Interview Hype : un écosystème complet pour la mobilité hydrogène

Mis à jour le 16.04.2024 à 18:34
Interview Hype : un écosystème complet pour la mobilité hydrogène
Depuis 2015, le fondateur et président de Hype prône une vision audacieuse de la mobilité de demain. Après avoir monté la première flotte de taxis à hydrogène de Paris à l’issue de la COP21 et déployé plusieurs stations d’avitaillement, Mathieu Gardies a fait de Hype l’opérateur privilégié des déplacements en taxi de la mairie de Paris et le supporteur officiel des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Retour sur la success story du chantre de la mobilité zéro-émission.  
 

Comment, d’un « simple » opérateur de taxi hydrogène, Hype est devenu producteur et distributeur d’hydrogène ?

Mathieu Gardies : Ce choix fait partie du projet depuis le départ, car nous savions qu’il fallait déployer à la fois l’infrastructure et les usages. Même avant que Hype ne passe sur l’hydrogène [l’entreprise a commencé à utiliser des voitures électriques à batteries avant d’intégrer la solution hydrogène en 2015, ndlr], nous étions déjà sur une logique de déploiement des taxis en parallèle des bornes de recharge rapide électrique. Quand nous sommes passés à l’hydrogène, nous avons fait de même avec les stations hydrogène. Pour pouvoir maîtriser l’agenda et les risques, on a besoin d’avoir dès le départ une approche intégrée, afin de déployer concomitamment les usages et les infrastructures qui permettent d’alimenter ces usages.

Notre souhait de départ était aussi d’utiliser de l’hydrogène vert. Nous nous sommes donc mis en situation de sécuriser le gaz distribué dans nos stations, et le meilleur moyen de faire ça, c’est de le produire nous-même. Ce n’est pas une activité core business pour Hype, mais c’est essentiel pour ne pas être dépendant en termes de timing et de prix. Le but était de démarrer le plus tôt possible. Pour cela, nous n’avons pas de problème à investir nous-même dans la production. Nous pouvons également nouer des partenariats avec des fournisseurs d’hydrogène vert, comme Lhyfe, qui alimente en partie nos stations parisiennes et notre première station du Mans.


La collaboration entre Hype et Hysetco a pris fin en 2022. Quelles sont les raisons de cette séparation ?

M.G. : Hysetco est une société filiale créée par Hype en 2017 afin d’accompagner la première phase du développement de Hype en Ile-de-France, pour l’acquisition de licences de taxis et le déploiement des premières stations hydrogène. Après l’entrée de TotalEnergies au capital d’Hysetco en 2021 [après Air Liquide, Toyota et Kouros en 2019, ndlr], nous avons constaté que l’agenda stratégique de ces acteurs énergéticiens « historiques » divergeait finalement de celui de Hype. Nous nous sommes donc séparés en 2022. C’est un point positif pour nous, car cela veut dire que cette première phase d’amorçage et de démonstration est bel et bien dépassée, et que le marché atteint une forme de maturité.
 
En effet, cette séparation génère de la concurrence sur différents maillons de la chaîne de valeur, ce qui est une excellente chose. Paris est la seule ville dans laquelle la maturité de la mobilité hydrogène en est à ce stade, notamment sur la partie distribution, car Hysetco est devenu notre concurrent sur ce marché. Promouvoir l’hydrogène aux côtés de gros acteurs comme Air Liquide ou TotalEnergies nous aide à faire avancer la solution globale, et c’est ainsi qu’on fera basculer collectivement plus rapidement le marché.

 
Quelles sont les prochaines villes dans lesquelles Hype va déployer ses stations hydrogène ?

M.G. : Nous avons un agenda à court-terme en Ile-de-France, avec déjà 2 stations ouvertes (Issy-les-Moulineaux et Porte de Bercy), et nous avons annoncé les prochaines ouvertures en juillet 2023 avec une mise en service à horizon des JOP pour atteindre une dizaine de stations en Région Parisienne à la fin 2024.
 
En parallèle, nous avons aussi annoncé l’an dernier les 7 premières villes / régions dans lesquelles nous nous déployons hors Ile-de-France : Bruxelles, Le Mans, Bordeaux, Madrid, Barcelone, Lisbonne, Porto. Nous allons y répliquer ce que nous avons déjà réalisé à Paris, tout en y intégrant dès le départ des usages tels que les bus, les cars ou les bennes, et en préparant l’arrivée des camions.
 
Le tracé de ces villes constitue un corridor Atlantique et nous ferons bientôt des annonces concernant Le Mans, Bruxelles et Bordeaux. Les huit prochaines villes qui vont ouvrir d’ici à fin 2026 seront annoncées d'ici à la fin de l’année.




Qu’est-ce qui motive le choix des villes et des régions dans lesquelles vous vous implantez ?

M.G. : Nous sélectionnons un écosystème qui va nous permettre d’aller vite : soit parce qu’il n’y a pas grand-chose et qu’on peut donc se déployer facilement, soit parce qu’il y a déjà des initiatives que nous allons pouvoir dynamiser, en apportant des solutions aux acteurs locaux volontaristes.
 
Le Mans développe un hub hydrogène porté par une vision politique claire et résolue. Bruxelles est un choix stratégique pour avoir une visibilité européenne. L’Espagne et le Portugal sont des pays intéressants, car l’énergie renouvelable y est compétitive, le prix de revient de la molécule est plus bas et les marchés taxis sont de grande taille et similaires au marché du taxi parisien.


Comment la flotte de taxis Hype va-t-elle évoluer dans les mois à venir ?

M.G. : La flotte de taxis hydrogène va évoluer très fortement à Paris, notamment via la flotte officielle des JO de Paris 2024 : 500 Mirai vont être ajoutées par Toyota et rester au-delà de l’événement, ce qui amènera à 1 500 le nombre de taxis parisiens à hydrogène en fin d’année 2024. De plus, après avoir travaillé pendant 2 ans avec Stellantis sur un mini-van adapté aux PMR, nous avons pu déployer les 50 premiers en 2023. Il y a une forte dynamique de croissance des véhicules à hydrogène pour un usage taxi à Paris, soit par nous, soit par nos concurrents, mais qui sont aussi potentiellement des clients.
 
L’hydrogène, pour nous, est une des solutions pour arriver à l’objectif du zéro émission. On sait qu’une partie des chauffeurs de taxis ne sont pas satisfaits par l’écosystème batterie, et que l’hydrogène est dans certains cas une meilleure solution pour eux. Pour autant, notre objectif reste que les clients finaux du taxi payent le même prix pour basculer dès que possible vers une solution zéro émission, quelle que soit la technologie choisie par le chauffeur. En 2024, nous allons donc, comme prévu, ouvrir l’application Hype aux véhicules électriques à batterie, ce qui permettra d’augmenter notre capacité à accompagner les clients dans cette bascule irréversible vers le zéro émission.



Quel est le plan d’action de Hype pour les Jeux de Paris ?

M.G. : Ce qu’il se passe en France cette année avec Paris 2024, qui montre l’exemple en ayant sélectionné Hype comme supporteur officiel Taxi, est l’occasion de donner une dynamique pérenne vers la mobilité taxi zéro émission. Depuis 2015, nous savions que nous voulions être prêts pour les JOP 2024, donc c’est déjà un grand succès pour nous. Nous sommes 100 % mobilisés, ce qui va nous permettre d’accélérer sur tout un tas de sujets opérationnels, qui étaient déjà en cours.
 
En effet, nos enjeux de compétition ne sont pas tant sur le marché émergent de l’hydrogène avec Hysetco ou TEAL, mais plutôt sur le marché très concurrentiel du taxi avec des opérateurs comme G7 ou Uber.
 
L’an dernier, Hype a remporté plusieurs appels d’offres et est aujourd’hui, par exemple, le fournisseur exclusif de la Ville de Paris pour tous les déplacements en taxi des agents valides et non-valides. Nous avons également été sélectionnés par le Sénat, devant un autre opérateur historique, et nos services sont de plus en plus utilisés par l’Assemblée nationale. Notre enjeu 2024 est de faire basculer tous les clients publics et privés vers des solutions qui ne polluent pas, et d’augmenter massivement nos parts de marché face à nos concurrents.
 
Les Jeux Olympiques et Paralympiques ont cela d’intéressant qu’ils fournissent un agenda mixte public-privé où tout le monde va dans le même sens et fait des efforts inhabituels. Nous allons nous saisir de cette opportunité pour nous implanter durablement sur ces nouveaux marchés. De notre point de vue, après les JOP de Paris, plus aucune Olympiade ne pourra se permettre d’avoir un partenaire taxi qui ne soit pas crédible sur le sujet du zéro émission. 




La mobilité lourde est-elle également sur la to-do list de Hype ?

M.G. : Elle y est clairement, car on sait que c’est particulièrement sur ce segment que l’approche hydrogène est massivement pertinente. Nous adoptons toutefois une approche pragmatique : ce n’est pas parce que l’hydrogène est pertinent que la batterie ne l’est pas pour certains poids lourds. Mais la mobilité des poids lourds est un sujet un peu trop long terme pour qu’on puisse faire bouger les choses tout de suite.
 
Hype est dans une logique d’urgence, à la fois d’un point de vue philosophique et économique, c’est pour cela que nous avons commencé par la mobilité légère. Il y a encore beaucoup de travail pour qu’on ait des poids lourds hydrogène acceptables par les opérateurs, il y a donc un vrai risque que le planning décale. Nous nous y préparons, mais sans nous reposer dessus.
 
Hype travaille en revanche très concrètement dès maintenant sur l’agenda des bus et des cars, qui est plus local, avec des décideurs plus près des problématiques à court-terme. Une des stations que nous déployons en ce moment à Buc est menée sur le site d’un opérateur de bus qui va opérer les premiers cars rétrofités, nous pourrons donc les alimenter.
 
Au Mans, la communauté urbaine Le Mans Métropole va augmenter significativement sa flotte de bus. Nous travaillons aussi activement avec nos partenaires locaux au déploiement d’une infrastructure permettant de répondre efficacement à ces besoins grandissants. Nous pensons qu’il y a le léger, l’utilitaire léger, et le bus/car qui sont prêts, le reste suivra dans un temps plus long. Ce sont des maillons pertinents et nécessaires pour sécuriser l’arrivée rapide des poids lourds.


Quel est votre positionnement sur l’avenir de la mobilité décarbonée ?

M.G. : Notre conviction est que c’est un mix de solutions qui va permettre de faire bouger les choses, et que ce mix évoluera dans le temps. Les nouvelles générations de véhicules hydrogènes sont 100 % électriques, avec une batterie rechargeable de taille raisonnable et avec un dispositif à hydrogène pour compléter, et plus on va avancer dans le temps, plus on va devoir réduire la taille et le poids des véhicules. C’est pour cela que nous sommes ravis que les vans Stellantis ou Hyvia reposent sur ce principe, car cela évite les batteries trop lourdes.
 
Il y a également une complémentarité sur les infrastructures : certaines de nos nouvelles stations d’avitaillement offrent la possibilité d’une recharge en hydrogène mais aussi en électricité. Tout cela œuvre dans le même but : atteindre rapidement une mobilité zéro émission raisonnable qui permette un passage à l’échelle.
 
Par ailleurs, nous sommes aussi très proactifs sur le sujet du moteur à combustion à hydrogène, car nous pensons qu’il fera partie du panel de solutions qui vont être utiles, au moins un certain temps, pour décarboner les transports.

 
 
A la recherche de partenaires pour vos projets hydrogène ?
Bureaux d'étude, motoristes, opérateurs, fabricants, organismes de formation... retrouvez tous les acteurs de l'hydrogène dans notre marketplace.
Découvrir la marketplace



Vous avez aimé cet article ? Ne manquez pas les suivants en vous abonnant à H2 Mobile sur Google News ou en nous suivant sur Linkedin.
Annonces