La première Alpine à moteur hydrogène roulera bientôt

Mis à jour le 07.07.2023 à 11:28
La première Alpine à moteur hydrogène roulera bientôt
Alpine accélère sur le moteur à combustion hydrogène. Alors qu’elle présentait en octobre dernier son concept Alpenglow à Paris, la marque sportive du groupe Renault s’apprête à faire rouler son premier prototype. Un programme que nous détaille Pierre-Jean Tardy, ingénieur en chef Hydrogène Alpine.

Véritable planche de salut pour les motoristes, le moteur à combustion intéresse de plus en plus de constructeurs. Alors que Toyota a pris un coup d’avance avec ses prototypes Corolla et Yaris H2, d’ores et déjà engagés en compétition au Japon, Alpine se lance également dans la course avec un moteur spécifique. Basé sur le concept Alpenglow, le premier prototype de la marque roulera dans les tous prochains mois.

Des cas d’usage spécifiques

« Pour la plupart des gens, l’hydrogène pour la mobilité est associé à la pile à combustible. Chez Alpine, on s’intéresse principalement au moteur à combustion interne à hydrogène sans le mettre en compétition avec les autres technologies » résume Pierre-Jean Tardy, ingénieur en chef Hydrogène Alpine.

Pourquoi une technologie plutôt qu’une autre ? Tout dépend du profil d’utilisation ! « Si vous êtes artisans, intervenez principalement en ZFE et que votre kilométrage ne dépasse pas les 300 km par jour, la meilleure option sera de prendre un Master électrique à batteries. Si vous avez toujours la même activité mais avec une zone d’activité plus étendue, la solution pile à combustible (PAC) devient intéressante, notamment si vous ne pouvez pas vous permettre de vous arrêter plusieurs dizaines de minutes voire plusieurs heures pour recharger. Le moteur à hydrogène intervient lui aussi sur des cas d’usage bien précis. Si vous êtes amenés à transporter des volumes de chargement importants où à réaliser des parcours où les appels de puissance sont à la fois longs et réguliers, la PAC atteint ses limites. Aussi, le moteur à combustion hydrogène est la seule technologie qui permette de tenir les objectifs de décarbonation tout en maintenant une puissance utilisable en continu. »

Pour Alpine, le côté émotionnel entre aussi en jeu. « En course automobile, il y a le bruit, les vibrations de ce moteur qui vit et qui donne ce plaisir de conduite cher à la marque ».

Une base technique entièrement nouvelle

Basé sur un cahier des charges performances, le moteur à hydrogène d’Alpine sera développé à partir d’une feuille blanche. « Quand on ne va pas chercher des rendements très élevés, on pourrait se contenter de faire du rétrofit. Certains le font déjà en remplaçant le système d’injection de moteurs diesel existants par une alimentation H2. Cela peut fonctionner. Mais si on veut faire un moteur parfaitement adapté capable de produire un super rendement, il faut partir sur une base neuve » justifie notre interviewé.

Avec le développement de ce premier moteur à hydrogène, Alpine souhaite progressivement monter en compétences. « On y va par étapes » souligne Pierre-Jean Tardy. « Les premiers tests se réaliseront avec de l’hydrogène gazeux. L’association à des réservoirs à hydrogène liquide n’interviendra que dans un second temps ». Et l’hybride à moteur hydrogène ? « C’est aussi une brique que l’on pourra ajouter par la suite. On souhaite y aller pas à pas » insiste-t-il.

D’autant que le développement d’un moteur à combustion à hydrogène n’est pas si simple. « Les problématiques sont nombreuses. Elles sont notamment liées à la préparation du mélange dans la chambre de combustion, plus compliquée à gérer en injection gaz qu’en injection essence, d’autant plus sur les forts régimes que nous visons. En matière de combustion, l’hydrogène a ses vertus mais reste un combustible très susceptible. Il faut peu d’énergie pour l’enflammer, ce qui nécessite une bonne maîtrise du système d’allumage et de la thermique de la chambre de combustion » détaille l’ingénieur d’Alpine.
 
Un moteur zéro émission ?

A l’heure où l’Europe impose le zéro émission à l’échappement pour les véhicules légers, qu’en est-il du moteur à hydrogène ? « C’est un moteur à très faible émission » répond Pierre-Jean Tardy. « En matière de CO2, nous devrions être très inférieurs à 1 g/km, soit quasiment zéro-émission. A la différence d’une pile à combustible, un moteur à pistons fonctionne grâce à la combustion d’hydrogène ce qui implique la formation d’oxydes d’azote (NOx ndlr). Toutefois, ce n’est pas une fatalité. Il y a des moyens de les réduire de façon drastique. Nous l’avons déjà fait dans le cadre du projet de consortium HyMot, coordonné par Bosch, qui a permis le développement d’un moteur à hydrogène à mélange très pauvre, à bord d’un démonstrateur basé sur le Renault Master. ».

Le laboratoire de la course auto…

« On explore très sérieusement la faisabilité de faire de la course auto à l’hydrogène sur différentes catégories. Nous ne sommes pas les seuls à y songer puisque la FIA travaille sur un futur scénario 2031 où serait introduit le règlement d’un moteur de F1 alimenté avec de l’hydrogène liquide. Nous travaillons actuellement avec eux sur l’élaboration du cahier des charges. » détaille l’ingénieur d’Alpine.
Sur un horizon plus proche, c’est sur l’endurance qu’Alpine souhaite se positionner. Une ambition déjà affichée avec le concept Alpenglow. Animée par un moteur à combustion hydrogène, cette hypercar était présentée pour la première fois en octobre dernier au Mondial de l’Automobile de Paris.



« Cette voiture réalisera ses premiers tours de roues avec un premier moteur H2 dans les tous prochains mois » nous confie Pierre-Jean Tardy. 

Quelles performances sont visées ? « Sur les premiers démonstrateurs, on sera contents si on arrive à atteindre 40 % de rendement. Si on parvient à 45 %, on le sera encore plus ! » chiffre Pierre-Jean Tardy. « Nous ne sommes encore qu’au début de l’aventure. Quand on a commencé le développement de notre moteur F1 actuel, je n’aurai jamais pensé qu’on pourrait atteindre les 50 % de rendement, et sur le papier le moteur à hydrogène est capable de faire au moins aussi bien » complète-t-il.

… pour préparer les applications grand public

« La compétition permet de réaliser des développements à la fois très rapides et très agiles. Faire tourner des voitures en rond sur un circuit n’est pas que de l’amusement. Le grand public a du mal à faire le rapprochement – sans doute parce que les constructeurs ne l’ont pas assez expliqué - mais beaucoup de technologies que l’on retrouve dans les voitures actuelles ont été développées en compétition » rappelle Pierre-Jean Tardy.

Alors à quand une première Alpine à hydrogène ? « La décision appartient aux dirigeants d’Alpine mais on ne néglige pas la possibilité de proposer une voiture à moteur à combustion hydrogène à la clientèle Alpine avant la fin de la décennie ». On a hâte de découvrir la suite…

 
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