Couleurs de l'hydrogène : Ne pas confondre le vert, le bleu et le rose

Couleurs de l'hydrogène : Ne pas confondre le vert, le bleu et le rose
Ce n’est pas nouveau : différentes voix invitent à considérer, au même niveau que le renouvelable (vert), l’hydrogène produit avec le nucléaire (rose), ou avec du gaz naturel en piégeant le carbone (bleu). Cette tendance semble gagner du terrain au Conseil de l’Union européenne. Au point de provoquer une mise en garde de la part de la coalition pour l’hydrogène renouvelable.
 
Sous l’impulsion de l’actuelle présidence tchèque, le Conseil de l’Union européenne est sollicité pour assimiler l’hydrogène bas-carbone à l’hydrogène renouvelable, en particulier pour des applications dans l’industrie et les transports. La directive révisée sur les énergies renouvelables (RED3) soutient le développement de l’hydrogène décarboné réduit à la couleur verte. Il s’agirait d’inclure le rose et le bleu aux carburants renouvelables d’origine non biologique (RFNBO).

Selon la proposition formulée le 23 novembre dernier, un article 8a pourrait être ajouté à la directive Hydrogène et Gaz permettant aux Etats membres de comptabiliser éventuellement « l’hydrogène bas-carbone et les carburants bas-carbone dans les objectifs de décarbonation ». Ce qui pourrait également avoir des conséquences sur les règlements touchant aux carburants durables dans l’aviation (Refuel EU Aviation) et le transport maritime (FuelEUMaritime).
 

Une position dénoncée

La coalition pour l’hydrogène renouvelable dénonce cette position, affirmant qu’elle est soutenue « par quelques Etats membres comme la France, la Roumanie et la Pologne, soucieux de voir l’hydrogène bas-carbone trouver à tout prix sa place dans la législation européenne ». C’est bien le cas pour la filière française.

« Chaque tonne de carbone évitée compte, et la proposition de la présidence tchèque nous donne une opportunité historique d’accélérer, et fort : saisissons-la ! », peut-on lire dans une réaction datée du 29 novembre et publiée sur son site par France hydrogène, entouré d’ « acteurs de l’ensemble de la chaîne de valeur de l’hydrogène ». Une position que Philippe Boucly, président de l’association française, justifie ainsi : « Pour donner une trajectoire réaliste, il apparaît aujourd’hui impératif d’ouvrir le périmètre des quotas d’utilisation d’hydrogène dans l’industrie et les transports, à l’ensemble des modes de production d’hydrogène propre, et non uniquement aux RFNBOs ».


 

Rampe de lancement décisive ?

Evoquant « une combinaison de renouvelables et de nucléaire » de nature à offrir « une rampe de lancement décisive qui profitera à l’ensemble de la chaîne de valeur européenne », Philippe Boucly appelle à reconnaître « à sa juste valeur l’hydrogène renouvelable non-électrolytique, particulièrement celui produit par pyrogazéification ou thermolyse de biomasse durable ».

Mettant en avant « la survie même de l’industrie lourde (et de première nécessité) du continent », il assure : « Exploiter la complémentarité forte entre l’hydrogène renouvelable et bas-carbone sera décisif pour réduire les coûts de cette transition et ne pas créer de nouvelles dépendances énergétiques et industrielles ». C’est pourtant au nom de la sécurité énergétique que la coalition pour l’hydrogène renouvelable rejette l’assimilation du rose et du bleu à l’hydrogène vert.
 

Plus tard, ce sera trop tard ?

Un courrier signé par 50 industriels, ONG environnementales et groupes de réflexion, dont la coalition pour l’hydrogène renouvelable, appelle à conserver les objectifs et la teinte de la directive sur les énergies renouvelables.

« L’électricité nucléaire et fossile n’a jamais été considérée comme renouvelable, donc l’hydrogène nucléaire et fossile ne doit pas être traité différemment et n’a pas sa place dans le RED », opposent-ils. C’est pour eux une question de crédibilité, mais aussi d’orientation claire pour les industriels. Conserver la trajectoire vers le renouvelable serait important pour réduire « considérablement le grand appétit » des secteurs de l’industrie lourde, de l’aviation et du transport maritime « pour les combustibles fossiles importés ».

La coalition pour l’hydrogène renouvelable rappelle que « l’hydrogène a longtemps été considéré comme le carburant du futur ». Avec la crise géopolitique et énergétique actuelle, elle estime qu’il pourrait désormais devenir « le carburant du présent ». Pour l’organisation, « les décideurs politiques doivent faire le choix des énergies renouvelables dès aujourd’hui afin que l’Europe puisse bénéficier d’un marché prospère de l’hydrogène renouvelable à l’avenir ». Elle prévient : « Plus tard sera trop tard »
 

L’avis de l’Ademe sur l’hydrogène bleu

En mai dernier, l’Ademe a tranché dans un document « Avis d’experts » intitulé « Impact climatique de l’hydrogène bleu ». L’agence assure : « L’hydrogène produit par des vaporeformeurs de méthane avec captage en précombustion (captage partiel d’environ 60 % des émissions) est loin d’être compatible avec l’appellation ‘bas-carbone’ ». Elle ajoute que, selon les conditions actuelles d’approvisionnements en gaz naturel, « l’hydrogène produit avec captage en postcombustion (sur l’ensemble des émissions) sur des vaporeformeurs de méthane ne respecte pas non plus le seuil ‘bas-carbone’ ».

Le document de 22 pages n’exclut pas de possibles évolutions « pour faire passer l’ hydrogène bleu sous le seuil d’émissions fixé par la taxonomie ». Il s’agit par exemple de nouvelles technologies, de changements concernant l’approvisionnement, ou d’utiliser exclusivement du gaz renouvelable. Ce qui ne serait pas sans nouveaux risques concernant la souveraineté énergétique, la disponibilité de la ressource, et le verrouillage du fait des lourds investissements engagés.

Le sujet devrait animer encore bien des discussions de la part des partisans et des opposants du mélange des couleurs de l’hydrogène.


 
 



A la recherche de partenaires pour vos projets hydrogène ?
Bureaux d'étude, motoristes, opérateurs, fabricants, organismes de formation... retrouvez tous les acteurs de l'hydrogène dans notre marketplace.
Découvrir la marketplace

Vous avez aimé cet article ? Ne manquez pas les suivants en vous abonnant à H2 Mobile sur Google News ou en nous suivant sur Linkedin.
Annonces