David Holderbach (Hyvia) : « Je considère l'électrique comme un challenger positif »

David Holderbach (Hyvia) : « Je considère l'électrique comme un challenger positif »
David Holderbach, CEO d'Hyvia, aux côtés d'une pile à combustible sur le site de Flins, dans les Yvelines.
Début octobre, Hyvia réunissait une centaine d’acteurs engagés dans la mobilité hydrogène pour faire le point sur son écosystème H2. L’occasion pour H2 Mobile de revenir avec le CEO d’Hyvia sur le développement du Renault Master à hydrogène.
 
Tout va très vite pour Hyvia. Officiellement lancée en juin 2021, la joint-venture de Renault et Plug s’attèle au déploiement de son écosystème hydrogène. Installée à Flins, où elle dispose de sa propre ligne de production de piles à combustible, l’entreprise fait le point sur les prochaines étapes du développement de son Renault Master à hydrogène. En ligne de mire, le début d’une production à échelle industrielle dès 2025 à Batilly.
 

Du retard au démarrage

S’il comptait lancer en 2022 son fourgon à hydrogène, Hyvia a dû composer avec une phase d’homologation bien plus longue que prévue.
 
« On a présenté le fourgon à l’Utac et on a réussi tous les tests en juillet 2022, soit 13 mois après la création d’HYVIA. Ce qu’il s'est passé ensuite, c'est que l'UTAC voulant bien faire et ayant un peu de préoccupation sur la sécurité en général, nous a demandé une pléthore de documentation supplémentaire. Comme l’hydrogène a une réaction particulière avec les métaux, ils voulaient savoir si nos composants étaient « H2 compatibles ». Il a fallu recontacter tous les fournisseurs pour obtenir des certificats. C’est pour la bonne cause mais au final, cela a pris 9 mois ! » nous explique David Holderbach, CEO d’Hyvia.
 

De Step 0 à XDD

Les lecteurs assidus de H2-Mobile le savent : la version actuelle du fourgon à hydrogène d’Hyvia n’est qu’une première étape. « Ce que l’on a présenté et qui roule actuellement, c’est le Step 0. On a le matériel en haut (pile et réservoirs ndlr). Ce que l’on prépare actuellement, c’est le Step 1. Les bouteilles sont transférées sous le châssis et la pile explose avec une bonne partie intégrée sous le capot moteur » explique le patron d’Hyvia.

Quel intérêt ? « Le centre de gravité sera plus bas. Nous avons aussi pas mal de clients qui mettent des choses sur le pavillon. Des applications avec des échelles sur le toit ou de grands panneaux de signalisation, le Step 0 ne sait pas faire. Ce sera en revanche le cas pour le Step 1 qui proposera une meilleure intégration. Sur le Step 0, nous avons dû renforcer la structure du véhicule pour porter la pile et les bouteilles en toiture. Avec la configuration du Step 1, ce renforcement ne sera plus nécessaire et on gagne 200 kilos ». Revers de la médaille : l’intégration des réservoirs sous le châssis va rehausser le plancher, finalement proche d’une configuration propulsion.
Sur la version Step 0, les réservoirs hydrogène et la pile sont intégrés en toiture.
 
 
Pour Hyvia, le Step 1 est l’ultime étape visant à préparer l’intégration du système à bord de XDD, un nom de code utilisé en interne pour désigner la nouvelle version du Renault Master dont la présentation est attendue fin novembre à Solutrans. « Pour Hyvia, Step 1 permet de préparer la suite avec une phase beaucoup plus industrielle » souligne le CEO d’Hyvia. Car au-delà de l’intégration au nouveau Master, c’est également le processus de fabrication qui change avec l’arrivée de XDD. Si les piles à combustible resteront fabriquées à la Refactory de Flins, dans les Yvelines, l’assemblage final du véhicule, aujourd’hui réalisé par PVI à Gretz-Armainvilliers (Ile-de-France) sera transféré à Batilly (Meurthe-et-Moselle). A compter de 2025, y seront assemblées toutes les versions du Master, dont l’électrique et l’hydrogène.
La ligne d'assemblage de piles à combustible d'Hyvia à Flins, dans les Yvelines.
 
« 2025, cela va arriver très vite ! Pour nous, il était fondamental de commencer. Si on n'avait pas fait le Step 0, on aurait perdu du temps sur la préparation du Step 1. Si on n'avait pas fait le Step 1, on aurait certainement raté des choses sur XDD. Nous n'allons pas produire des milliers d'exemplaires de ces premières voitures qui nous permettent surtout d'avancer en ingénierie et en production. Les premières expérimentations menées avec nos clients nous permettent de voir des choses que nous n'avions pas forcément vu. On continue à peaufiner le produit et tout ça dans le but d'avoir une bonne voiture dans 18 mois maintenant » détaille David Holderbach.
 
Une échéance industrielle qui n’empêche pas Hyvia de commencer les livraisons. « Actuellement, on fait des pilotes avec des entreprises comme Equans, Orange ou Alpine qui sont dans un mindset de pionniers et qui travaillent avec nous pour l’améliorer. Pour l’heure, nous n'avons livré que quelques exemplaires. En 2024, d’autres suivront, mais il y aura aussi l’arrivée du Step 1. Nous organiserons une nouvelle fois des pilotes avec des entreprises souhaitant essayer les voitures. Certaines partent déjà sur une acquisition en leasing ou en cash parce qu’elles sont déjà convaincues ».
 
Quid du châssis et du Citybus ?
Présentées en parallèle du fourgon, les versions châssis et Citybus ont aujourd’hui été mises de côté. « Etant donné la maturité actuelle de la filière H2, HYVIA concentre à ce stade ses efforts sur la version fourgon (Renault Master Van H2-TECH). Les versions Châssis Cabine et City Bus à hydrogène seront étudiées dans le futur » fait savoir le communiqué du constructeur. 
 

Un réseau de distribution/maintenance qui s’étoffe

En parallèle du développement de son fourgon, Hyvia travaille au développement d’un premier réseau de distribution en se basant sur le réseau de concessions Renault Pro +. Sans surprise, le constructeur concentre ses efforts dans des pays et régions où l’écosystème est présent. Il faut naturellement des stations mais aussi des « incentives » pour encourager les entreprises à franchir le pas.
 
« Aujourd'hui, nous sommes formellement présents dans deux pays : la France et les Pays-Bas. On travaille avec l'Allemagne, l'Espagne » liste le patron d’Hyvia. En France, deux concessions Renault Pro + ont déjà acquis la certification H2 Ready : Paris-Rungis et Lyon Sud. Trois autres sont prévues dans des régions particulièrement actives dans la mobilité hydrogène. « Plusieurs régions sont en train d'appliquer un mécanisme permettant de financer 80 % d'écart entre diesel et zéro émission sur l'hydrogène. Cela offre des subventions significatives » complète David Holderbach.
 
Des véhicules mais aussi des stations
 
Afin d’offrir à ses clients une solution de ravitaillement, Hyvia s’est associé au groupe savoyard Atawey pour développer HYWELL, une station de moyenne envergure. « On sait faire le plein d'une vingtaine de voitures par jour avec cette station, le tout avec un ticket d'entrée bien moindre que les grosses Bertha » détaille le CEO Hyvia. « La station peut être installée pendant six mois, un an voire plus. Une fois que les gens sont convaincus, ils passent à l'échelle et installent une grosse station ».
Comme les véhicules, les stations pourront être proposées sous forme de leasing via Hyvia Financial Services.
 
La concession Renault Pro + de Rungis est l'une des deux premières en France à avoir la certification H2-Tech

Vers des prix équivalents à l’électrique

Avoir des véhicules à hydrogène c’est bien, arriver à les proposer à des tarifs compétitifs, c’est encore mieux. « Pour l’heure, nous sommes sur une petite série. C'est une voiture de luxe. XDD va nous permettre de passer à l'échelle » rappelle le CEO d’Hyvia.
 
Du coup, quel coût d’acquisition pour un Renault Master hydrogène ? « Aujourd'hui, le diesel c'est 1, l'électrique c'est 2 et l'hydrogène c’est 4. Demain avec le transfert sur Batilly, on sera très proche de l'électrique » chiffre David Holderbach. « Comme pour l'électrique il y a une quinzaine d'année, nous sommes dans des phases pionnières ».
 
Justement, la montée en puissance de l’électrique sur l’utilitaire, tant en matière d’autonomie que de vitesse de charge, ne risque-t-elle pas de faire de l’ombre à l’hydrogène ? « Je considère l’électrique comme un challenger positif. Aujourd'hui, le Renault Master électrique fait difficilement 200 kilomètres d'autonomie. Notre Step 0 peut parcourir 400 kilomètres. Le nouveau Renault Master e-Tech qui arrive sera forcément plus performant. Mais nous allons progresser également. Nous challengeons en permanence nos fournisseurs pour trouver la façon de stocker davantage d'hydrogène avec une masse optimisée où développer une pile qui soit plus petite ou plus puissante, ce qui me permet après de réduire la taille de la batterie (33 kWh sur la version Step 0 ndlr). Au final, l'électrique évolue mais nous sommes aussi dans des changements de génération. Si on regarde la Toyota, Mirai, ils en sont à leur troisième génération et en termes de power density, à chaque fois, ils montent d'un cran. Nous sommes exactement dans la même démarche ».
 
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