L'hydrogène meilleur que l'électrique pour les poids lourds ?

L'hydrogène meilleur que l'électrique pour les poids lourds ?
Selon un nouveau rapport de l’ICCT, les poids lourds électriques à batterie permettent déjà de réduire les émissions de gaz à effet de serre par rapport aux modèles diesel équivalents. Toutefois, les flottes employant de l’ hydrogène vert pourraient déjà faire mieux dès aujourd’hui. Et en 2030 ?
 
Alors que les premières mesures pour parvenir en Europe à la neutralité carbone à horizon 2050 ont été activées, avec une étape en 2030 où les niveaux des émissions devraient être réduits de 55 % par rapport à ceux de 1990, le secteur fait figure de mauvais élève. En 2021, l’Union européenne a enregistré une diminution des rejets globaux sur son territoire de 25 %. Dans le même temps, ceux des transports ont augmentés de 33 %, les plaçant comme source principale des émissions de gaz à effet de serre. D’où des directives de plus en plus contraignantes qui placent les véhicules électriques à batterie et ceux à pile hydrogène comme modèles privilégiés de la mobilité durable.
 
Dans une nouvelle étude intitulée « Une comparaison des émissions de gaz à effet de serre du cycle de vie des véhicules lourds et des carburants européens », le conseil international pour des transports propres (ICCT) a voulu le vérifier à nouveau. Ses travaux se sont focalisés sur les camions (PTAC > 3,5 tonnes) et les autobus car leur impact environnemental pèse particulièrement lourd. Actuellement, leur parc respectif est représenté par le diesel à 96,3 et 93,5 %.
 

Analyse du cycle de vie

Dans son étude, l’ICCT compare les émissions de GES sur le cycle de vie complet en 2021 et les projections en 2030 des meilleurs poids lourds fonctionnant au gazole (avec part de biofuel), au GNV (avec part de biogaz), à l’électricité (2 cas : selon le mix énergétique européen ou avec des sources renouvelables), et à l’hydrogène (2 cas : selon la production actuelle basée sur les énergies fossiles ou H2 vert).
 
L’analyse comprend ainsi les gaz à effet de serre qui sont libérés à la fabrication des véhicules (y compris l’extraction et le traitement des matières premières), pour produire et transporter l’énergie nécessaire à leur propulsion, à l’usage (consommations réelles constatées sur le terrain), pour l’entretien, et le recyclage. Concernant les batteries (y compris seconde vie) et les composants spécifiques à l’hydrogène, ce dernier n’a pas été retenu.
 
Pour les carburants, la part progressive de produits moins émissifs est prise en compte. Y compris pour l’hydrogène obtenu à 100 % du reformage du méthane en 2021, mais d’un mixte en 2030 composé à parts égales de H2 bleu (capture du CO2) et vert.
 
En revanche, l’impact carbone à la construction des infrastructures de transport et de ravitaillement en énergie (station-service, borne de recharge), des routes et des usines de fabrication des véhicules est exclu, car considéré négligeable si on le ramène à tous les véhicules qui en profitent. L’ONG a ainsi cherché à identifier les solutions capables de répondre le mieux aux exigences de l’Union européenne en matière de mobilité des véhicules lourds.


 

Progrès technologiques

Pour toutes les énergies, l’ICCT a pris en compte diverses perspectives d’améliorations entre 2021 et 2030. Pour un autobus, par exemple, la consommation de gazole évoluerait ainsi de 55,77 à 41,45 litres aux 100 km, celle de GNV descendrait de 47,52 à 35,31 kg/100 km.
 
De la même manière, il ne faudrait plus en 2030 que 122,70 kWh, contre 170 kWh, pour réaliser 100 km avec un autobus électrique à batterie. Concernant les groupes motopropulseurs à pile à combustible, les besoins en hydrogène seraient ramenés de 305,56 à 253,46 kWh pour parcourir la même distance. D’autres progrès ont également fait l’objet d’estimations. Pour la même autonomie de 200-250 km, le besoin en capacité énergétique d’une batterie lithium-ion (base NMC = nickel manganèse cobalt) se réduirait de 300 à 250 kWh sur un véhicule électrique de même catégorie.
 
Le poids du réservoir pour un autobus à pile H2 serait ramené de 37 à 30 kg. Les émissions calculées en équivalent CO2 pour la fabrication baisseraient également sur la même période de 10 ans : de 6,6 à 5,6 tonnes CO2eq pour une tonne sur le châssis et le groupe motopropulseur, de 4,2 à 3,4 t pour une PAC H2 ou 5 kg de réservoir, et de 58 à 37 kg CO2eq par kilowattheure de batterie. Pour ces dernières, l’ONG utilise une moyenne qui tient compte des cellules produites en Europe et des importations en provenance d’Asie ou des Etats-Unis.


 

Le cas du gaz naturel

L’ICCT a bien noté la part relativement importante prise par les véhicules lourds fonctionnant au gaz naturel. Il a rappelé quelques chiffres fournis par l’association des constructeurs européens d’automobiles. Ainsi, la plupart des autobus et camions non diesel vendus en 2020 dans l’UE représentaient des parts de 11,4 et 2,9 %. Il s’agissait principalement de modèles fonctionnant au GNV.
 
L’ONG ne les inclut cependant pas dans les véhicules à zéro émission. Déjà en raison des fuites de méthane du puits à la roue, dont le potentiel de réchauffement global est « entre 28 et 85 fois supérieur au CO2 ». D’où une incertitude : gains ou pertes supplémentaires de GES ?
 
L’ICCT ne place pas vraiment mieux le biogaz pour la simple raison que sa capacité future à remplacer le gaz naturel d’origine fossile serait insuffisante à horizon 2030 : « Seulement 12 % de la consommation future en gaz de l’UE ». Ne bénéficient donc de l’étiquette « Véhicules à zéro émission » que les électriques à batterie ou à PAC H2. L’ensemble représentait en 2020 environ 1 % des ventes, avec une part de l’ordre de 95 % pour ceux équipés de packs lithium-ion.
 
La solution hydrogène est donc encore considérée comme « naissante » du point de vue des rédacteurs de l’ICCT. Pour exemple, les 2 700 engins à pile H2 en circulation dans l’UE fin 2020, avec seulement 131 autobus, et des chiffres encore plus réduits pour les camions.
 
 

Principaux résultats

Les véhicules de 3 catégories ont été ainsi comparés : camion porteur 12 tonnes, tracteur routier avec semi-remorque 40 tonnes, autobus. Tous sont crédités d’une durée d’usage de 20 ans, cumulant ainsi respectivement sur cette période environ 856 000, 1 243 000 et 881 000 km.
 
Avec l’actuel mix énergétique européen, et sur le cycle de vie complet des véhicules et des énergies qui les propulsent, un poids lourd électrique à batterie permet de réduire déjà aujourd’hui de 63 % les émissions de gaz à effet de serre par rapport à un modèle diesel équivalent. Ce taux serait de 89 % avec de l’hydrogène vert pour les transporteurs qui pourraient s’en procurer déjà actuellement.
 
Avec une électricité d’origine renouvelable, les camions et autobus à pack lithium-ion NMC repasseraient devant (92 % en moyenne en 2021 comme en 2030). Avec un mix énergétique identique dans 9 ans mais en incluant les progrès technologiques, le pourcentage de réduction serait compris entre 75 et 82 % pour ces engins.
 
La solution H2 bleu/H2 vert à 50/50 donnerait un résultat comparable, un peu mieux sous la forme d’un carburant gazeux qu’avec du liquéfié qui demande une énergie supplémentaire pour l’obtenir.


 

Petits bémols

Avec des sources 100 % renouvelables, les 2 technologies de véhicules électriques feraient encore mieux en 2030 par rapport à 2021, en conservant l’avantage aux électriques à batterie. Dans le détail, pour l’hydrogène vert : 82 % de gain par rapport au diesel pour le semi-remorque 40 tonnes, 87 % pour le porteur 12 tonnes, et 88 % pour les autobus. Pour comparaison, les taux grimpent respectivement à 87, 91 et 92 % avec l’architecture à pack lithium-ion.
 
Toutefois, l’ICCT rappelle qu’il faut 3 fois plus d’énergie au final pour rouler à l’hydrogène vert dans des piles à combustible qu’avec de l’électricité verte dans des batteries. C’est pourquoi l’ONG tend à privilégier la seconde solution tant que les volumes en molécules H2 obtenus par électrolyse avec des énergies renouvelables ne seront pas suffisamment abondants.
 
Il met également un petit bémol sur l’électrique à batterie en raison d’un certain flou, notamment sur la recharge lors des pics de consommation d’électricité. Les rédacteurs s’interrogent ainsi sur d’éventuels changements de pratique à prévoir dans les transports à cause de cela. L’organisme souligne en outre que certains résultats sont à moduler en fonction du mix énergétique national




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