le manque de ressources énergétiques les pousse ainsi à établir des partenariats avec des nations stables à ce niveau. Si beaucoup des « surfeurs » cherchent prioritairement à obtenir un accès plus développé à l’énergie, d’autres, à l’image de l’Inde, adoptent en parallèle les nouvelles technologies pour décarboner leur développement.
 
Sauf exceptions, l’Europe entre plutôt dans le quatrième archétype que le groupe pétrolier a baptisé « Green Dream » (Rêve vert). L’économie de la zone UE lui permet de faire face à la volatilité des prix sur les marchés des énergies, tout en étant fragile aux pénuries d’approvisionnement. D’où une recherche de sécurité qui passe par 3 axes : réduire la consommation, réviser à la hausse l’efficacité des systèmes, et augmenter massivement la production d’énergie renouvelable.
 

2  grands scénarios

Le plus souvent, lorsque des structures cherchent à établir des projections, plusieurs scénarios sont retenus, qui diffèrent en jouant sur quelques curseurs. Shell a adopté une autre démarche.
 
La feuille de route Archipelagos a été réfléchie comme un prolongement de la situation mondiale de 2022. Alors que la trajectoire Sky 2050, à l’inverse, part de 2 objectifs à atteindre cette année-là, et remonte la frise du temps pour imaginer comment ils pourront être obtenus. Quels sont ces 2 objectifs ? Neutralité carbone en 2050, et limitation à 1,5° C du réchauffement climatique pour 2100. Cette dernière année buttoir est également retenue avec Archipelagos, mais en présentant un bilan moins positif. D’abord en raison d’une stabilisation de la hausse moyenne mondiale à une température supérieure : 2,2° C. Ensuite parce que le Zero Emission ne serait pas encore complètement obtenu. Pourquoi un tel échec ? Tout simplement en raison d’une recherche sécuritaire énergétique privilégiée, au détriment de l’unité mondiale contre le dérèglement climatique. Les progrès en matière de production d’énergies vertes seraient constants, mais ralentis par des conflits d’influence, à l’image de la situation russo-ukrainienne.
 
« A bien des égards, l’ordre géopolitique des années 2030 ressemblerait davantage au monde des alliances de pouvoir du XIXe siècle qu'au règlement mondialisé de l’après-guerre froide », imagine Shell.
 

Quid des accords de Paris ?

Avec le scénario Archipelagos, les accords de Paris pour modérer le dérèglement climatique perdent de leur importance. Le groupe pétrolier entrevoit aussi une étape à 2040, avec l’émergence de pôles commerciaux qui pourraient se livrer « une concurrence féroce ». Ainsi entre l’Inde et certains pays d’Afrique et d’Amérique latine.
 
Dans le scénario Sky 2050, le conflit russo-ukrainien est au contraire vu comme un catalyseur pour passer aux énergies propres, avec une franche accélération à partir de 2030 où une des urgences est de fournir au niveau mondial des infrastructures dédiées. Mais la baisse des émissions serait déjà observable 5 ans plus tôt. La neutralité carbone serait alors clairement en vue en 2040.
 
Si les institutions internationales apparaissaient inefficaces pour soutenir les accords de Paris, ce sont les citoyens qui s’empareraient de ses objectifs en faisant pression sur les gouvernements pour qu’ils hissent au niveau de priorité la cause environnementale. La hausse moyenne mondiale des températures pourrait même redescendre à 1,2° C, après un pic dépassant temporairement les 1,5° C. Parmi les autres actions du scénario Sky 2050 pour réduire les émissions de CO2 : limitation de la consommation de viande, et imposition de l’installation des éoliennes et lignes électriques même où de nombreux citoyens ne veulent pas les voir.
 

L’électrique à batterie pour les voitures particulières

Afin d’illustrer la différence de réactivité concernant l’adoption des énergies renouvelables, Shell pose 2050 comme étape. L’utilisation de la bioénergie aurait alors doublée avec le scénario Archipelagos, mais triplé avec la feuille de route Sky 2050 où l’on chercherait plus rapidement à se passer de pétrole pour la mobilité. Par exemple, et dans un premier temps, avec des biocarburants.
 
Mais c’est l’électricité qui serait privilégiée pour décarboner les véhicules de tourisme, avec un delta jusqu’à une vingtaine d’années entre les 2 scénarios. A horizon 2050-2055, la transition serait bouclée de cette manière, concernant la mobilité individuelle, dans tous les pays du monde, avec Sky 2050.
 
En plus d’un long dérapage (seulement 50 % de voitures particulières électriques à batterie en 2050), Archipelagos prévoit aussi que les moteurs thermiques seront encore utilisés longtemps dans les pays « surfeurs » les moins bien lotis.


 

L’hydrogène pour les véhicules lourds

Concernant l’hydrogène, Shell l’envisage comme un carburant majeur dès 2030 dans le scénario Sky 2050, et au moins 10 ans plus tard avec Archipelagos. De sorte qu’en 2050, il y aurait 2 fois plus d’hydrogène consommé dans le premier par rapport au moins vertueux. Dans les 2 feuilles de route, la molécule H2 sera alors obtenue en majeure partie par électrolyse via une électricité renouvelable.
 
Avec la feuille de route la plus vertueuse, l’électricité et l’hydrogène représenteraient près de 80 % du mix énergétique final en 2100. En 2040, le groupe pétrolier prévoit que 30 % des camions et utilitaires seront électriques, à batterie ou à PAC H2, avec Sky 2050.
 
« A partir de la fin des années 2020, les véhicules à pile à combustible à hydrogène s’imposent comme la solution privilégiée », souligne Shell.  Dans le monde Archipelagos, les camions et utilitaires à pack et/ou PAC ne représenteraient que 14 % de la flotte en circulation dans le monde.

Bateaux et avions

Toujours en 2040, le scénario Archipelagos connaîtrait le lancement du premier bateau fonctionnant à l’hydrogène, alors qu’avec la feuille de route la plus vertueuse, il y aurait déjà 10 000 navires H2 en service, dont une partie exploitant l’ammoniac et l’autre utilisant ce produit directement comme carburant.
 
La bascule serait observable dès le milieu des années 2030, grâce à une collaboration entre les chantiers navals, les énergéticiens fournisseurs de carburant, et les principaux ports de soutage. Presque tous les navires construits à partir de là auraient des groupes motopropulseurs à hydrogène.


 
Aussi en avance concernant l’aviation, Sky 2050 offrirait au monde en 2040 le lancement du premier avion hydrogène pour le transport commercial de voyageurs. L’événement serait alors considéré comme aussi spectaculaire que l’arrivée des jets dans les années 1950. Il s’agirait d’un appareil à turbine à réaction, brûlant de l’hydrogène comme carburant. II permettrait d’effectuer des vols moyen-courriers.


 
 



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